Les Ukrainiens ont donné mandat à leur nouveau Parlement et à leur président d’entreprendre des réformes et de promouvoir la croissance . À la suite des entretiens que j’ai eus la semaine dernière avec le président Volodymyr Zelenskyy et d’autres dirigeants à Kiev, je suis confiant que des changements de politiques sont en cours et qu’ils porteront leurs fruits si l’Ukraine saisit l’occasion qui se présente à elle.
Pour l’Ukraine, le défi consiste à emprunter une nouvelle voie conduisant à une croissance économique plus rapide, plus soutenue, et à un niveau de vie plus élevé. Le gouvernement lance déjà un appel à l’action, avec force et dans un esprit d’unité, mais les obstacles sont redoutables : présence de monopoles dans des secteurs clés, refus des banques publiques d’affronter la concurrence, vieillissement des infrastructures et conflit dans l’est du pays entravant gravement le commerce et l’investissement.
Dans un premier temps, il est essentiel d’attirer davantage d’investissements. Pour y parvenir, l’Ukraine devra permettre le libre jeu de la concurrence sur le marché, éliminer les monopoles et renforcer l’État de droit. Les entreprises publiques, présentes dans près de 30 secteurs économiques, détiennent de larges parts de marché sur plus de la moitié des marchés où elles exercent des activités.
Il existe un domaine important où l’Ukraine a la possibilité de renforcer la concurrence : le secteur national du gaz naturel, dominé aujourd’hui par un monopole d’État intégré verticalement . Le pays s’est engagé à dissocier la propriété des activités de transit et de production de gaz d’ici au 1er janvier 2020. Cette mesure contribuera à attirer des investissements et peut aider l’Ukraine à sauvegarder son potentiel de transit gazier.
Ensuite, l’Ukraine a besoin de services d’intermédiation financière plus efficaces pour accroître les investissements du secteur privé . Il est nécessaire de canaliser les capitaux vers les entreprises les plus productives plutôt qu’au profit de puissants oligarques et intérêts particuliers. L’un des problèmes qui se posent est que les banques publiques représentent plus de la moitié du secteur bancaire, tandis que la part des créances improductives dans le total des prêts dépasse 50 % (a). Le pays devrait adopter une réglementation permettant de passer par pertes et profits les créances douteuses intégralement provisionnées et de mettre à l’abri de poursuites judiciaires les nouvelles équipes de direction et nouveaux conseils de surveillance d’établissements bancaires lorsque ces instances règlent correctement les pertes.
Le texte de loi sur les banques publiques (a) approuvé l’an dernier a pour objectif de soustraire les établissements bancaires à l’influence politique en établissant des conseils de surveillance indépendants. Il est indispensable de mettre ces nouveaux conseils rapidement en place pour qu’ils puissent commencer à nettoyer les créances douteuses et attirer les investissements privés. Il est crucial, en outre, de préserver l’indépendance de la banque centrale en matière de réglementation pour renforcer la confiance et accroître les investissements étrangers directs ainsi que le crédit au secteur privé dans un contexte de baisse des taux d’intérêt sur les marchés ukrainiens.
Troisièmement, l’Ukraine doit tirer pleinement profit des possibilités offertes par le secteur agricole . Le pays possède la plus grande quantité de terres agricoles en Europe, mais sa productivité par hectare ne représente qu’une petite proportion des rendements de culture français et allemands. Un oligarque, en outre, contrôle un groupe de sociétés qui assure plus de 80 % (a) de la production nationale de plusieurs types d’engrais minéraux.
Par ailleurs, un moratoire sur les ventes de terres agricoles compromet la sécurité de la propriété foncière et limite l’utilisation des terres comme garantie à l’obtention de prêts.
La levée de ce moratoire et la mise en place d’un marché des terres agricoles efficient sont susceptibles d’entraîner des améliorations telles qu’une hausse des investissements dans la mécanisation et l’irrigation, le passage à la production de denrées à plus grande valeur ajoutée et l’amélioration de l’accès des petites exploitations agricoles aux financements. Enfin, à mesure que la production agricole augmentera, il sera indispensable d’accroître l’efficacité du transport ferroviaire.
Durant notre réunion, le président Zelenskyy a confirmé plusieurs mesures cruciales en faveur de la croissance, que je mentionnerai à l’occasion de mes entretiens dans le cadre du G-7 : mise en œuvre de la réforme foncière, séparation des actifs de transit de Naftogaz (a), suppression des monopoles dans l’économie et les entreprises publiques et respect de l’indépendance de la banque centrale.
Pour les autorités, le solide mandat que leur a conféré la population est l’occasion d’aller rapidement de l’avant. Pour sa part, la Banque mondiale est déterminée à apporter son soutien durant ce cheminement très important vers une Ukraine plus libre et plus forte.
Ce texte a été initialement publié dans le Financial Times.
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