Publié sur Opinions

Il est temps de passer de la parole aux actes pour construire une mobilité résiliente et durable

Cette page en:
???????????????????????????
Concept de transport et de technologie, ITS. La mobilité est un service. | © Metamorworks, Shutterstock

La pandémie de COVID-19 est venue nous rappeler brutalement à quel point le monde est incertain et nos connaissances limitées. L’actuel contexte de sortie de crise post-pandémie nous oblige à revoir des concepts que nous tenions pour acquis, poser de nouvelles questions et avoir une vision originale d’un grand nombre d’enjeux, y compris en matière de transport et de mobilité. 

Comment orienter et renouveler l’action dans ce domaine à travers l’Initiative en faveur d’une mobilité durable pour tous (SuM4All) ? Cette question était au centre d’un récent colloque technique sur la transformation du transport (a), qui a permis d’apporter un angle de réflexion différent et des solutions novatrices à un problème ancien. 

Pour commencer, l’initiative SuM4All propose un éclairage non conventionnel sur le transport, habituellement considéré comme une addition de moyens : transports publics, véhicules privés, deux-roues, trains, avions... Pour nous, il s’agit plutôt d’un système complexe tendu vers la réalisation de quatre objectifs : l’accès universel, l'efficacité, la sécurité et la mobilité verte. Le transport n’évolue pas en vase clos : il interagit avec d’autres systèmes, parmi lesquels bien évidemment le système énergétique, mais aussi, comme l’a montré la crise du coronavirus, le système sanitaire.  

Cette perspective systémique constitue une contribution innovante (a) au débat sur le transport.

Ensuite, l’initiative SuM4All est convaincue de la puissance des données et des faits (a) pour établir un diagnostic, quantifier et prioriser les enjeux à l’échelle de chaque pays. Jusqu’ici, les discussions sur le transport reposaient en grande partie sur des éléments anecdotiques et des évaluations ponctuelles. Grâce à la masse de données nouvelles accumulées par le secteur privé, à un cadre adapté pour le partage d’informations entre acteurs publics et privés et à l’intelligence artificielle, nous pouvons à présent introduire un degré supérieur d’objectivité et de précision dans les opérations de diagnostic du secteur du transport dans tel ou tel pays. 

Cette approche est au cœur de notre premier diagnostic de la mobilité durable en Afrique du Sud (a). 

Troisièmement, l’initiative SuM4All propose un cadre mondial cohérent pour agir sur les problèmes identifiés pendant la phase de diagnostic. Pour concevoir un plan d’action national sur mesure, la communauté internationale du transport peut s’appuyer sur la feuille de route mondiale pour une mobilité durable (GRA) (a), qui offre un catalogue exhaustif de moyens d’action, et sur son algorithme. 

Ce nouvel outil est l’occasion unique de faire évoluer les discussions avec chaque pays autour des réformes politiques et des investissements indispensables pour s’engager sur une trajectoire de développement plus durable. Mais cela n’est pas encore suffisant pour passer à l’action. 

« Les recommandations de la feuille de route tracent un tableau d’ensemble, à charge pour nous d’en préciser les détails », souligne Aman Chitkara, responsable Mobilité pour le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) et responsable du groupe Partage des données au sein de l’initiative SuM4All. Le « soutien aux programmes et plateformes de partage de données » figure parmi les plus de 180 mesures identifiées dans la feuille de route pour parvenir à une mobilité durable. Mais l’accompagnement des décideurs chargés d’appliquer cette mesure exige de disposer de consignes concrètes et précises. Une fois la recommandation décortiquée, on voit qu’il faut disposer d’un cadre d’action solide couvrant plusieurs aspects : collecte/partage de données, normes, infrastructures, gouvernance et responsabilité et utilisation finale. 

Tous ces éléments sont indispensables pour garantir le respect de l’équité, de la vie privée et de la sécurité et faire en sorte que le partage de données engendre bien des retombées économiques. « Il ne peut être question de confier à une seule entreprise l’ensemble de ces données ni de la laisser ensuite les monétiser », rappelle Aman Chitkara. 

Autre recommandation de la feuille de route qui exige de creuser le problème : le fait d’« intégrer de nouvelles solutions de mobilité dans le système de transport existant ». Pour Daniel Ernesto Moser, responsable de l’Initiative pour une mobilité urbaine transformatrice (TUMI) à la GiZ et coresponsable avec l’Union internationale des transports publics (UITP) du groupe E-mobilité au sein de l’initiative SuM4All, la crise de la COVID-19 a donné un élan inattendu aux solutions de mobilité électrique : « à l’échelle mondiale, plus de 17 gouvernements nationaux et locaux ont déjà acté ou planifié la fin du moteur à combustion interne dans les véhicules particuliers », explique-t-il, avant de préciser : « nous devons encore réfléchir à certaines questions liées au cadre d’action nécessaire pour favoriser une approche intégrée et durable de la mobilité électrique. » Son équipe a identifié sept éléments constitutifs et recommandations pour veiller à ce que cette nouvelle forme de mobilité ait bien les effets positifs attendus en termes de durabilité. 

Il faut par exemple veiller à ce que la politique envisagée promeuve en parallèle l’électrification du parc existant et une transition vers des modes plus efficients, comme la marche, le vélo (électrique) et les transports publics, tout en « verdissant » le réseau.

« À l’heure où nous cherchons à "reconstruire en mieux" après la pandémie (a), nous devons discuter des moyens de développer ensemble les énergies renouvelables et les transports décarbonés pour favoriser l’accès à une mobilité durable pour tous », insiste Clotilde Rossi di Schio, spécialiste senior de l’efficacité énergétique pour l’organisation Sustainable Energy for All et coresponsable du groupe Transport/énergie au sein de l’initiative SuM4All. « Si le secteur de l’électricité a consenti de gros efforts pour verdir la production, ce n’est pas encore le cas du secteur des transports, puisque dans la plupart des pays, les émissions liées au transport continuent d’augmenter », poursuit-elle.

Actuellement, seulement 3,3 % environ des moyens de transport fonctionnent à l’énergie renouvelable, ce qui fait de ce secteur la lanterne rouge en matière de décarbonation.  Dans ce contexte, si elles ne vont pas de pair avec des actions dans le domaine énergétique, les politiques adoptées contribueront peu à la durabilité. Il faut notamment « un plan pour développer des réseaux multimodaux intégrés » dans le domaine du fret. Mais ce secteur dépend quasi exclusivement des combustibles fossiles, alors même que des solutions alternatives existent, comme les biocarburants durables, la propulsion électrique ou hybride, l’hydrogène vert et les e-carburants renouvelables. « Il faut tenir compte des sources d'énergie, sinon les réseaux multimodaux intégrés ne procureront pas les gains attendus », explique encore Clotilde Rossi di Schio. Il s’agit de compléter le catalogue de recommandations spécifiques au transport dans la feuille de route par des mesures concrètes sur le plan énergétique. 

Douze mois après le début des travaux, trois rapports techniques très documentés seront présentés prochainement par l’initiative SuM4All, à commencer par celui concernant le volet « partage des données », le 9 mars 2021 (a). 

Note : L’auteur tient à remercier Thoko Moyo, modératrice de la session technique de haut niveau lors de la conférence « Transforming Transportation 2021 » ainsi que les différents intervenants : Gurpreet Singh Sehmi, José Viegas, Aman Chitkara, Clotilde Rossi di Schio et Daniel Ernesto Moser.


LIEN UTILE

La Banque mondiale et les transports : vue d'ensemble


Auteurs

Nancy Vandycke

Directrice de programme, Mobilité durable pour tous (SuM4All) et Économiste principale, Banque mondiale

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000