Publié sur Opinions

Miser sur l’électricité pour transformer les emplois en Afrique

Miser sur l’électricité pour transformer les emplois en Afrique La Banque mondiale soutient l'élargissement de l'accès à l'énergie grâce à des initiatives comme le programme d’extension de l’électrification rurale en Tanzanie. Crédit photo : Banque mondiale.

Au cours des 150 dernières années, les progrès technologiques et la disponibilité croissante de l’énergie, partout dans le monde, ont facilité et accéléré l’exécution de bien des tâches, rendant parfois obsolètes certains emplois.

Ce sont par exemple les laveries automatiques qui ont remplacé les blanchisseuses, l’automatisation et les robots qui prennent la place des ouvriers dans les chaînes de montage, et aujourd’hui les chatbots assistés par l’intelligence artificielle qui assurent le service à la clientèle. 

Ceci vaut également pour l’Afrique, mais le changement s’opère à un rythme beaucoup plus lent. Dans une région où environ 600 millions de personnes ne sont toujours pas raccordées à l’électricité et où de nombreuses industries sont freinées par une électricité peu fiable ou inabordable, l’accès à l’énergie a le pouvoir de transformer les économies, d’accroître les revenus et de rendre l’environnement de l’emploi plus favorable. 

C’est une bonne nouvelle pour l’Afrique, car il y a urgence à transformer en profondeur le marché de l’emploi. Dans toute la région, le travail informel et de subsistance est encore le lot de la majorité des Africains en âge de travailler, et trop de familles sont menacées de pauvreté. La plupart gagnent leur vie en travaillant à leur compte ou en créant des microentreprises, ce qui limite les possibilités d’investissement et de croissance. Seule une petite partie des travailleurs exerce un emploi formel et perçoit un salaire régulier. 

Pour que les entreprises se développent et embauchent des salariés plus qualifiés, il faut que de nombreuses conditions soient réunies : un environnement commercial favorable, une stabilité réglementaire ou un accès à des marchés importants et prometteurs. À cet égard, l’infrastructure — et en particulier l’accès à l’énergie — est un ingrédient d’une importance capitale.  

Ce n’est donc pas par hasard si le Groupe de la Banque mondiale a placé la Mission 300, notre initiative visant à fournir de l’électricité à 300 millions de personnes en Afrique d’ici 2030, au cœur de son action. Alors que nous cherchons à sortir les individus de la pauvreté en leur donnant accès à de meilleurs emplois, l’énergie s’impose comme l’un des leviers majeurs du changement. 

Nous savons qu’une électricité fiable et abordable est essentielle pour les entreprises qui cherchent à étendre leurs activités de manière plus efficace dans la région. Les coûts élevés de l’électricité nuisent à la compétitivité du secteur privé et les entreprises sont souvent contraintes de recourir à des processus manuels au lieu d’adopter des technologies plus productives mais qui nécessitent davantage d’énergie. Le manque de fiabilité de l’alimentation électrique pose aussi de sérieux problèmes, et les coupures perturbent fortement l’activité des entreprises et réduisent les taux d’emploi (a) de 5 à 14 points de pourcentage, selon les estimations. 

Les entreprises des secteurs tels que l’agroalimentaire, l’industrie légère, l’exploitation minière, le logement et la construction, la santé et le tourisme pourraient considérablement accroître leur productivité grâce à une utilisation plus intensive de l’énergie (l’édition d’octobre 2025 d’Africa’s Pulse fournit des informations détaillées sur le potentiel d’emploi de chacun de ces secteurs). Dans le domaine de la santé, par exemple, les progrès rapides des technologies d’imagerie et de surveillance nécessitent une énergie fiable et une main-d’œuvre qualifiée pour les utiliser. De même, le tourisme a besoin d’équipements modernes, notamment pour la recharge des téléphones, l’accès au Wi-Fi et la climatisation. D’ailleurs, en ce qui concerne les températures, on estime que l’impact économique le plus important du changement climatique sur la région — plus encore que les inondations et les sécheresses — serait lié au stress thermique des travailleurs, ce qui rend les systèmes de refroidissement essentiels pour les employeurs.   

Étant donné l’importance de l’accès à l’énergie pour la création d’emplois dans la région, la Banque mondiale s’est engagée à mobiliser 30 milliards de dollars de ressources de l’Association internationale de développement (IDA) au cours des cinq prochaines années pour soutenir la Mission 300. Ce montant représente environ 20 % de nos financements actuels pour la région.

Les gouvernements eux-mêmes sont à la hauteur de ce degré d’engagement : ils mènent des réformes, fixent des objectifs audacieux et créent les conditions nécessaires à la transformation de leur secteur énergétique par l’intermédiaire de nouveaux « pactes nationaux pour l’énergie ». Ces pactes énoncent des objectifs ambitieux et limités dans le temps pour développer les infrastructures énergétiques à des coûts compétitifs, exploiter les avantages de l’intégration régionale de l’énergie, encourager une plus grande participation du secteur privé afin de débloquer des ressources supplémentaires, et renforcer les services publics. 

Dans les zones rurales ou isolées, les systèmes d’énergie renouvelable décentralisés comblent des lacunes critiques en matière d’infrastructures et alimentent à la fois les foyers et les petites entreprises. Par exemple, en Sierra Leone (a), des mini-réseaux pilotés par la demande prouvent que l’électrification rurale peut être commercialement viable lorsqu’elle est directement liée à des utilisations productives telles que la meunerie, l’entreposage frigorifique et les services numériques.

Quant aux réseaux électriques classiques, nous agissons pour apporter l’électricité aux écoles, aux centres de santé et à d’autres services publics afin de contribuer à la formation d’une main-d’œuvre future plus forte, plus saine et plus qualifiée. Ainsi en Éthiopie, des initiatives dans le domaine énergétique créent des emplois dans tous les secteurs et assurent des revenus durables, à l’image d’un projet qui a déjà permis de raccorder plus de 8 millions de personnes (a) et plus de 19 000 écoles, cliniques et équipements publics dans tout le pays.  

À ce jour, le programme d’extension de l’électrification rurale en Tanzanie (a) a raccordé plus de 16 000 entreprises rurales au réseau électrique, depuis le secteur de l’industrie alimentaire à la pisciculture en passant par la construction ou l’exploitation minière, ce qui a stimulé leur productivité ainsi que la croissance. Au Sénégal, le projet de renforcement de l’accès à l’énergie vise à alimenter en électricité 600 dispensaires, 200 écoles, 700 petites et moyennes entreprises et 200 000 foyers. Ce développement crée des emplois dans l’installation, la maintenance et les chaînes d’approvisionnement de l’électrification, tout en améliorant la productivité dans les domaines de l’éducation, des soins de santé et des petites entreprises. 

Tous ces exemples reflètent les efforts plus larges déployés dans la région pour transformer le paysage énergétique, en mettant l’accent sur des solutions pratiques qui ne se contentent pas d’éclairer l’Afrique, mais qui créent également des emplois en grand nombre.   


Ousmane Diagana

Vice-président, Afrique de l’Ouest et du Centre, Afrique

Ndiamé Diop

Vice-président régional pour l’Afrique orientale et australe

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000