Publié sur Opinions

Le bilan de huit années de lutte contre la malnutrition en Asie du Sud

Cette page en:
Malnutrition-sar-blog-2
Vendeur de légumes dans un marché en Inde. Crédit : Anton Jankovoy / Shutterstock.com

Le fléau de la dénutrition est d’une ampleur considérable en Asie du Sud 

Les taux de retard de croissance et d’insuffisance pondérale chez les enfants y sont parmi les plus élevés du monde,  ce qui signifie qu’un grand nombre d’enfants sont trop petits ou trop maigres pour leur âge.

En Asie du Sud, les taux de retard de croissance et d’émaciation restent exceptionnellement élevés en dépit d’une croissance économique importante 

Quelle est l’ampleur du fléau ?

C’est en Afghanistan que la situation est la plus critique, avec un taux de retard de croissance chez les moins de cinq ans qui atteint 41 %. Mais l’Inde et le Pakistan ne sont pas loin derrière (38 %), suivis du Bangladesh et du Népal (36 %). Le tableau est moins sombre en ce qui concerne l’insuffisance pondérale, même si, dans ce domaine également, les taux d’émaciation sont bien trop élevés par rapport à l’essor des niveaux de revenu  : 21 % en Inde, 15 % au Sri Lanka et 14 % au Bangladesh. 

L’Initiative en faveur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de l’Asie du Sud (ou SAFANSI selon son acronyme en anglais) a été lancée en 2010. Il s’agissait d'expérimenter et de soutenir de nouveaux types d’intervention en vue d'améliorer la nutrition.  Un montant total de 23,8 millions de dollars de subventions a été versé afin d’analyser les causes à l’origine de la dénutrition et de tester des idées innovantes pour améliorer les services nutritionnels. 

Conçue comme un catalyseur de changement, l’initiative SAFANSI a été portée par trois partenaires fondateurs : la Commission européenne, le Département britannique pour le développement international (a) et le ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce (a)

La plupart des 93 activités financées par la SAFANSI ne se sont pas cantonnées au seul secteur de la santé, l’objectif étant précisément de tenter de nouvelles approches. Elles concernaient généralement plusieurs secteurs au sein des administrations d’État ou locales, comme l’agriculture, le développement rural, l’éducation, l’eau et l’assainissement, les communications et l'intégration régionale.

A vegetables fair at Khamarbari in Dhaka, Bangladesh
Foire aux légumes de Khamarbari à Dacca (Bangladesh). Crédit : Sk Hasan Ali / Shutterstock.com

Un impact formidable pour un programme relativement modeste


À la suite de l’initiative SAFANSI, la Banque mondiale a rapidement étendu les activités qui avaient fait leurs preuves, pour les développer en Asie du Sud, mais aussi les reproduire ailleurs dans le monde.

Notre initiative est en passe de conclure sa deuxième phase. L’occasion de mettre en lumière quelques faits marquants tirés d’un rapport de bilan paru récemment (a).

  • L’initiative SAFANSI a étayé l'élaboration de 11 politiques publiques nationales, dont six plans d’action pour la nutrition en Afghanistan, au Bangladesh, au Népal et au Sri Lanka 
  • Une étude régionale sur le rapport coût-efficacité (a) a aidé le Bangladesh à établir un budget pour la nutrition qui permettra d'éviter près de 50 000 décès chez les enfants de moins de cinq ans et plus de 500 000 cas de retard de croissance. Ces avancées devraient augmenter la productivité économique du pays de 5,6 milliards de dollars tout au long de la durée de vie des enfants concernés.
  • La SAFANSI a contribué à 32 projets financés par la Banque à hauteur d’un montant global de 6,3 milliards de dollars. Comment ? En expérimentant de nouveaux programmes alimentaires et nutritionnels centrés sur les communautés, en renforçant les capacités des pouvoirs publics en matière de suivi et d'évaluation des activités, et en dressant le bilan de notre action.
  • Plusieurs projets financés par la Banque dans les secteurs de la santé et de l’eau/assainissement ont exploité les structures villageoises pour se concentrer sur les 1 000 premiers jours de la vie (depuis la conception jusqu’à l’âge de deux ans).
  • Avec une enveloppe de 3,7 millions de dollars, l'établissement de l’Observatoire social (a) en Inde a bénéficié de la plus importante somme allouée par la SAFANSI. Il s’agit aussi de l’une des interventions les plus innovantes, qui a notamment mis en place un système de contrôle participatif afin de collecter, auprès de plus de 10 000 foyers, des données permettant de mieux comprendre le rôle des défaillances du marché, des carences des pouvoirs publics et des biais de comportement dans la nutrition. En Inde, ces données ont permis de renforcer les capacités de suivi de plusieurs opérations de développement des moyens de subsistance dans les zones rurales (dont le projet Jeevika) (a), tandis que le système de contrôle a été reproduit au Népal et en Indonésie.
  • En Inde, une expérience de nutrition multisectorielle (a) menée dans l’État du Bihar s’est attachée à mobiliser les groupes d’entraide communautaires mis en place dans le cadre du projet Jeevika, une opération d’appui aux moyens de subsistance en milieu rural financé par la Banque. 
  • Le Népal et le Sri Lanka ont également testé le recours à des organisations communautaires pour mettre en œuvre des interventions alimentaires et nutritionnelles. Au Népal, une initiative de nutrition axée sur l’obtention de résultats rapides et financée par la SAFANSI s’est focalisée sur le moment décisif que constituent les 1 000 premiers jours de la vie d’un enfant et a été étendue à plus grande échelle dans le cadre d’un projet financé par la Banque dans le secteur de la santé (a). Un modèle d’intervention multisectorielle testé au Sri Lanka s’est attaché à œuvrer en collaboration avec les habitants et les collectivités locales (au niveau des districts), avant d’être reproduit au Bangladesh dans le cadre d’un projet de développement des moyens de subsistance dans les zones rurales financé par la Banque.
  • Au Pakistan, la SAFANSI a aidé les autorités de quatre provinces à élaborer des notes d’orientation en matière de nutrition (a), qui sont venues étayer la conception de projets de santé financés par la Banque dans les mêmes provinces.
  • La SAFANSI a accordé une place prioritaire aux femmes. L’initiative a appuyé la mise au point d’un outil d’évaluation des coûts liés à l'allaitement (a) afin de promouvoir les pratiques d'alimentation des nourrissons et de protéger les droits des mères allaitantes et des enfants. Adopté par l’Afghanistan, le Bangladesh, l’Inde et le Népal, cet outil a également convaincu 16 autres pays en dehors de l’Asie du Sud.
  • La SAFANSI s’est employée à collaborer avec des acteurs du secteur privé, qui joue un rôle majeur dans les chaînes d'approvisionnement alimentaire. Elle a ainsi financé une expérience pilote de développement du lait fortifié en Inde (a), en partenariat avec Tata Trusts, des entreprises privées et des fédérations laitières. Cette opération, encore en cours, a déjà permis de produire 3,3 millions de tonnes de lait enrichi en vitamines A et D, au profit de 67 millions de personnes dans 19 États.

Au cours des huit dernières années, l’initiative SAFANSI a apporté des réponses essentielles pour mieux comprendre le fléau de la malnutrition en Asie du Sud.

Mais il reste encore beaucoup à faire

Si la SAFANSI se poursuit dans le cadre d’une troisième phase, nous nous attacherons à lutter davantage contre les retards de croissance en favorisant la nutrition prénatale chez les futures mères adolescentes et en recherchant des collaborations innovantes avec le secteur privé. Nous nous efforcerons également de prendre en compte l'évolution des priorités, en nous employant notamment à encourager des activités agricoles axées sur la nutrition, à mettre en place des interventions pour lutter contre la malnutrition en milieu urbain et à étudier les conséquences du changement climatique sur la nutrition.

L'initiative SAFANSI a montré comment un programme de taille modeste mais souple est en mesure de mettre fin à des cloisonnements qui n’ont pas raison d’être et de catalyser des changements importants  . Nous souhaitons continuer à innover en rassemblant des experts de tous les secteurs concernés — agriculture, santé, eau, assainissement, administration publique, etc. — autour de cet enjeu : poser les bases d’une bonne nutrition pour permettre aux populations d’Asie du Sud de vivre en bonne santé. 


Auteurs

Miki Terasawa

Spécialiste, Développement rural

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000