Les adolescentes d'Afrique subsaharienne sont plus exposées au risque d'abandon scolaire au niveau du lycée. Selon l'UNESCO, plus de 19,3 millions d'adolescentes en âge de suivre le cycle secondaire supérieur sont ainsi déscolarisées dans la sous-région et, pour celles qui sont inscrites dans le secondaire, il apparaît peu probable qu’elles s’orientent vers les sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), particulièrement dans l'enseignement technique. Pourtant certaines jeunes filles comme Esi* et ses camarades, qui ont fait le pari d'étudier les STIM dans des programmes d'enseignement technique au Ghana, ce choix aura été déterminant dans leur vie.
Il est essentiel que les filles s'investissent dans les STIM
Garantir aux filles les mêmes opportunités de choix – et de succès – dans les STIM, surtout à l'ère du numérique et de la croissance verte, peut réduire l'écart salarial entre les genres , améliorer la sécurité économique, assurer une main d'œuvre diversifiée et talentueuse, et éviter les biais dans les produits et services. Cependant moins de 30 % des diplômés (a) des programmes d'ingénierie du supérieur en Afrique subsaharienne sont des femmes, et parmi ces diplômées, seules 20 % sont ingénieures (a). Malgré une abondance de preuves, les pays d'Afrique subsaharienne et les partenaires du développement continuent à explorer des façons d'améliorer l'éducation des filles et leur accès aux STIM. Au Ghana par exemple, la politique de gratuité de l'éducation offerte par le gouvernement ainsi que la récente stratégie permettant aux étudiants non-STIM de se réorienter vers des programmes STIM offrent une flexibilité d'accès aux filles. La stratégie régionale d'éducation pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre (2022-2025) de la Banque mondiale vise à autonomiser les filles par la scolarisation : augmenter le taux d'inscription des filles dans le secondaire de 41,9 % à 46,9 % et renforcer les systèmes d'éducation supérieure et l'enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) afin de produire davantage de diplômés employables pour une croissance inclusive.
Quels éléments concrets changent la donne en matière d'attractivité des STIM pour des filles comme Esi ?
Dans une étude visant à comprendre comment améliorer l'accès des jeunes filles aux STIM et pourquoi certaines d'entre elles « osent » étudier ces disciplines dans le contexte de l'éducation technique, des chercheurs ont interviewé 26 jeunes ghanéennes étudiant les STIM dans l'éducation secondaire technique (a). Esi, l'une des participantes, a expliqué que c'était le caractère appliqué des STIM dans l'éducation technique, notamment les leçons pratiques à l'école mais aussi les formations intégrées en prise avec l'industrie, qui étaient attirantes pour elle. La dimension pratique lui a permis de régler des problèmes concrets et de dépasser les stéréotypes sociaux relatifs à l'incapacité des filles à acquérir et à utiliser des compétences en STIM.
Aki, une autre étudiante, a également souligné que la flexibilité des inscriptions dans l'enseignement technique avait inversé les probabilités en sa faveur. Malgré des performances moyennes en sciences et en mathématiques (avec des notes B ou C) à son Brevet d'étude du premier cycle (en anglais Basic Education Examination Certificate : l'examen d'entrée vers l'éducation secondaire au Ghana), elle a été admise pour étudier la technologie informatique. Sika, quant à elle, a expliqué que la flexibilité qui lui a permis de passer au cours de sa première année d'admission d'une formation en restauration à l'étude des technologies de la réfrigération et climatisation, a représenté pour elle l'opportunité de s'investir dans les STIM.
Pour d'autres jeunes femmes, étudier les STIM dans l'enseignement technique représentait un passeport vers de nombreuses voies de transition notamment : l'entrepreneuriat, l'emploi ou encore des études plus poussées. Ainsi pour Aku, intéressée par l'entrepreneuriat : grâce à cette orientation elle a envie d'établir son propre atelier pour contribuer à la création d'emploi. Ata, envisage pour sa part d'être recrutée dans une compagnie ; elle se projette dans des secteurs qui sont en demande de ses compétences. Et Yaa, qui voulait poursuivre ses études, envisage de s'inscrire en troisième cycle afin d'être plus compétitive sur le marché du travail.
Que pouvons-nous apprendre des témoignages d'Esi et de ses camarades ?
Leurs récits offrent une perspective encourageante pour l'éducation secondaire technique qui pourrait changer la donne pour la promotion des filières STIM auprès des étudiantes. À l'heure où les pays d'Afrique subsaharienne envisagent des façons viables d'accroître la participation des jeunes filles dans les STIM, les gouvernements gagneraient à entendre les témoignages de ces jeunes filles. Peaufiner l'approche pratique de l'éducation technique par le biais d'ateliers bien équipés, disposant de technologies numériques avancées telles que la réalité augmentée et virtuelle (a) ; sensibiliser les filles aux multiples voies qui s'ouvrent à elles après des études de STIM dans l'éducation technique et rendre les inscriptions dans ces filières plus flexibles, pourrait permettre d'attirer et de retenir davantage de jeunes filles dans les filières STIM. Il est également important de recommander aux gouvernements d'investir dans des programmes de remédiation ciblée, grâce notamment aux technologies d'apprentissage adaptatif, pour permettre aux filles avec des performances académiques moyennes de s'épanouir dans les STIM.
La participation des filles dans les STIM apparaît plus que jamais essentielle dans les pays d'Afrique subsaharienne. Si les caractéristiques de l'éducation technique peuvent changer la donne pour davantage de jeunes filles, alors les gouvernements et les partenaires du développement doivent accroître et soutenir les investissements visant à renforcer ces catalyseurs. Non seulement ces catalyseurs inspireront davantage de jeunes filles en Afrique subsaharienne à poursuivre une formation et une carrière dans le domaine des STIM mais cela changera aussi la vie de millions de jeunes filles et garçons.
*Les noms des jeunes étudiantes ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
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