Au cours de la dernière décennie, des progrès lents mais constants ont été accomplis partout dans le monde pour réduire le nombre d’enfants vivant dans la pauvreté absolue. Cependant, les enfants sont toujours affectés de manière disproportionnée par l’extrême pauvreté. Ils représentent plus de la moitié de la population mondiale vivant avec moins de 3 dollars par jour, alors qu’ils ne composent que 30 % de la population totale.
Sur la base des dernières données de la plateforme Pauvreté et inégalités (a) de la Banque mondiale et des seuils de pauvreté mondiaux récemment mis à jour, une nouvelle analyse conjointe de la Banque mondiale et de l’UNICEF (a) dresse un tableau d’ensemble des tendances mondiales, régionales et nationales de la pauvreté infantile au cours de ces dix dernières années. Les résultats de l’étude révèlent le nombre d’enfants plongés dans la pauvreté, leurs lieux et leurs conditions de vie, ce qui nous aide à mieux comprendre les progrès accomplis et à relever les défis qui subsistent.
Notre méthode de mesure de la pauvreté
L’étude utilise des seuils de pauvreté mondiaux actualisés en tenant compte de l’inflation et de l’évolution des modes de consommation (a), qui reflètent mieux les réalités économiques d’aujourd’hui. Les seuils retenus sont donc les suivants :
3,00 dollars par jour (parité de pouvoir d’achat de 2021 ou PPA), correspond aux personnes vivant dans une pauvreté monétaire absolue selon les normes des pays les plus pauvres du monde.
8,30 dollars par jour (PPA 2021), est un seuil supérieur qui évalue la pauvreté dans les pays où le coût de la vie et les attentes en matière de bien-être élémentaire sont plus élevés.
Fondés sur une méthodologie (a) bien établie, ces repères fournissent une image plus précise de la pauvreté des enfants dans différents contextes.
Tendances mondiales de la pauvreté infantile : des progrès, mais aussi des défis persistants
En 2024, environ 412 millions d’enfants – soit plus de 19 % de la population infantile mondiale – vivaient avec moins de 3 dollars par jour. Ce chiffre est en baisse par rapport à 2014 (507 millions, soit 24 % de la population infantile mondiale). Par conséquent, la dernière décennie a vu une diminution de près de 100 millions d’enfants vivant dans l’extrême pauvreté, en dépit d’une dégradation temporaire en 2020 due à la pandémie de COVID-19.
Pour le seuil de pauvreté plus élevé de 8,30 dollars par jour, qui correspond mieux aux pays à revenu intermédiaire, la situation est plus préoccupante. En 2024, près de 66 % des enfants – 1,4 milliard environ – vivaient sous ce seuil. Bien qu’il s’agisse d’une amélioration par rapport aux 73 % enregistrés en 2014, l’ampleur de la pauvreté infantile dans ces pays souligne la nécessité d’une action urgente.
Tendances régionales de la pauvreté infantile : des trajectoires divergentes
Malheureusement, les avancées constatées à l’échelle mondiale ne sont pas uniformément réparties. Alors que certains pays et région ont accompli des progrès remarquables, d’autres ont stagné, voire régressé.
- L’Afrique subsaharienne reste l’épicentre de l’extrême pauvreté infantile. En 2024, plus de 52 % des enfants vivaient avec moins de 3 dollars par jour, un chiffre pratiquement inchangé par rapport à 2014. La région compte trois enfants sur quatre en situation de pauvreté absolue, alors qu’elle n’abrite que 23 % de la population infantile mondiale. La croissance démographique rapide de la région, associée à la fragilité, aux conflits et à la vulnérabilité climatique, a rendu la réduction de la pauvreté particulièrement difficile.
L’Asie du Sud a réalisé des progrès remarquables, abaissant le taux d’extrême pauvreté des enfants de 25 % environ en 2014 à un peu plus de 8 % en 2024. L’Inde a joué un rôle essentiel dans cette amélioration, son taux d’extrême pauvreté infantile étant passé de plus de 25 % à un peu plus de 5 % entre 2011 et 2022. Toutefois, au seuil de 8,30 dollars par jour, près de 85 % des enfants d’Asie du Sud sont encore plongés dans la pauvreté, ce qui indique que si l’extrême pauvreté a reculé, la vulnérabilité économique demeure largement répandue.
L’Asie de l’Est et le Pacifique ont aussi enregistré des progrès substantiels. Le taux d’extrême pauvreté des enfants a chuté, de près de 13 % à 4 %, des pays comme l’Indonésie étant à la pointe du mouvement. À lui seul, entre 2015 et 2024, ce pays a ramené de près de 26 % à environ 7 % son taux d’extrême pauvreté infantile, ce qui a permis à près de 20 millions d’enfants de sortir du dénuement. Sur la base du seuil de 8,30 dollars par jour, le taux de pauvreté infantile de la région est passé de 59 à 37 %, la Chine contribuant de manière significative à cette baisse.
La région Amérique latine et Caraïbes, en majorité composée de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, a conservé des niveaux relativement faibles d’extrême pauvreté infantile, soit un peu moins de 8 % en 2024 contre plus de 10 % en 2014. Toutefois, au seuil de 8,30 dollars par jour, plus de 41 % des enfants vivent encore dans la pauvreté, ce qui témoigne de la persistance des inégalités.
En Europe et en Asie centrale, le taux de pauvreté infantile sur la base de 8,30 dollars par jour a reculé d’environ 19 % à un peu plus de 10 %.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord est la seule région à avoir connu une inversion de tendance. L’extrême pauvreté des enfants y a presque doublé, passant de 7 % en 2014 à un peu plus de 13 % en 2024, un résultat largement dû à la détérioration des moyens de subsistance au Yémen. Sur la base du seuil de 8,30 dollars par jour, le taux a stagné à 60 % environ, ce qui reflète la situation de la région en butte permanente avec les conflits et l’instabilité économique.
Faits marquants au niveau national
De nombreux pays du monde, dans toutes les régions, ont fait de grands progrès dans la lutte contre la pauvreté infantile. Selon les données des enquêtes nationales, les pays qui prévoient des réductions notables de la pauvreté extrême des enfants sont les suivants : l’Indonésie, où l’extrême pauvreté infantile a chuté de 73 % entre 2015 et 2024 ; la Géorgie dont le taux a diminué de moitié entre 2014 et 2023 ; le Mexique, qui a vu l’extrême pauvreté des enfants chuter de près de 44 % entre 2016 et 2022. S’il convient de se réjouir des améliorations dans ces pays, d’autres ont vu l’extrême pauvreté des enfants s’aggraver, en particulier ceux qui sont touchés par des conflits, des situations de fragilité et des chocs climatiques.
Une mobilisation accrue et constante est indispensable
La décennie écoulée a montré qu’il était possible de réduire la pauvreté infantile, même face à des crises mondiales. Néanmoins, le rythme des progrès concernant la situation des enfants est plus lent que pour les adultes, et les disparités régionales restent flagrantes.
Les données sont sans équivoque : il est possible de mettre fin à la pauvreté des enfants, mais cela nécessite des efforts ciblés, soutenus et inclusifs. Donner la priorité aux enfants dans les initiatives mondiales de réduction de la pauvreté n’est pas seulement un impératif moral, c’est un investissement intelligent dans notre avenir collectif.
Prenez part au débat