Le paysage mondial du développement est en proie à des secousses d’ordre sismique. L’aide étrangère, une planche de salut critique pour des milliards de personnes, est en train de se réduire après s’être fragmentée à un rythme alarmant au cours des deux dernières décennies. Dans le même temps, plus de la moitié des pays à faible revenu sont déjà en situation de surendettement ou en passe de le devenir : le niveau médian de la dette publique est passé de 20 % du produit intérieur brut en 2010 à 60 % aujourd’hui.
Cette conjonction de facteurs s’exerce au détriment de dépenses vitales dans la santé, l’éducation et d’autres services analogues au moment où elles sont le plus nécessaires. L’Éthiopie, par exemple, doit désormais interagir avec plus de 200 agences d’aide différentes, un véritable cauchemar administratif qui prive au bout du compte le développement de ressources rares. Pire encore, les flux financiers officiels qui passent par les budgets nationaux ne représentent plus que 20 % des transactions et moins de la moitié des volumes de financements, ce qui nuit à l’appropriation par les pays bénéficiaires et au développement de leurs propres systèmes.
Le Groupe de la Banque mondiale aide les pays en développement à surmonter ces difficultés, non seulement en tant que bailleur de fonds, mais aussi grâce à sa capacité de « défragmentation », son effet multiplicateur et son rôle de partenaire de confiance engagé en faveur de leur autonomie.
Notre mission exige efficacité et envergure. Depuis 2002, nous avons apporté plus de 1 200 milliards de dollars de financements et 87 milliards de dollars de garanties. Aujourd’hui, notre action est encore plus rapide et davantage guidée par le souci de produire un impact. Ainsi, les délais d’approbation des projets ont été raccourcis de 25 % en deux ans seulement.
Comment échapper à ces tendances à la fragmentation et à la prolifération et démultiplier notre impact face à de tels défis ? Voici les six méthodes que nous mettons en œuvre.
1. Une efficacité et un effet de levier sans équivalent : notre note de crédit AAA nous permet d’optimiser chaque dollar versé par les donateurs. Par exemple, l’Association internationale de développement (IDA), notre fonds dédié aux pays à faible revenu, transforme chaque dollar reçu en 4 dollars de financement sur le terrain. Par sa capacité de financement pour chaque dollar versé, notre modèle est nettement plus performant que d’autres.
2. Encourager une appropriation par les pays : nous renforçons les capacités, pas la dépendance. Plus de 90 % des financements de l’IDA transitent par les budgets nationaux afin de confier les rênes aux pays, comme le préconise la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, adoptée il y a vingt ans. Nos prêts-programmes pour les résultats établissent un lien direct entre les décaissements et les résultats obtenus par l’intermédiaire des systèmes nationaux. Et surtout, nous évitons de préaffecter nos financements, ce qui donne aux gouvernements une flexibilité essentielle pour répondre aux chocs, comme l’a démontré notre réponse sans précédent de 204 milliards de dollars à la crise de la COVID-19.
3. Mobiliser la puissance internationale et défragmenter l’aide : nous travaillons avec 189 pays membres, par conséquent notre empreinte et notre pouvoir de mobilisation sont inégalés. Nous collaborons avec des donateurs du monde entier, quel que soit le niveau de revenu des pays, et nous intervenons là où d’autres hésitent à le faire, y compris dans les États fragiles. La nouvelle Plateforme mondiale de cofinancement collaboratif, lancée en 2024 avec d’autres banques multilatérales de développement, change également la donne. Cette plateforme numérique permet de mettre en relation un vivier de projets dont les besoins s’élèvent à environ 120 milliards de dollars avec des bailleurs de fonds. Le fait que plusieurs partenaires cofinancent un même projet, plutôt que des parties distinctes séparément, permet de défragmenter l’aide, de financer des projets plus importants et de réduire la charge administrative pour les pays bénéficiaires. À ce jour, dix projets d’un montant de 14,5 milliards de dollars ont déjà progressé grâce au cofinancement.
4. Favoriser l’apport de capitaux privés : à elles seules, les ressources publiques ne suffisent pas à réaliser les objectifs de développement des pays, nous avons aussi besoin du secteur privé. Pour exploiter le vaste réservoir de capitaux privés, il faut des réformes, notamment une meilleure gouvernance, une réglementation stable et une diminution des formalités administratives. Nous aidons les gouvernements à prendre ces mesures exigeantes, nous fournissons des garanties et nous réduisons le risque des investissements privés par l’intermédiaire du guichet de promotion du secteur privé (PSW) de l’IDA. Les zones économiques spéciales dans des pays comme l’Éthiopie et le Bangladesh prouvent que cette approche peut attirer les investissements et créer des emplois.
5. Renforcer la résilience et gérer la dette : nous aidons les pays à se préparer aux crises et à y apporter une réponse efficace. Cela passe en partie par une gestion améliorée de la dette grâce au Mécanisme de gestion de la dette que nous pilotons avec le Fonds monétaire international, et à des outils tels que les conversions de dette au profit de programmes de développement pour les pays soutenus par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). De son côté, l’IDA accorde des dons sans creuser la dette et des financements très concessionnels aux pays présentant un risque élevé de surendettement, et encourage une gestion saine de la dette par l’intermédiaire de la Politique de financement durable du développement. Notre panoplie d’outils de préparation et de réponse aux crises — notamment sa clause de suspension temporaire du paiement de la dette après un choc climatique, ainsi que le guichet de réponse aux crises de l’IDA et l’option de tirage différé — sont des filets de sécurité vitaux pour les nations vulnérables frappées par des catastrophes.
6. Encourager les investissements dans les biens publics mondiaux : notre Cadre d’incitations financières favorise les investissements qui visent à relever les défis ignorant les frontières tels que les pandémies et l’insécurité alimentaire. Il propose des financements plus importants, de plus long terme ou concessionnels pour les projets favorisant les énergies propres ou la gestion de l’eau.
La voie à suivre exige des choix audacieux de toutes les parties. Les gouvernements doivent renforcer le recouvrement des recettes, maîtriser les dépenses et gérer la dette de manière durable. Les bailleurs de fonds doivent donner la priorité à l’efficacité et aux systèmes nationaux. Et le secteur privé doit être le moteur de la croissance économique et de la création d’emplois.
Dans ce contexte de turbulences mondiales, le Groupe de la Banque mondiale soutient ces démarches et prouve que le multilatéralisme fonctionne. Nous défragmentons l’aide, nous multiplions les ressources et nous donnons aux pays les moyens de renforcer leur résilience et leur autonomie. Nous ne nous contentons pas de financer le développement : ensemble, nous jetons les bases d’un avenir sans pauvreté sur une planète vivable.
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