Avec l’adoption d’un programme de développement universel et l’engagement d’un nombre croissant de pays à lutter contre le changement climatique, l’année 2015 aura marqué un tournant dans la coopération internationale. Les violences et le nationalisme qui dominent l’actualité depuis pratiquement douze mois auraient de quoi nourrir le pessimisme mais la dynamique sous-tendant le déploiement des objectifs de développement durable (ODD) me donne des raisons d’espérer.
Jamais l’esprit d’ouverture et de concertation n’aura été aussi présent que pour l’adoption de ces objectifs par les Nations Unies, qui témoignent d’un changement radical de perspective face aux défis du développement, avec le souci d’assurer un avenir durable pour notre planète et ses habitants. Chacun perçoit de plus en plus le lien indissociable entre les deux.
Face aux enjeux du 21e siècle — migrations, changement climatique, épuisement des eaux souterraines, violences ou malnutrition — nous sommes désormais bien mieux armés que si nous nous étions limités aux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) définis à la fin des années 1990 par les Nations Unies.
Pour commencer, les ODD sont universels : les OMD étaient certes généreux et bien intentionnés mais ils ne concernaient que les pays en développement. Nous savons aujourd’hui que le développement est lié à un ensemble de facteurs et non à un état particulier : des poches de richesse peuvent exister dans les pays pauvres comme des poches de pauvreté peuvent persister dans les pays riches. Ce n’est pas un hasard si, depuis quelques années, les inégalités de revenu sont au cœur des débats politiques et des initiatives engagées dans de nombreux pays. Pour la Banque mondiale, mettre fin à la pauvreté rime désormais avec équité (ou « prospérité partagée ») — une évolution bienvenue qui prend acte des limites des statistiques sur le PIB par habitant quand il s’agit de dresser un tableau exhaustif de la situation d’un pays.
Les ODD considèrent que la planète toute entière est un bien public à gérer de manière stratégique et concertée en s’appuyant sur une vision de long terme. Des océans aux forêts en passant par les pandémies ou l’inflation, tout événement touchant un pays peut avoir des conséquences dramatiques sur le bien-être de ses voisins et les pauvres de demain. Il est donc encourageant de voir que tous les pays, de Bangkok à Bamako, Londres ou Lima, ont accepté de prendre ces défis à bras le corps.
Deuxième supériorité des ODD : leur prise en compte de la complexité. Les défis contemporains doivent être relevés concomitamment. Ce qui passe par des arbitrages et des synergies entre secteurs, espaces urbains et zones rurales, et par des approches intégrées et adaptées aux enjeux transversaux que sont notamment l’égalité hommes-femmes, le changement climatique ou la création d’emplois.
Prenons le problème de la faim dans le monde : les OMD voulaient réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim sans aborder la question de la nutrition ou des systèmes de santé. J’ai beaucoup utilisé cet exemple quand j’ai commencé à sensibiliser mes interlocuteurs au concept d’ODD. Ces objectifs offrent nettement plus de points d’entrée pour s’attaquer à la malnutrition et comprendre les liens entre une offre alimentaire adaptée et la santé, le développement de la petite enfance, la compétitivité d’un pays et la croissance durable. La reconnaissance des interconnexions entre ces problèmes, dont la résolution passe par des approches multisectorielles, gagne progressivement du terrain au sein de la Banque mondiale.
C’est le cas également pour la protection des forêts : de plus en plus, on réalise que, pour ralentir le changement climatique (ODD #13), garantir une eau propre et adaptée à de multiples usages (ODD #6) et préserver la diversité biologique (ODD #15), il faut planifier le développement des infrastructures de transport ou de l’agriculture de manière à ne pas détruire ces écosystèmes. Des arbitrages devront être opérés pour permettre une croissance pérenne n’obérant pas l’avenir. Tel est le programme que la Banque mondiale s’est efforcée de suivre cette année de manière encore plus explicite, avec l’adoption d’un plan d’action pour la forêt (a), conçu pour contribuer aux efforts des pays engageant des investissements transversaux respectueux de cet environnement.
Troisième constat : les ODD offrent un prisme bien plus large pour penser le développement. Quel que soit le domaine d’expertise ou l’activité considérés, ils proposent une feuille de route durable, visible et tangible pour agir sur tous les fronts et dans tous les domaines susceptibles de contribuer à un développement durable. Ces 17 cibles emblématiques redéfinissent déjà la manière dont chaque individu, où qu’il vive, comprend et appréhende le développement. La nature du dialogue autour de ces questions évolue — un phénomène palpable dans les couloirs du siège des Nations Unies, à New York, pendant le Forum politique de haut niveau pour le développement durable (a). Nous ne pouvons plus faire marche arrière.
D’où cette dernière réflexion : je tiens à réfuter l’idée selon laquelle les ODD seraient une conception des Nations Unies déconnectée de la réalité et des contraintes de prises de décision. Ces objectifs ont été élaborés et adoptés par tous les pays du monde et l’on peut voir comment, depuis, chacun s’efforce d’aligner ses politiques, ses plans et ses budgets pour garantir leur réalisation. Pour la première fois dans leur histoire, pays développés et pays en développement poursuivent le même programme de développement. Car nous appartenons bien tous à la même espèce et partageons la même planète...
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