Nous commençons à peine à comprendre l’ampleur réelle de l’empoisonnement au plomb, par exemple, son impact sur les maladies cardiovasculaires et la capacité d’apprentissage de nos enfants. En effet, il n’existe pas de taux de plomb inoffensif pour le corps humain. Selon les recherches de la Banque mondiale, chaque année, 5,5 millions de personnes dans le monde meurent prématurément de maladies cardiovasculaires liées à l’exposition au plomb et, en moyenne, les enfants de moins de cinq ans perdent près de 6 points de QI dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Ces enfants sont prédisposés à l’échec et privés d’une chance de mener une vie saine et productive. L’impact de cette perte de QI pourrait amputer de plus de 11 % le revenu de toute une vie pour les enfants une fois qu’ils seront en âge de travailler, car chaque point perdu diminuerait le revenu de 2 %. C’est un handicap terrible – et invisible – pour le développement économique.
Le plomb n’est qu’un exemple parmi d’autres. Ainsi, 60 % de l’azote contenu dans les engrais se retrouve dans l’air et dans l’eau, décimant les stocks de poissons, polluant l’atmosphère et contribuant au changement climatique. Le cadmium, que l’on trouve dans les piles, l’électronique et la peinture, peut provoquer des insuffisances rénales et des cancers. Dans la plupart des cas, ce sont les personnes pauvres et vulnérables qui sont les plus touchées par la pollution chimique. Il est temps d’agir pour une planète libérée des effets nocifs des produits chimiques et des déchets.
Les composants chimiques sont toutefois nécessaires à notre développement. Ils nous permettent de fabriquer des produits tels que des médicaments et des engrais et ils seront indispensables à des technologies – panneaux solaires et batteries notamment – dont nous avons besoin pour un avenir sobre en carbone et pour combattre le dérèglement climatique. Et, parfois, les produits chimiques nous facilitent tout simplement la vie. Mais la manière dont nous les produisons et les utilisons aujourd’hui et dont nous répandons les déchets partout dans le monde – plastiques à usage unique, produits électroniques mis au rebut, pesticides périmés, pollution atmosphérique due à l’industrie et aux combustibles fossiles – ne met pas seulement en péril la santé des personnes, elle détruit aussi la nature et compromet la réalisation des objectifs de développement durable.
Pourtant, la situation n’est pas désespérée. Il existe des exemples concrets d’actions conjointes menées dans le monde entier et qui ont permis d’éliminer avec succès des polluants nocifs. Ainsi, des initiatives mondiales ont réussi à éliminer le plomb dans l’essence et le protocole de Montréal a mis un terme à l’appauvrissement de la couche d’ozone.
En outre, une nouvelle dynamique mondiale s’est enclenchée pour lutter contre la pollution chimique. Il y a un an, le monde a adopté le Cadre mondial sur les produits chimiques. Ce cadre englobe et encourage l’action de nombreux secteurs et parties prenantes : gouvernements, industrie, ONG, organisations internationales. C’est une avancée majeure, mais il ne s’agit que d’une première étape. Nous devons maintenant faire vivre ce cadre, agir, mobiliser et trouver les financements nécessaires.
Depuis l’an dernier, nous assistons à une vague de changements prometteurs. En effet, les gouvernements engagent la mise en œuvre des dispositions du Cadre mondial à l’échelle nationale. Un Fonds du cadre mondial sur les produits chimiques a été créé et a commencé à travailler avec le soutien de l’Allemagne (contribution de 20 millions d’euros) et d’autres donateurs, y compris l’industrie chimique. Ce Fonds aidera notamment les pays en développement à renforcer leurs capacités à gérer durablement les produits chimiques, d’une manière adaptée à leurs besoins. Par ailleurs, les organisations internationales coordonnent leurs actions et travaillent avec des partenaires sur des programmes de déploiement du Cadre mondial, afin de s’assurer que le développement économique ne signifie pas qu’il faille vivre dans un environnement pollué.
Afin de garantir une gestion plus durable et plus saine des produits, nous devons continuer à travailler à tous les niveaux de la société : l’industrie chimique doit investir dans la chimie verte et durable afin d’anticiper, de remplacer les composants nocifs, et pour éviter et prévenir les effets néfastes de l’utilisation à grande échelle des substances chimiques. Pour leur part, les gouvernements doivent faire preuve de lucidité, de volonté politique et de leur capacité à mettre en place des règles de sécurité pour l’utilisation de ces produits. Quant à nous, consommateurs et membres de la société civile, nous devons faire preuve d’intelligence : tous les produits qui semblent faciliter la vie quotidienne ne sont pas forcément bons pour nous. Nous devons nous unir pour bannir l’utilisation excessive des produits chimiques, pour qu’ils soient gérés en toute sécurité et pour veiller à ce que des populations du monde entier ne retombent pas dans la pauvreté en raison des effets de la pollution. Il est de notre responsabilité de laisser à nos enfants et petits-enfants une planète vivable et exempte de pollution.
Le Groupe de la Banque mondiale et l’Allemagne sont pleinement engagés dans ce processus. Cette semaine, des dirigeants du monde entier se réunissent pour le troisième Forum de Berlin afin de discuter de la voie à suivre. Nous appelons tous les acteurs à jouer pleinement leur rôle pour garantir l’efficacité du Cadre mondial sur les produits chimiques. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons réussir. C’est une lourde tâche, mais aussi une occasion majeure pour notre génération : il s’agit d’inverser les tendances actuelles pour offrir une planète saine et des conditions de vie plus sûres à nos enfants.
Cette tribune a initialement été publiée le 4 septembre par Table.Media.
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