Publié sur Opinions

Une meilleure mobilité pour les migrants, les réfugiés et les sociétés : découvrez et commentez la note conceptuelle du prochain Rapport sur le développement dans le monde 2023

A Syrian family in their living room in Tripoli, Lebanon, where they had lived as refugees for the last 4 years. Photo © Dominic Chavez/World Bank A Syrian family in their living room in Tripoli, Lebanon, where they had lived as refugees for the last 4 years. Photo © Dominic Chavez/World Bank

« Jadhav Rana fit mander les chefs sacerdotaux des Parsis. Puis le souverain leur présenta un récipient plein de lait pour leur signifier que les terres alentour ne pouvaient plus accueillir quiconque. Le grand prêtre parsi répondit en ajoutant du sucre dans le lait pour signaler que les étrangers enrichiraient la communauté locale sans la déloger. Ils se fondraient dans la vie comme le sucre se dissout dans le lait, adoucissant ainsi la société sans la déstabiliser. Face à cette image éloquente, le souverain octroya aux exilés des terres et la liberté de pratiquer leur culte à condition de respecter les coutumes locales et d’apprendre la langue du lieu, le gujarati. »

Cette vieille légende parsie illustre de manière saisissante les difficultés et les opportunités qui se présentent aux migrants et aux populations qui les accueillent. Elle a gardé, par-delà les siècles, toute sa pertinence. De l’Ukraine à l’Afghanistan, du Venezuela à l’Éthiopie, la une des médias nous rappelle chaque jour la place centrale de cette question dans le monde actuel et dans nos vies.

Il ne s’agit pas d’une discussion abstraite autour de problèmes économiques et sociaux. Il s’agit d’Anna, de Samir et d’Eugénie, qui ont quitté Kharkiv, Le Caire et Lomé. Il s’agit de Geert, de Paola et de Ranjit, originaires d’Amsterdam, de San Salvador et de Mumbai. Il s’agit de toutes celles et ceux qui, dans le monde entier, sont en quête de perspectives économiques plus favorables et d’une plus grande sécurité. En d’autres mots : une vie meilleure pour elles et pour leurs proches.

Quelque 300 millions de personnes vivent aujourd’hui en dehors de leur pays natal. La plupart des dynamiques mondiales qui influent sur les facteurs de mobilité humaine (conflits, pauvreté, inégalités…)  s’intensifient, donnant lieu à des débats de plus en plus clivants. Dans les pays de destination, on s’interroge sur le coût et l’utilité de l’accueil des migrants et des réfugiés. Dans les pays d’origine, la fuite des cerveaux, la séparation des familles et l’éloignement géographique suscitent de nombreuses inquiétudes.

La mobilité humaine a sans conteste bénéficié à l’humanité : elle constitue une dimension intrinsèque du développement et sert efficacement d’ajustement aux déséquilibres et aux chocs. Essentielle à la réduction de la pauvreté dans des communautés diverses et variées, elle a été un moteur de prospérité économique dans de nombreux pays de destination.

Ces dernières années, pourtant, les afflux soudains d’un grand nombre de réfugiés, l’arrivée constante de migrants sans papiers ou les circonstances tragiques de leurs périples suscitent un certain malaise , remettant en question l’efficacité des politiques gouvernementales dans les pays d’origine comme de destination.

Il est temps de repenser les enjeux migratoires, si nous voulons répondre à ces préoccupations et continuer à tirer les fruits de la mobilité transfrontalière.  Voilà pourquoi le Rapport sur le développement dans le monde 2023 : migrants, réfugiés et sociétés explorera cette thématique. Nous venons d’en publier la note conceptuelle, le rapport intégral étant prévu au printemps 2023.

Sous l’angle du développement, le défi consiste à gérer les migrations économiques et les déplacements forcés afin que les migrants et les réfugiés, tout comme les communautés d’origine et d’accueil, en tirent le meilleur profit, sur le plan économique, social et sécuritaire. Cet enjeu est essentiel pour tenir les Objectifs de développement durable, en particulier l’Objectif 1 qui entend « éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde », et il s’inscrit dans le prolongement du consensus obtenu avec le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le Pacte mondial sur les réfugiés.

Ce rapport se fonde sur la nécessité d’abandonner les approches traditionnelles qui sous-tendent la mobilité (le marché du travail pour les migrants économiques et la protection juridique pour les réfugiés) en faveur d’une approche plus globale. Il entend tracer une perspective de développement et recenser les solutions politiques en vue d’instaurer un système garant d’une « meilleure mobilité » dans un monde en mutation, tout en reconnaissant que chaque situation est singulière : aucun modèle ni ensemble de politiques ne sauraient s’appliquer de manière uniforme au monde entier.

Ce travail considère avant tout les migrants et les réfugiés comme des personnes, dotées d’autonomie, d’une identité et de dignité. De la même manière, les pays de destination ne se résument pas à des marchés du travail ou des refuges : ce sont des sociétés complexes partageant un sens d’appartenance et des processus de délibération et de décision collectives. Pour gérer la mobilité internationale, il faut se pencher sur les implications économiques des flux migratoires et sur leur impact social, ainsi que sur la notion de dignité humaine.  Une grande partie des complexités, des tensions et des défis politiques réside dans l’interaction entre ces trois dimensions.

Le Rapport sur le développement dans le monde s’appuiera sur ce cadre pour approfondir trois séries de questions, à l’aide d’outils analytiques, d’études de cas et de témoignages.
 

       Le Rapport sur le développement dans le monde

  • Quels facteurs poussent à l’émigration ? Le rapport passera au crible les dynamiques mondiales, régionales et nationales (chocs, pressions et déséquilibres) qui influent sur la mobilité, et examinera les évolutions possibles ces prochaines décennies, notamment les tendances démographiques, les changements climatiques et les trajectoires de développement.
  • Comment les acteurs concernés peuvent-ils maximiser ses effets positifs, tout en atténuant ses répercussions négatives ? Le rapport mettra l’accent sur les politiques que les pays d’origine et de destination et autres parties prenantes peuvent adopter en vue d’un système de migration sûr, ordonné et régulier qui profite à tous.
  • Quelle doit être la portée de l’action collective ? Le rapport étudiera le lien entre protection internationale et développement, et la manière dont la communauté internationale peut mieux prendre en charge les populations déplacées de force.

Ces derniers mois, l’équipe du Rapport sur le développement dans le monde 2023 s’est entretenue avec des acteurs de divers horizons afin d’entendre différents points de vue dans les pays d’origine et les pays de destination , auprès notamment des gouvernements, des organisations internationales, des laboratoires d’idées, des universités et de la société civile. Alors que nous continuons d’élaborer ce rapport, nous vous invitons à nous faire part de vos observations et de vos suggestions, notamment sur des expériences précises qui peuvent contribuer à étayer les politiques.

Merci de nous écrire à wdr2023_comments@worldbank.org.


Auteurs

Xavier Devictor

Co-Directeur du Rapport sur le développement dans le monde, Banque mondiale

Quy-Toan Do

Co-Directeur, Rapport sur le développement dans le monde 2023

Caglar Ozden

Co-Directeur, Rapport sur le développement dans le monde 2023

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000