Publié sur Opinions

Les technologies et les téléphones mobiles contribuent à ce que chacun compte

Des patients avec une infirmière dans un hôpital au Cambodge. © Chhor Sokunthea/Banque mondiale

Dans nos sociétés modernes, il est indispensable de posséder une identité civile, qu’il s’agisse d’accéder aux services publics, d’ouvrir un compte bancaire ou de trouver un emploi. Mais comment les pays en développement, dont les budgets sont si serrés, peuvent-il mettre en place un système national capable d'enregistrer les naissances et les décès, et d'établir l'identité de chaque citoyen ?
 
Un panel d'experts composé notamment de représentants du Ghana (a), de la République de Moldova (a) et du Canada a discuté de ce sujet vendredi au cours d'un débat organisé en marge des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI. Intitulé Un monde où chacun compte : l'identification biométrique peut contribuer à la lutte contre la pauvreté et animé par Kathy Calvin, présidente et directrice générale de la Fondation des Nations Unies, ce débat a été retransmis en direct sur le Web en arabe, anglais, français et espagnol.
 

Bien que « l'identité soit indissociable de l'individualité » et de la dignité humaine, seule une très petite partie de la population des pays à revenu faible ou intermédiaire est couverte par un système d'enregistrement des faits d'état civil, a rappelé Keith Hansen, vice-président du Groupe de la Banque mondiale en charge des Pratiques mondiales (a). La pénurie de données qui en résulte empêche de mesurer précisément les progrès réalisés dans la poursuite d'objectifs aussi cruciaux que la réduction de la mortalité maternelle et infantile.
 
« Sur la quarantaine de pays qui représentent 90 % de la mortalité infantile à l'échelle mondiale, il n’y en a que deux pays qui disposent d'un système d'état civil opérant. Tous les autres n'ont littéralement aucune information sur les naissances et les décès », a expliqué M. Hansen.
 
Toutefois, les avancées technologiques et l'utilisation généralisée des téléphones mobiles pourraient permettre à certains pays de progresser rapidement dans ce domaine.
 
Comme l’a souligné Joseph Atick, directeur de l'Identity Counsel International, le coût des technologies nécessaires à la mise en place d'un système d'identification national a en effet « considérablement chuté », ce qui rend « le retour sur investissement plus attrayant que jamais pour les États et les entreprises du monde entier. »
 
Les technologies en question sont matures et font déjà l’objet d’une large adhésion, a-t-il ajouté. « Du fait que les systèmes d'identification sont devenus des produits de base, on peut considérer qu'ils sont éprouvés et fiables, et qu'on peut donc les déployer pour le bien de tous. »
 
Joseph Atick a néanmoins alerté sur les écueils de la diffusion de ces systèmes d'identification qui peuvent se révéler « très dangereux » s’ils ne s’accompagnent pas de données solides et de dispositifs réglementaires de protection de la vie privée. Afin d’empêcher que ces nouveaux outils ne soient détournés et utilisés à des fins de discrimination ou de surveillance, il est indispensable de mettre en place un mécanisme pour « protéger les droits juridiques des personnes qui entrent dans le système ainsi que les droits fondamentaux de celles qui en sont exclues ».
 
Le « solide cadre législatif régissant la protection des données » qui existe dans la République de Moldova a ainsi été un facteur clé dans la décision de créer un système d'identification numérique (a) mobile dans le cadre d'une démarche de modernisation, de numérisation et d'amélioration des services publics, a expliqué Stela Mocan, directrice du Centre d'e-gouvernement du pays. Le gouvernement a décidé de tirer parti du « taux de pénétration très élevé des appareils mobiles » dans le pays pour rendre les services en ligne accessibles sur téléphone portable, y compris pour la signature de documents juridiques. Il a collaboré avec des entreprises privées pour mettre en place le système lui-même ainsi que pour définir des modèles de partage des coûts et des recettes susceptibles de garantir la pérennité du service, a complété Mme Mocan. Il a également imposé que tous les services publics en ligne soient intégrés au système d'identification numérique mobile. Cette initiative, partie intégrante du Projet d'e-transformation de la gouvernance (a) appuyé par la Banque mondiale, n'a nécessité « aucun investissement majeur » de la part de l'État, mais seulement « de l'organisation, du leadership et de la volonté pour mettre en œuvre ce projet », a conclu Mme Mocan.
 
De même, le Ghana a souhaité instituer un « système d'identification intelligent » à la suite de son passage du statut de pays à faible revenu à celui de pays à revenu intermédiaire en 2011, ce système étant considéré comme « un moyen d'appuyer la croissance économique », a expliqué Edward Ato Sarpong, sous-ministre des Communications. 
 
Le gouvernement s'est alors engagé dans un processus visant à « mettre en place les systèmes indispensables », ceci consistant notamment à créer une Autorité nationale d'identification (NIA) (a), à élaborer un cadre réglementaire et, plus récemment, à adopter une loi sur la protection des données. Avec l'aide de la Banque mondiale (a), le gouvernement cherche à harmoniser les sept systèmes distincts que compte le pays pour constituer un seul système d'identification numérique. L'un des principaux objectifs est de parvenir à fournir les services sociaux et les prestations plus efficacement, une démarche qui est actuellement handicapée par « l'impossibilité d'identifier facilement les personnes », a précisé M. Sarpong.
 
Il a ensuite souligné à quel point la confiance est essentielle pour développer un système d'identification national efficace. « C'est un problème majeur, surtout en Afrique subsaharienne », a-t-il déploré. « Ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'il est impossible de vivre dans ce monde globalisé sans être identifié… et cela nécessite un système d'identification, quelle que soit sa forme. »
 
Le coût et la hiérarchisation des différents besoins de développement (hôpitaux, routes, télécommunications…) constitue également un important problème, a-t-il ajouté. « Si nous comprenons qu’il est tout à fait crucial de faire en sorte que chacun compte et que chacun soit identifié, nous savons aussi qu’il nous faut agir en tenant compte des défis et des difficultés auxquels nous sommes confrontés à l'heure actuelle. »
 
Un nouveau mécanisme de financement mondial instauré dans le cadre de la campagne « Chaque femme, chaque enfant » et hébergé par la Banque mondiale va encourager les pays en développement à créer des systèmes d'enregistrement des naissances et des décès en leur permettant d’obtenir une aide. Le Canada a notamment engagé 200 millions de dollars dans ce mécanisme.
 
Cet effort est directement lié à une initiative de premier plan du Canada en faveur de la santé maternelle, néonatale et infantile (a), a déclaré Christian Paradis, ministre canadien du Développement international. « Nous devons savoir quand un bébé naît, quand une personne décède, et pourquoi. En l'absence de données, il est impossible de mesurer quoi que ce soit », a-t-il précisé. La collecte de statistiques démographiques est un « élément fondamental » pour améliorer la santé maternelle et infantile ainsi que pour réaliser d'autres avancées socioéconomiques, a déclaré M. Paradis. « Il faut commencer par le commencement. »
 
M. Hansen a ainsi résumé les possibilités qui s’offrent aujourd’hui aux pays en développement : « Aujourd'hui, plus que jamais, nous disposons des outils (technologies de l’information et de la communication, appareils mobiles, dispositifs de biométrie à faible coût, etc.) nécessaires pour que de nombreux pays puissent faire un bond en avant technologique d'une génération entière et adopter directement des systèmes plus intelligents qui optimiseront l'efficacité des dépenses publiques ».


Auteurs

Donna Barne

Rédactrice pour les sites institutionnels

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