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Montée de la tuberculose résistante aux médicaments : un combat que l’Inde doit gagner

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À dix ans, Vibha Kumari ressemble à n’importe quelle écolière de Delhi, à ceci près que son petit visage est recouvert d’un mouchoir propre et très usé. Vibha souffre d’une tuberculose multi-résistante, c’est-à-dire d’une forme de la maladie provoquée par une souche de bactérie ayant développé une résistance aux antibiotiques de première intention.

Le cas de Vibha est un cas classique de tuberculose résistante aux médicaments. Il y a deux ans, elle a eu une très mauvaise toux qui ne passait pas, et a été soignée par un médecin de son village, dans le Bihar. Après huit mois de traitement, la petite fille ne va pas mieux et la famille décide de déménager à Delhi ; le père de Vibha devient vendeur d’eau dans les rues grouillantes de la ville.

Ils habitent un logement d’une seule pièce, dans un bidonville surpeuplé de Delhi, où les familles nombreuses s’entassent dans de petits espaces mal aérés — des conditions propices à la propagation de l’infection. Vibha subit des examens médicaux et, lorsqu’il est établi qu’elle souffre d’une tuberculose multi-résistante — à la suite, probablement, du traitement inadapté qui lui a été donné au village — on lui prescrit un traitement médicamenteux de deuxième intention pendant deux ans.

À présent, Vibha se rend tous les matins dans un centre gratuit spécialisé dans le traitement de la tuberculose. Là, un infirmier s’assure qu’elle prend bien la poignée de pilules requises et elle doit subir une injection douloureuse. Après deux mois de cette thérapie, elle a finalement commencé à se sentir mieux.

À eux seuls, les médicaments nécessaires au traitement efficace d’une tuberculose multi-résistante coûtent plusieurs milliers de dollars. Heureusement pour la famille de Vibha, ces frais sont pris en charge par le programme national de lutte contre la tuberculose. Avec cinq bouches à nourrir sur un maigre salaire, la famille peine à joindre les deux bouts et ne pourrait certainement pas se permettre de payer le traitement de la fillette.

De fait, étant donné l’ampleur des coûts de diagnostic et de traitement liés à la tuberculose multi-résistante, l’émergence de cette pathologie pose un défi redoutable au gouvernement indien. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il y aurait quelque 64 000 cas d’infection multi-résistante parmi les 1,5 million de cas recensés chaque année par le programme indien de lutte contre la tuberculose.

Le programme est venu en aide à près de 9 000 malades jusqu’ici et il prévoit d’augmenter significativement le nombre de patients traités sur les cinq prochaines années. Cela permettra d’éviter la transmission de souches multi-résistantes de la maladie. Cependant, comme le montre le cas de Vibha, ce n’est qu’en améliorant les soins prodigués en première intention que l’on pourra vaincre la résistance aux médicaments.

Pour y parvenir, il est impératif que le programme renforce sa coopération avec le secteur privé. Environ les deux tiers des nouveaux cas de tuberculose estimés chaque année sont traités grâce à la stratégie de « traitement de brève durée sous surveillance directe » (DOTS) mise en œuvre par le programme national — avec le soutien de la Banque mondiale. Les autres se tournent vers le secteur privé, où la qualité du diagnostic et du traitement est très variable et où les frais sont à la charge des patients et de leur famille. En outre, en l’absence de contrôles réguliers, le malade, une fois qu’il commence à se sentir mieux, tend à arrêter d’acheter les remèdes nécessaires et à interrompre son traitement, ce qui peut parfois déboucher sur le développement d’une résistance aux médicaments.

Dans sa phase suivante (2012-17), le programme, tout en étoffant sa lutte contre la tuberculose multi-résistante, va renforcer sa collaboration avec des prestataires de santé privés, afin de s’attaquer dès le départ à la prévention de la résistance aux traitements. Il faudra également améliorer la réglementation et le contrôle des tests de diagnostic et des médicaments antituberculeux sur le marché. Les autorités indiennes ont sollicité un soutien supplémentaire de la Banque mondiale pour cette prochaine étape.

Ce sont des défis qu’il faut impérativement relever dans leur diversité si l’on veut éviter que de nombreuses autres familles connaissent les épreuves traversées par Vibha et ses parents.


Auteurs

Vinita Ranade

Communications Consultant

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