Le Programme mondial sur la fiscalité comporte un axe de travail dédié aux taxes de santé publique, une initiative à volets multiples qui rassemble les connaissances et les compétences de plusieurs pôles d’expertise du Groupe de la Banque mondiale : macroéconomie, commerce et investissement ; santé, nutrition et population ; pauvreté et équité ; et gouvernance.
À peine remis des répercussions sanitaires et économiques (a) engendrées par la crise de la COVID-19, le monde fait face à une série de nouvelles tensions, avec la guerre en Ukraine, une inflation généralisée et le ralentissement des plus grandes économies. Le fléchissement mondial annoncé pour 2023 signifie que les budgets nationaux seront encore sous tension au cours de l’année qui vient, entraînant des difficultés dans l’ensemble des secteurs.
La fiscalité de la santé fait l’objet d’une attention croissante en raison du double intérêt qu’elle présente, sur le plan sanitaire et pour la génération de recettes publiques. Cet instrument de politique économique peut également produire des bénéfices indirects : réduire la pression sur le système de santé, accroître la productivité des populations et la croissance économique grâce aux gains de capital humain.
Les taxes de santé publique : une fiscalité d’un bon rapport coût-efficacité
Par « taxes de santé publique », on entend les droits d’accise sur des produits comme le tabac, l’alcool et les boissons sucrées susceptibles de nuire à la santé. Elles diffèrent d’autres taxes indirectes comme la taxe sur les produits et services et la taxe sur la valeur ajoutée, parce que sélectives et ciblées sur des produits nuisant à la santé et néfastes à la société et aux individus.
L’objectif premier des taxes de santé publique est de réduire la consommation de produits nocifs. Toutefois, lorsqu’elles sont bien conçues — en termes de taux, de structure et d’assiette — et qu’elles sont assorties de mesures administratives complémentaires, elles constituent l’un des leviers les plus rentables pour faire baisser l’usage de produits nocifs, sauver des vies et générer des recettes particulièrement bienvenues.
L’exemple philippin
L’instauration et le renforcement des taxes de santé publique passent par la coopération. Les leçons tirées des expériences en la matière montrent que les réformes les plus efficaces reposent sur la collaboration entre ministères de la Santé et des Finances. Aux Philippines, la réussite de l’adoption en 2012 d’une loi taxant le tabac et l’alcool s’explique en grande partie par la volonté d’associer cette réforme aux bienfaits qui en découlent pour le secteur de la santé. Tous les partis politiques ont défendu ce texte que de larges consultations avec les parties prenantes avaient nourri, avec l’adhésion des plus hauts dirigeants.
Cette réforme a favorisé une hausse des recettes : avant la loi, les recettes tirées de l’impôt sur la santé représentaient 0,5 % du PIB ; en 2019, elles étaient passées à 1,4 %. En outre, grâce à cette taxation, le pays bénéficie d’une source de revenus fiable et renouvelée pour financer des postes prioritaires comme la couverture sanitaire universelle, dans une démarche alignée sur le système de finances publiques du pays.
En 2022, le budget du ministère de la Santé et le subventionnement des primes au régime d’assurance maladie des Philippines (PhilHealth) étaient cinq fois plus élevés (a) qu’en 2013. Cette réforme a pu s’appuyer sur un vaste programme d’assistance analytique et consultative fourni par la Banque mondiale (a) et d’autres partenaires.
La Banque mondiale apporte un soutien global
Le développement d’une fiscalité de la santé requiert également une expertise technique diversifiée. La Banque mondiale, qui travaille depuis longtemps à des initiatives collectives, a apporté son concours aux États afin qu’ils puissent engager ce chantier en l’abordant dans ses dimensions multiples et interdépendantes.
Elle s'emploie notamment à évaluer les effets des taxes de santé publique sur la pauvreté et la distribution des revenus. Il s’agit notamment de déterminer comment les droits d’accise frappant le tabac (a) peuvent produire à long terme des effets progressifs et vertueux pour les plus démunis (a), en ce qu’ils favorisent une modification des comportements et, du fait d’une moindre consommation, une baisse future des dépenses médicales ainsi qu’un allongement de la durée de vie productive. Nous nous sommes également attachés à analyser et tester dans quelle mesure l’introduction ou l’augmentation des droits d'accise sur les boissons sucrées (a) pouvaient davantage profiter à long terme aux populations les plus pauvres.
Et nous avons consacré des travaux aux répercussions sanitaires et économiques de la consommation de tabac (a) et de boissons sucrées (a), notamment l’incidence d’une réforme de la fiscalité de la santé sur les maladies non transmissibles et les facteurs de risque associés, comme l’obésité (a).
Conscients de l’importance d’une bonne gouvernance en matière d’administration de l'impôt, nous travaillons à la question complexe du civisme fiscal (a). Il s’agit d’aider à assurer une politique fiscale et un recouvrement des recettes efficaces à l’échelle des pays, en améliorant ainsi la gouvernance et la gestion des finances publiques.
Enfin, les experts de la Banque mondiale éclairent les pays sur le bien-fondé fiscal et macroéconomique des taxes de santé publique, selon une approche adoptée au contexte national. Ils collaborent avec leurs interlocuteurs au sein des ministères des Finances pour mettre à profit ce type d’impôt dans le cadre plus large de leurs programmes de réforme fiscale (a) et en faire un outil de renforcement de la croissance.
La collaboration au service d’une démarche multidimensionnelle
Forte de toutes ces initiatives, la Banque mondiale a récemment mis en place un axe de travail dédié aux taxes de santé publique (a) sous l'égide de son Programme mondial sur la fiscalité (a).
L’objectif est de soutenir les efforts de réforme partout dans le monde, en prenant acte du fait que cet impôt ne doit pas uniquement s’envisager sous l’angle de la santé ou des finances : il exige une approche multidimensionnelle.
Avant d’instaurer des taxes de santé publique, il est indispensable d'appréhender la dynamique de la culture du tabac notamment, mais aussi de comprendre les liens entre ces taxes et les droits d'accise sur d’autres produits comme les carburants et les véhicules, qui eux aussi peuvent permettre de réduire des externalités négatives. Il faut également maîtriser la complexité de l’économie politique qui sous-tend la fiscalité de la santé, notamment les enjeux de l’évasion fiscale et du commerce illicite, la puissance des groupes industriels et leurs acteurs satellites ainsi que la dynamique gouvernementale qui détermine l’approche à tenir face à chaque obstacle.
Cette complexité exige une véritable collaboration, et la Banque mondiale est particulièrement bien qualifiée pour mobiliser ses diverses compétences au service des réformes de la fiscalité de la santé.
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