La Banque mondiale et Visa analysent les dépenses par carte de crédit afin de collecter des données plus précises pour favoriser le développement durable du tourisme.
Le tourisme est un moteur essentiel de la croissance économique et de la création d’emplois pour tous. Le secteur génère un grand nombre d’emplois, en particulier pour les femmes. En 2024, il était à l’origine d’un emploi sur dix dans le monde — 337,7 millions au total (a) — et représentait 10,5 % du PIB mondial. Pour bien des pays en développement, c’est l’une des principales sources de devises étrangères.
La croissance de ce secteur capital dépend fortement des investissements publics dans les infrastructures et les services. Cependant, le tourisme est particulièrement exposé à des évolutions rapides dues à l’incertitude géopolitique, aux chocs climatiques et aux changements de comportement des consommateurs, ce qui ne facilite pas la tâche à l’heure de décider comment dépenser au mieux des ressources limitées. Les sources de données traditionnelles ne parviennent pas à suivre le rythme des évolutions, privant les responsables politiques d’informations actualisées indispensables pour gérer efficacement des situations de plus en plus complexes. Seuls quelques pays en développement collectent et tiennent à jour des comptes satellites du tourisme (CST), qui permettent d’évaluer la contribution du secteur à leur économie. Mais, même dans ces pays, les données sur l’arrivée des touristes et leurs pratiques de dépenses, obtenues grâce aux données d’immigration et aux enquêtes sur les visiteurs, sont souvent traitées avec un certain retard. Il est urgent de disposer d’outils de collecte et d’analyse de données plus accessibles, plus granulaires et plus rapides.
L’émergence de nouveaux outils
C’est dans ce but que la Banque mondiale s’est associée à Visa pour accéder à des données anonymes et agrégées sur les dépenses effectuées par carte de crédit dans les Caraïbes et tenter de combler les lacunes informationnelles. Cette initiative parmi d’autres outils émergents d’aide à la décision — comme la cartographie par satellite et géospatiale, l’analyse des commentaires en ligne, l’intelligence artificielle et des analyses approfondies — permet désormais aux destinations touristiques d’étudier plus en détail les tendances de la demande, d’évaluer la satisfaction des visiteurs en temps quasi réel et de mesurer les progrès réalisés dans tous les domaines, de l’empreinte carbone à l’emploi des femmes dans le secteur du tourisme.
Grâce aux informations fournies par ces outils, il est possible de concevoir des stratégies marketing pour cibler les voyageurs qui dépensent beaucoup, améliorer l’affectation des ressources vers les produits qui génèrent le plus de revenus, surveiller les variations de la demande et des catégories de dépenses pendant les crises, atténuer les effets de la saisonnalité et orienter les investissements dans des installations et infrastructures touristiques publiques et privées.
Combler les lacunes de données dans les Caraïbes
Dans les pays en développement des Caraïbes, comme la plupart des économies de ce type, les données sur le tourisme sont souvent lacunaires étant donné que les systèmes de collecte sont souvent sous-développés et sous-financés. Cette situation pose problème, étant donné que le secteur est un pilier vital pour la région. En 2023, les Caraïbes ont accueilli environ 28 millions de visiteurs qui ont dépensé 40 milliards de dollars selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Plus important encore, le tourisme représentait 2,75 millions d’emplois environ et 11,4 % du PIB (World Travel and Tourism Council, WTTC). Toutefois, pour que la région soit en mesure de tirer pleinement parti de son secteur touristique, elle doit disposer de données actualisées et détaillées pour l’aider à élaborer ses politiques.
Un récent rapport de la Banque mondiale, qui invite à « repenser le tourisme aux Caraïbes pour un avenir plus durable » (a), a mis au jour un manque criant de données, qui risque de devenir un obstacle au développement durable du secteur. Les auteurs de cette étude ont dû non seulement prendre en compte des différences de méthodes de suivi des indicateurs du tourisme de chaque pays des Caraïbes, mais ils ont dû aussi affiner l’analyse des chiffres et faire la distinction entre des segments spécifiques tels que les croisières ou le tourisme d’aventure, ce qui n’est pas possible avec les statistiques traditionnelles.
Les données sur les paiements : un outil précieux
Les données relatives aux paiements ne sont pas des estimations ou des opinions, elles reflètent des comportements réels et peuvent contribuer à combler les lacunes des données traditionnelles. Elles sont actualisées et multiformes, ce qui permet une analyse détaillée de qui dépense combien et pour quoi faire. Standardisées par nature, elles facilitent également la comparaison des résultats entre les marchés et les destinations. Grâce à la collaboration entre la Banque mondiale et Visa, les données de paiement ont pu être exploitées pour mettre en évidence des schémas qui n’étaient pas visibles avec les données traditionnelles.
En Jamaïque par exemple, l’étude a révélé que le pays de provenance des voyageurs influait sur leurs préférences de dépenses locales, une constatation importante pour adapter les caractéristiques et la promotion des produits (figure 1). Ainsi, les données ont montré que les visiteurs allemands concentrent leurs transactions sur l’hébergement et la restauration, tandis que les Américains dépensent plus que les autres pour les transports et les services aux voyageurs. À Sainte-Lucie, les données ont révélé un potentiel inexploité de dépenses en dehors des zones hôtelières habituelles, ce qui a conduit à recommander des stratégies de renforcement des liens avec les restaurants et les artisans locaux.
Les données de Visa ont également permis de connaître les habitudes de dépenses correspondant à des segments particuliers, comme les croisières. À Antigua-et-Barbuda par exemple, les principaux achats des croisiéristes étaient effectués dans les bijouteries (figure 2), un constat susceptible de susciter une réflexion sur le développement de ces commerces afin d’attirer davantage de clients, ou sur le potentiel d’investissement dans la croissance de la chaîne de valeur de la bijouterie locale.
Un nouveau modèle de données sur les voyages
À mesure que l’empreinte numérique des visiteurs progresse, et que des outils d’agrégation et d’analyse plus puissants sont développés, il est de plus en plus facile de combiner les ensembles de données et les approches pour fournir des conseils politiques rapides, personnalisés et granulaires, mieux adaptés à un monde incertain et changeant. L’équipe de la Banque mondiale chargée du tourisme produit régulièrement des études, des outils et des rapports (a) exploitant des ensembles de données novateurs afin d’éclairer les politiques et les stratégies ciblées qui favorisent le tourisme au service du développement. Citons notamment la publication trimestrielle Tourism Watch (a), qui fournit des données actualisées provenant d’un large éventail de sources, ainsi qu’une analyse des évolutions récentes du tourisme et des politiques en la matière. .
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