Pour les citoyens du monde entier, le paiement des impôts est l'une des interactions avec l’administration les plus complexes et les plus fastidieuses. Et pour de nombreux gouvernements, l’amélioration du civisme fiscal et la collecte de recettes suffisantes sont indispensables pour financer les biens et services publics.
C'est pourquoi les administrations fiscales entreprennent leur transformation numérique et l'automatisation de leurs systèmes. La technologie peut en effet favoriser des réformes réussies et durables, garantir une taxation correcte de l'économie numérique et réduire les obstacles au respect des obligations fiscales. La pandémie de COVID-19, qui a entraîné un formidable essor du commerce électronique, a rendu cette évolution particulièrement urgente pour les services fiscaux.
La transformation s'est accélérée au cours de la dernière décennie, à la faveur de la baisse du coût des technologies numériques et de la mise au point d'outils de développement d’applications puissants et plus faciles d’utilisation. Le coût du stockage de données dans le cloud, par exemple, a été réduit de plus de moitié en quelques années seulement.
La montée en puissance du big data est un facteur important de ce changement, car elle peut faciliter le recoupement des informations et, partant, améliorer la conformité des déclarations fiscales. Globalement, le volume mondial de données provenant des fournisseurs de paiements mobiles, des systèmes de caisses électroniques, des places de marchés en ligne et d'autres sources numériques devrait presque tripler entre 2020 et 2024.
La mue numérique est également portée par la croissance rapide du commerce électronique, qui devrait connaître une expansion de 24 % entre 2020 et 2025 et donc constituer une part de plus en plus importante de l'assiette fiscale.
Le recours croissant aux paiements dématérialisés, au moyen notamment des téléphones mobiles, alimente également cette transformation. En effet, de tels paiements peuvent être facilement vérifiés par les administrations fiscales et laissent souvent une trace numérique qui peut être contrôlée.
La numérisation facilite le travail des autorités en allégeant les charges administratives, ce qui laisse aux agents de l’État plus de temps pour se consacrer à des activités à plus forte valeur ajoutée. Mais elle permet aussi aux pouvoirs publics de simplifier les procédures et de réduire la complexité déclarative à la charge des contribuables. Ainsi, des études montrent qu'en Corée du Sud, la numérisation a permis de réduire le coût du respect des obligations fiscales de 19 % sur la période 2011-2016.
Des informations en temps réel et des systèmes plus conviviaux
On peut s’attendre à ce que tous ces changements en cours modifient fortement le visage de la fiscalité.
- Au lieu de devoir archiver d'énormes volumes d'informations sur les contribuables, les administrations auront accès à des registres cryptés et décentralisés qui leur permettront de collecter les données utiles sans peine et en temps réel. Cela présente l'avantage supplémentaire de rendre les services des impôts « moins visibles » pour les administrés.
- Les décisions du fisc seront de plus en plus étayées et renforcées par l'intelligence artificielle, néanmoins le système devra être étroitement contrôlé pour éviter les erreurs.
- Les administrations fiscales pourraient devenir de grands « entrepôts » stockant un nombre croissant de données publiques. Elles joueront ainsi un rôle central dans l'élaboration de la politique économique, en permettant aux décideurs d'analyser les transactions dans l'économie et de formuler des prévisions plus fiables.
- Le système fiscal pourrait aussi devenir beaucoup plus convivial. Les déclarations de revenus préremplies, l'accès des contribuables à leurs propres informations déclaratives, le partage des données avec les banques pour accélérer l'octroi de crédits ou encore la consultation par les chercheurs et les communautés locales de données fiscales anonymisées sont autant de progrès possibles.
- Les administrations fiscales pourront simplifier l'interface entre les contribuables et leurs agents, par exemple en connectant les systèmes comptables des entreprises aux plateformes de déclaration et de paiement électroniques du fisc.
Écueils et conditions d’une transformation réussie
Malgré tous ses avantages, cette évolution se heurte à des obstacles majeurs, et des études montrent que la plupart des initiatives de transformation numérique n'aboutissent pas. Ainsi, sur les 1 300 milliards de dollars investis en 2018, on estime que 900 milliards ont été dépensés en pure perte.
Pour obtenir les résultats escomptés, la numérisation des systèmes fiscaux doit s'appuyer sur un large éventail de parties prenantes afin de mettre en œuvre les réformes nécessaires et de mobiliser des financements.
Le changement doit également s'attacher à apporter de la valeur ajoutée, en simplifiant les procédures et en faisant entrer définitivement les contribuables dans l'écosystème de la déclaration électronique, du paiement numérique et des documents dématérialisés. Cette valeur ajoutée pourrait résider dans la réduction du coût de l’acquittement de l’impôt, une plus grande prévisibilité et une meilleure discipline fiscale chez les contribuables.
Les réformes devraient aussi s'attacher à modifier la culture fiscale, en passant d'une gestion des procédures à la gestion de données, les services devant s'efforcer en priorité d’obtenir des données exactes. L’enjeu est de taille : d'après les informations recueillies auprès d’un pays à revenu élevé, 15 % des dossiers de contribuables contenaient des erreurs, tandis que 98 % des déclarations pouvaient être préremplies simplement avec des informations provenant des banques.
Le processus de transformation peut être lourd, mais grâce à des financements et à son assistance technique, la Banque mondiale a déjà soutenu les efforts de dizaines d'administrations nationales pour automatiser et numériser la fiscalité, et ce pour le plus grand bénéfice des gouvernements et des citoyens.
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