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Les femmes en première ligne pour bâtir un avenir plus vert

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Quand j’ai commencé à travailler dans le domaine du développement il y a une bonne vingtaine d’années de cela, j’avais pour modèle plusieurs grandes figures féminines comme Rachel Carson qui avait ouvert la voie de façon extraordinaire avec son livre Printemps silencieux. Mais aussi Wangari Maathai, fondatrice du Mouvement de la ceinture verte et lauréate du prix Nobel de la paix. Ou encore Jane Goodall, qui a consacré sa vie à plaider pour la préservation de la nature. Et je pourrais en citer bien d’autres, au-delà de ces femmes aujourd’hui célèbres.
 
J’ai vécu l’une de mes premières expériences du monde du développement au Mozambique. C’est là que j’ai pu observer les effets dévastateurs des inondations, non seulement sur le pays et les populations en général, mais sur les femmes et les jeunes filles en particulier.

Je ne parle pas ici de Sofia Chubango, la jeune femme de 26 ans qui, en mars 2010, a donné naissance à sa fille Rosita Pedro alors qu’elle attendait les secours perchée dans un arbre. Son histoire a fait le tour du monde.
 
Je veux parler des dizaines de milliers de femmes, au Mozambique et ailleurs, qui sont particulièrement menacées par les impacts du changement climatique. Non seulement elles subissent directement les conséquences matérielles des aléas climatiques, mais elles ont aussi une moindre capacité de résilience socioéconomique. Pourtant, on ne parle guère de ces femmes dans les médias.
 
En général, leurs moyens de subsistance dépendent d’une unique source de revenus, souvent d’origine agricole. Elles ont peu de biens (si tant est qu’elles en possèdent) et, si elles partent pour la ville, elles sont rarement intégrées aux programmes d’aide sociale. Même quand elles trouvent refuge dans des camps de migrants, leurs besoins spécifiques ne sont pas suffisamment pris en compte, qu’il s’agisse de soins de santé maternelle, d’hygiène, d’installations sanitaires adéquates et de protection contre les violences sexistes.
 
Dans les pays en développement, les catastrophes naturelles tuent davantage de femmes que d’hommes, car elles vivent dans des conditions sociales et économiques inférieures. Eric Neumayer et Thomas Plumper (a) sont parmi ceux qui ont étudié ces phénomènes de façon approfondie. Ils expliquent que, compte tenu des schémas de discrimination sexuelle qui prévalent, les garçons sont souvent privilégiés par les secours. Parallèlement, les femmes et les jeunes filles souffrent davantage des pénuries alimentaires et de la perte de ressources économiques après des catastrophes naturelles.
 
Pour dire les choses clairement, l’inégalité entre les sexes en ces temps de changement climatique est une question de vie ou de mort.
 
Si nous ignorons les besoins des femmes, nous ignorons la moitié de la population mondiale. J’ai vécu quinze ans en Afrique et en Asie. J’ai pu y constater par moi-même à quel point les femmes sont les premières victimes de ces catastrophes, mais aussi combien elles peuvent se révéler de puissants agents du changement en organisant la résilience et les efforts de reconstruction au sein de leurs communautés. Chaque jour, des milliards de femmes du monde entier — agricultrices, responsables foncières, banlieusardes, dirigeantes d’entreprise, consommatrices, investisseuses — prennent des décisions qui façonnent l’avenir de nos enfants et de notre planète. Nous avons besoin de femmes capables de prendre des décisions mais, pour cela, elles doivent être associées aux processus décisionnels et se voir confier des postes à responsabilité.
 
Que pouvons-nous faire pour intégrer systématiquement cette perspective égalitaire dans les choix qu’impose la lutte contre le changement climatique ? Le travail que nous menons au Tadjikistan est un exemple de ce qui peut être fait. Là-bas, les femmes font partie d’associations locales d’usagers de l’eau, elles veillent à ce que leurs besoins en eau soient satisfaits et elles sont aussi formées à de bonnes pratiques agricoles. Ainsi, dans le bassin de la rivière Piandj, le temps qu’elles consacrent à la corvée d’eau a été réduit de 75 %. Outre le fait que ces changements pratiques améliorent grandement leur qualité de vie, les évolutions institutionnelles induites par l’expérience de leadership acquise par ces femmes sont également très importantes.
 
Les responsables des questions climatiques de demain pourront s’inspirer de nombreuses femmes. Je voudrais citer ici Mary Robinson, ancienne présidente de l’Irlande et ardente avocate de la justice climatique, ou encore Rachel Kyte, précédemment vice-présidente de la Banque mondiale et aujourd’hui directrice générale de l’initiative Énergie durable pour tous (SE4All). Sans oublier bien sûr Christiana Figueres, l’énergique secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui a accompli un énorme travail diplomatique et œuvré sans relâche pour aboutir à l’accord historique sur le climat à l’issue de la conférence de Paris.
 
En tant que femme, en tant que mère de trois filles magnifiques et en tant que dirigeante de l’un des plus importants fonds de financement pour le climat au monde, j’appelle toutes les personnes impliquées dans la politique et l’action climatique à faire une plus grande place aux femmes pour impulser et piloter le changement. Car c’est avec les femmes en première ligne que l’on bâtira un avenir plus vert.
 
 
Mafalda Duarte est directrice des Fonds d’investissement climatiques (FIC), dotés d’un budget de 8,3 milliards de dollars.


Auteurs

Mafalda Duarte

Head of the Climate Investment Funds

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