Il suffit de penser à nos modes de communication, de consommation, de déplacement, de travail et de loisir pour comprendre à quel point, depuis dix ans, la technologie a bouleversé notre vie quotidienne et professionnelle.
Les évolutions induites par la technologie transforment profondément notre monde et permettent aux pays en développement de sauter des étapes et de s’affranchir des processus de développement industriel traditionnels . Mais pour les dirigeants, ces technologies disruptives accentuent les enjeux au risque, sinon, de se laisser distancer.
En embrassant la révolution des télécoms dans les années 2000, l’Afrique subsaharienne a démontré sa capacité à se saisir d’une opportunité technologique . Aujourd’hui, il s’agit de prendre le nouveau virage du numérique, qui offre un potentiel incroyable. Mais pour en profiter pleinement, les pays doivent disposer de cinq piliers incontournables : infrastructures, compétences théoriques et pratiques, services financiers, plateformes, et esprit d’entreprise et innovation.
En avril dernier, lors des Réunions de printemps, le Groupe de la Banque mondiale a lancé l’Initiative pour l’économie numérique en Afrique (DE4A), avec le soutien de ministres africains des finances et de télécommunications, de gouverneurs de banques centrales, de géants mondiaux de la technologie et des télécoms ainsi que de plateformes Internet locales et régionales, de laboratoires d’idées, de leaders d’opinion, d’entrepreneurs numériques et de partenaires de développement. Cet événement a mis en évidence le rôle du numérique comme nouvel aiguillon de la croissance, discuté des modalités à mettre en place et analysé les dangers pour les pays qui se laisseraient distancer.
L’Initiative DE4A collabore actuellement avec plusieurs pays à la mise au point d’un cadre d’évaluation qui servira de base à la définition des stratégies nationales de soutien à l’économie numérique. Elle entend notamment améliorer la connectivité dans la région et permettre aux habitants pauvres, qu’ils soient citadins ou ruraux, d’accéder aux services financiers et publics, aux marchés et aux informations. Ce qui permettra de stimuler la créativité des entrepreneurs du numérique et d’approfondir la maîtrise de ces outils.
De nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie : le Sénégal s’est donné pour objectif de porter à 10 % la part du PIB assurée par l’économie numérique à l’horizon 2025 . Le Rwanda a déployé la 4G et la fibre optique pour offrir des services numériques, notamment publics, dans tout le pays . Et le Kenya, premier pays à avoir testé l’argent mobile, fait désormais des émules.
Pour participer à l’économie numérique, l’Afrique subsaharienne doit assurer un accès généralisé et peu coûteux à l’internet. Or, la région est loin d’être entièrement reliée aux infrastructures haut débit. Vingt-et-un des 25 pays les moins connectés du monde appartiennent au continent africain, où 22 % seulement de la population a accès à l’internet. Pour y remédier et développer la connectivité, l’Afrique subsaharienne pourrait se concentrer sur la mise en place de modèles d’activité innovants, sur le partage des infrastructures et sur l’amélioration de l’environnement politique et réglementaire dans le but d’attirer des investissements privés.
En plus de connecter les habitants à ce nouveau monde, les dirigeants doivent comprendre l’importance de l’identité et de l’identification numériques. En Afrique subsaharienne, 29 % des adultes continuent de n’avoir aucun moyen de s’identifier — un pourcentage encore plus élevé chez les femmes, les jeunes et les plus démunis . Les programmes de délivrance de titres d’identité numérique permettraient à ces individus d’accéder à des services publics essentiels, suivant en cela la voie empruntée par le Rwanda.
L’accès à l’internet permet également d’accroître le recours aux services financiers formels, à l’image de l’argent mobile . Dans ce domaine, et c’est une bonne nouvelle, l’Afrique subsaharienne détient le record mondial d’utilisation de ce type de services. Ainsi, avec l’attribution de licences par l’État ivoirien à plusieurs opérateurs de téléphonie mobile, le marché s’est ouvert et les dernières données Global Findex attestent d’une incroyable amélioration de l’accès financier aux services financiers. Tout l’enjeu consiste désormais à élargir cet accès. Cinquante-sept pour cent des adultes ne possèdent toujours pas de compte bancaire courant et seul un adulte sur cinq a un compte d’argent mobile. Pour améliorer l’accès aux services financiers, les pays réfléchissent à une harmonisation des cadres régionaux régissant les systèmes de paiement, les échanges transfrontaliers de données, la protection de la vie privée et des consommateurs ainsi que la cybersécurité. Tous ces facteurs sont par ailleurs déterminants pour obtenir des économies d’échelle et approfondir l’intégration régionale, deux clés qui permettront à l’Afrique subsaharienne de devenir un acteur compétitif dans l’économie numérique mondiale.
La mise en place d’une plateforme pour les paiements et les transactions mobiles ouvre la voie à « l’économie des plateformes » du commerce et des marchés en ligne et à « l’économie du partage », les deux nouveaux moteurs de la croissance dans les économies numériques. Pour que ces deux formes d’économies puissent décoller, la région doit posséder un écosystème entrepreneurial dynamique afin d’aider les entreprises à mobiliser leur créativité et leur énergie en appui à des modèles commerciaux en ligne créateurs de valeur. L’Afrique subsaharienne possède l’une des populations les plus jeunes et les plus entreprenantes du monde , selon l’indice de l’activité entrepreneuriale totale (a), mais, dans la plupart des pays, cet écosystème souffre d’un certain nombre de lacunes : services de tutorat, financements de démarrage, espaces de bureaux, etc. Si l’Afrique ne manque pas d’exemples de réussite dans ce domaine, il faut développer davantage les entreprises technologiques créatrices d’emplois et de débouchés.
Autre condition indispensable : une maîtrise accrue de la culture et des compétences numériques. Cela vaut pour chaque individu, qui doit disposer d’un bagage de base pour pouvoir interagir avec le monde numérique. Pour la plupart des travailleurs, qui sont amenés tous les jours à utiliser des techniques qui requièrent des compétences numériques. Et, a fortiori, pour les entrepreneurs du numérique, qui doivent savoir coder et programmer pour se développer en ligne. Les grandes entreprises de haute technologie et certaines sociétés spécialisées dans l’éducation, comme Andela, interviennent déjà dans quelques marchés clés de l’Afrique pour étoffer ces compétences.
Nous devons mobiliser tous les acteurs nationaux, publics et privés, les organisations régionales et les partenaires de développement pour aider le continent à accélérer son développement durable à l’aide des technologies de la révolution numérique .
Nous sommes déterminés à aider l’Afrique à bâtir son économie numérique et avons hâte de travailler avec les autorités nationales et le secteur privé dans ce but.
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