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Non, la pollution n’est pas le corollaire inévitable du développement

Non, la pollution n’est pas le corollaire inévitable du développement Photo : © Curt Carnemark/Banque mondiale

L’an dernier, Nairobi accueillait le sommet de l’Association internationale de développement (IDA) pour l’Afrique au moment même où des pluies torrentielles provoquées par le phénomène El Niño inondaient la ville. Ces dernières années, l’Afrique de l’Est a subi des cycles répétés de sécheresses et d’inondations dévastatrices. Ces phénomènes météorologiques extrêmes illustrent le conflit entre pressions climatiques et besoins de développement.

L’Afrique est à la fois l’épicentre des tensions environnementales et un laboratoire de solutions pour le monde. La croissance engendrée par le progrès des infrastructures a amélioré la vie de millions de personnes mais au prix d’une pollution croissante, de sols dégradés et de risques liés à l’eau. Deux tiers des Africains sont exposés à ces trois facteurs de stress qui freinent croissance, santé et prospérité.

Les dirigeants du continent, réunis au Sommet africain sur le climat à Addis-Abeba, doivent redéfinir les plans de l’Afrique pour un avenir résilient au changement climatique. Les circonstances appellent à une relance fondamentale du développement, qui dissocie la croissance économique de la dégradation de l’environnement afin de garantir des progrès résilients et inclusifs.

Prenons l’exemple des forêts, l’« infrastructure des précipitations » : elles génèrent près de la moitié des pluies dans le monde en recyclant l’humidité. Leur disparition réduit les précipitations et par conséquent, les rendements agricoles. Entre 2001 et 2020, la déforestation en Afrique a entraîné une baisse de 7 % des pluies dans certaines régions. Les forêts stockent aussi 65 % de l’eau douce du continent, cruciale pour l’agriculture et les communautés.

Ces chocs sont bien réels : ils minent la croissance et plongent les familles dans la pauvreté.

Pourtant, des pays africains prouvent qu’il est possible de dynamiser l’économie sans dégrader davantage l’environnement. Une agriculture plus intelligente est au cœur de la solution. En effet, les engrais ont certes permis d’augmenter les rendements, mais leur usage excessif et à des moments mal choisis détériore aujourd’hui les écosystèmes et sape la productivité. La moitié de la production alimentaire mondiale est affectée par une surutilisation d’azote. En revanche, en Éthiopie, une gestion ciblée des engrais a permis d’augmenter les rendements de blé de 25 %.

Investir dans une économie plus propre peut apporter un « double dividende » : créer plus d’emplois tout en réduisant la pollutionChaque dollar investi dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre comme la sylviculture, l’agriculture, la santé, l’éducation et l’eau génère plus d’emplois que les industries polluantes et à forte intensité de capital comme l’exploitation minière, le pétrole et les transports lourds. Une stratégie pour une planète vivable pour l’Afrique peut créer des millions d’emplois, stimuler le PIB et renforcer la résilience.

Le nouveau rapport de la Banque mondiale sur la relance du développement propose cinq priorités :

  • Exploiter les données et imagerie satellitaire en temps réel pour cibler les interventions.

  • Penser en termes de systèmes pour éviter les politiques qui résolvent un problème tout en en aggravant un autre.

  • Aligner objectifs écologiques, sociaux et économiques grâce à des réformes intelligentes.

  • Créer des coalitions pour promouvoir les réformes.

  • Évaluer régulièrement pour ajuster les politiques.

Ces approches ne sont pas théoriques : elles sont déjà appliquées par des pays africains pionniers. Les coûts de l’inaction s’alourdissent avec l’intensification des aléas climatiques, tandis que les bénéfices de l’action sont immédiats. Par exemple, un agriculteur du bassin du Sassandra, en Côte d’Ivoire, constate que les pluies sont plus régulières lorsque les forêts en amont sont préservées. Un soudeur de Kolwezi gagne sa vie en fabriquant des composants pour une nouvelle usine de transformation. Un pêcheur du golfe de Guinée voit ses prises augmenter au fur et à mesure de la reconstitution des écosystèmes marins.

L’Afrique peut devenir le fer de lance d’un modèle où le progrès économique découle de la stabilité écologique. Les moyens de subsistance, la stabilité et la résilience du continent en dépendent. Les dirigeants réunis à Addis-Abeba doivent saisir cette occasion pour en faire le fondement du modèle de développement du continent et tracer la voie vers un avenir résilient et prospère.

Cet article a été initialement publié sur Jeune Afrique.


Axel van Trotsenburg

Directeur général senior de la Banque mondiale, Politiques de développement et partenariats

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