Pour Fantastic Negrito (Xavier Dphrepaulezz dans le civil), la musique noire est un moyen de célébrer et de préserver la culture afro-américaine : « C’est la musique des esclaves noirs de l’Amérique sudiste. Je suis issu de cette tradition, et je ne considère pas qu’être descendant d’esclaves soit honteux. Cela fait partie de notre histoire. » Sa musique est aussi un hommage aux légendes du blues du Delta du Mississippi, comme R.L. Burnside ou Skip James. Surtout, sa musique rend compte de l’expérience des Noirs en Amérique : « Il n’y a pas un Noir aux États-Unis qui n’ait pas été confronté au racisme », explique-t-il. « Mais la ‘négritude’ mérite d’être célébrée, et c’est ce que je fais avec ma musique. »
Huitième enfant d’une fratrie de 14, Xavier Dphrepaulezz a grandi dans une famille de musulmans stricts dans la campagne du Massachussetts, en grande majorité chrétienne, où il s’est toujours senti étranger. À l’adolescence, sa famille plie bagages et il se retrouve à Oakland (Californie), tristement célèbre pour les guerres de gangs qui ont ensanglanté la ville dans les années 1980. Lui-même est attiré par ce mode de vie, s’engageant ainsi dans une voie dangereuse.
Dans les années 1990 pourtant, il abandonne tout pour une carrière prometteuse dans le rap. Malgré un contrat avec un label de premier plan, Interscope Records, il estime que la vie confortable de l’Amérique corporatiste ne lui convient pas non plus : « Je n’ai pas trouvé mes marques. Ce n’est pas de ma faute ni (celle d’Interscope). C’est juste que ça ne collait pas », explique-t-il.
Après un gravissime accident de voiture, en 1999, où il perd en partie l’usage de ses mains et de ses bras, il arrête la musique pendant cinq ans. Pour se rétablir, il se retire dans une banlieue tranquille, où il élève des poulets et fait pousser ses légumes. « Ça a été une remise en question totale. Je me suis entouré d’autres artistes et nous avons décidé que nous allions nous entraider. Nous comptons les uns sur les autres. Fantastic Negrito est né de ce collectif, le Black Ball Universe », raconte-t-il. « Lorsque quelqu’un met une idée sur la table, nous votons. Si l’idée est acceptée, nous mettons tout en œuvre pour la développer. Si ça échoue, nous en supportons tous les conséquences, au lieu d’être seul dans son coin à déprimer. »
Depuis qu’il s’est rebaptisé Fantastic Negrito, Xavier Dphrepaulezz se construit sa réputation de manière organique, chantant dans les rues de Bay Area. « J’ai joué dans des gares et devant des doughnuts », poursuit-il. Après avoir remporté, cet été, le premier concours de NPR, intitulé Tiny Desk Concert Contest, Fantastic Negrito a pris un nouveau tournant afin de faire connaître la musique noire traditionnelle au monde entier. « NPR m’a vraiment mis en orbite. Mais la vocation de Fantastic Negrito, c’est de créer des liens avec les gens, alors je continuerai à jouer dans les gares », conclut-il. « Parce que c’est comme cela que je vois si j’arrive à entrer en résonance avec les autres. »
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