En 1999, dans le sillage de la tendance mondiale à la libéralisation du transport aérien, les pays d'Afrique ont acté l’ouverture de leurs marchés avec la déclaration de Yamoussoukro. Celle-ci visait à remédier au strict encadrement des marchés qui avait été instauré par de nombreux pays pour protéger les compagnies locales, mais qui avait pour effet de nuire à la sécurité aérienne, d’entraîner une hausse des tarifs et d’entraver l'augmentation du trafic. Cependant, la mise en œuvre complète de ce traité et du marché unique du transport aérien africain, destiné à en accélérer la concrétisation, est toujours en suspens.
Où en est la libéralisation du transport aérien en Afrique ?
De multiples éléments attestent que la libéralisation du transport aérien apportera des avantages considérables au secteur aérien africain et à l'économie du continent en général. En effet, les bénéfices s'étendent bien au-delà du secteur de l’aviation, avec des effets favorables sur le tourisme et l'emploi, ainsi qu’une augmentation des échanges commerciaux et une plus grande présence dans les chaînes de valeur mondiales.
Lorsque j'ai commencé à travailler sur ce sujet en 2004, alors que la déclaration de Yamoussoukro était entrée en vigueur depuis deux ans, les incertitudes sur les effets économiques de la libéralisation constituaient un motif de préoccupation majeure pour de nombreux pays africains. J'en ai été témoin direct en assistant à de nombreuses négociations relatives aux accords bilatéraux sur les services aériens. Si la déclaration avait en principe libéralisé le marché, des réunions se tenaient régulièrement pour en réviser les dispositions concernant le nombre de vols hebdomadaires et le droit d'embarquer des passagers sur des vols multi-escales.
On a indubitablement accompli des progrès, mais le fait est qu'au bout de vingt ans de discussions, aucun pays africain n'a encore intégralement mis en œuvre la déclaration de Yamoussoukro. Cette situation persiste malgré l'évident bien-fondé économique de la libéralisation et malgré l'existence de conditions d'application favorables dans de nombreux pays, ce que souligne une récente étude (a) menée par la Commission de l'Union africaine avec le soutien de la Banque mondiale.
Quels sont les avantages économiques de la libéralisation des transports aériens ?
Un rapport de recherche publié récemment par le bureau de l'économiste en chef de la division Infrastructures de la Banque mondiale (Toward a Competitive Air Transport Market in Africa: The Role of Bilateral Air Service Agreements Liberalization) apporte un éclairage supplémentaire sur les mérites économiques de la libéralisation. Cette analyse montre ainsi que les accords bilatéraux entraînent une diminution du tarif des vols, de même qu'une augmentation de leur fréquence et de la demande en trajets aériens.
Les effets de l’ouverture des marchés du transport aérien se manifestent sous différents aspects :
- baisse des prix ;
- concurrence accrue ;
- augmentation de la fréquence des vols.
Chacun de ces effets directs entraîne une hausse de la demande, imputable à la baisse des tarifs comme à l'augmentation de la fréquence des vols. L'augmentation de la demande a en outre des conséquences indirectes sur les prix via des économies de densité, d'une part, et sur la fréquence des vols via des économies d'échelle, d'autre part.
En quantifiant tous les aspects par lesquels la libéralisation peut avoir des effets sur l'offre de services aériens en Afrique, nous avons calculé que celle-ci procurait des avantages pour le consommateur équivalents à une baisse de 40 % à 42 % du prix du billet d'avion moyen. Cette mesure des effets de la libéralisation sur le prix du billet se traduit en gains importants, au bénéfice du consommateur, de l'ordre de 330,3 millions à 424,4 millions de dollars (soit 29 % à 37 % des recettes produites par le transport aérien de passagers) parmi les pays de l'échantillon examiné en 2019, dernière année couverte par notre étude.
Quelles priorités pour l’Afrique dans les prochaines années ?
Les résultats positifs de la libéralisation ayant été démontrés, il est primordial de remédier à la fragmentation des marchés africains du transport aérien et de réaliser leur intégration. Observons que, dans de nombreuses parties du monde, cette libéralisation a naturellement découlé de la déréglementation des marchés aériens intérieurs. La coexistence d'un marché intérieur réglementé et de politiques internationales libérales est l'un des principaux dilemmes qui se posent à de nombreux pays africains. Cette dualité gêne la transition logique entre une déréglementation nationale et l'ouverture de l'espace aérien régional et continental.
Pour tirer pleinement parti des atouts de la libéralisation, les pouvoirs publics devraient s'employer à établir des règles du jeu équitables pour tous les acteurs et garantir une participation significative du secteur privé et des conditions de concurrence véritable, tant sur les marchés intérieurs qu'internationaux. Ces efforts faciliterait l'établissement d'un marché véritablement ouvert, rendant superflu le système des accords bilatéraux. Espérons qu'il ne faudra pas attendre encore vingt ans pour que cela se réalise.
#Infra4Dev est une série de billets mettant en lumière l'actualité des travaux de recherche économique menés par la Banque mondiale dans le domaine des infrastructures et du développement. Toutes les publications précédentes sont disponibles ici (a).
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