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Une nouvelle approche pour évaluer le coût des programmes d'inclusion économique

Dans le village de Soavina, à Madagascar, des femmes bénéficient des programmes de développement humain de la Banque mondiale. Photo : Sarah Farhat/Banque mondiale Dans le village de Soavina, à Madagascar, des femmes bénéficient des programmes de développement humain de la Banque mondiale. Photo : Sarah Farhat/Banque mondiale

Les programmes d'inclusion économique permettent d'augmenter les revenus et les biens des individus et des ménages les plus pauvres du monde grâce à l'impulsion donnée par des interventions coordonnées. Jusqu'à présent, les débats à propos de ces programmes étaient centrés sur leur « coût affiché », leur rentabilité et leur accessibilité financière. Or si le montant total de ces programmes est une donnée importante, un examen plus approfondi au moyen d’une analyse des coûts peut également jouer un rôle essentiel dans les décisions relatives à la conception des programmes.

En évaluant les coûts des programmes, décideurs et concepteurs sont mieux en mesure de cerner les freins et les atouts qui pourraient avoir un impact sur les activités et les politiques liées à leurs initiatives. En outre, à mesure que les programmes d'inclusion économique prennent de l'ampleur, les enseignements rapidement tirés de cette analyse peuvent aussi permettre d’optimiser leurs coûts. 

Le Rapport sur l'inclusion économique 2021 : le potentiel de l'échelle (a) ouvre de nouvelles perspectives et recadre le débat sur le coût des programmes d'inclusion économique.

L’exercice entrepris dans ce rapport a été réalisé à l'aide d’un des premiers outils de ventilation normalisée du coût des programmes d’inclusion économique gouvernementaux et non gouvernementaux. L’outil d'évaluation rapide des coûts du Partenariat pour l’inclusion économique (a) a été appliqué aux données recueillies à partir de 34 programmes dans le monde. Il offre une nouvelle approche de l'analyse des coûts, un sujet éminemment complexe en raison des problèmes de mesure, d’hétérogénéité des objectifs des programmes et de comparabilité.

Prédominance du coût de certaines composantes du soutien financier dans les programmes d'inclusion économique

L'analyse des coûts révèle que des composantes spécifiques des programmes d'inclusion économique multisectoriels sont souvent prédominantes, par exemple les transferts en espèces/en nature ou les travaux publics (Figure 1). De nombreux programmes allouent en effet de 50 à 86 % de leur coût total à l'une de ces composantes. Une seule composante est l'élément le plus important du coût de 13 programmes gouvernementaux sur 24, une proportion plus forte que dans les programmes gérés par des ONG (9 sur 10).

Cette prédominance d'une composante unique peut résulter de trois facteurs. Premièrement, il est possible que les programmes se fondent sur des interventions existantes auxquelles des ajustements mineurs sont apportés pour améliorer l'impact productif de l'ensemble. Deuxièmement, les concepteurs peuvent considérer que de multiples interventions rendront le programme plus complexe et, par conséquent, décider de privilégier quelques composantes seulement dans l'espoir de faciliter la gestion et de limiter le coût global. Troisièmement, la prédominance relative de ces composantes correspond peut-être au poids relatif des obstacles auxquels se heurtent les bénéficiaires en matière d'inclusion économique.

Figure 1. Prédominance de certaines composantes dans les programmes d'inclusion économique

Figure 1. Prédominance de certaines composantes dans les programmes d'inclusion économique
Source : Outil d’évaluation rapide des coûts (2020), Partenariat pour l'inclusion économique (PEI), Banque mondiale.

En outre, les programmes dans lesquels une seule composante prédomine ont des coûts de prestation et de personnel inférieurs à ceux des initiatives dont le budget est réparti sur davantage de composantes. En moyenne, dans les programmes gouvernementaux et non gouvernementaux, les coûts de prestation et de personnel représentent 13 % du coût global quand une seule composante prédomine, contre 26 % pour les programmes qui privilégient plusieurs composantes dans leur budget (Figure 2). 

Figure 2. Les coûts de prestation et de personnel sont plus élevés dans les programmes qui privilégient plusieurs composantes dans leur budget

Figure 2. Les coûts de prestation et de personnel sont plus élevés dans les programmes qui privilégient plusieurs composantes dans leur budget
Source : Outil d’évaluation rapide des coûts (2020), Partenariat pour l'inclusion économique (PEI), Banque mondiale.

L'approche du « coût affiché » pour chiffrer les programmes d'inclusion économique peut aboutir à des résultats erronés

L'exercice d'analyse des coûts normalisé met également en évidence que le prix affiché des programmes peut être trompeur et masquer une considérable hétérogénéité.  Le coût unitaire d’un programme d’inclusion économique se situe entre 41 et 2 253 dollars (PPA en dollars de 2011) par bénéficiaire pendant la durée de mise en œuvre (3,6 ans en moyenne). Cette fourchette montre l'immense diversité de l'ampleur des programmes, même si une partie de cette variation dépend du niveau de maturité des interventions, sachant que celles qui sont expérimentales et en phase de démarrage coûtent généralement moins cher. Par conséquent, toute interprétation des coûts affichés doit se baser sur le bien-fondé et l’impact des programmes. Ce constat soulève une autre question : devrait-il y avoir un seuil minimum en dessous duquel les programmes seraient jugés incapables d'atteindre les objectifs souhaités ?

L'analyse des coûts est fondamentale pour l'optimisation financière et l'extension des programmes d'inclusion économique

La capacité à déterminer les coûts est une étape essentielle pour mieux appréhender l'optimisation financière et la montée en puissance des programmes d'inclusion économique.  Les données sur les coûts, une fois ventilées en particulier, peuvent être très utiles à ceux qui conçoivent les programmes et en évaluent le caractère abordable et le potentiel d'extension. L'exercice d'analyse révélera de multiples moyens d'optimiser les coûts, qui vont des variations des montants des dons en espèces et des modalités de recouvrement des coûts de ces dons, jusqu'aux variations d’intensité des modalités, de la fréquence et du contenu des formations, des séances d’encadrement et de mentorat. L’analyse systématique des coûts permettra aux autorités nationales de comprendre les ratios coûts-avantages des programmes et d’orienter ainsi leurs décisions stratégiques.

Ces résultats confirment toute l'utilité des données sur les coûts, au-delà de leur exploitation dans les études de coût-efficacité. Cela étant, cette analyse n'est basée que sur un petit échantillon des 219 programmes d'inclusion économique mis en œuvre dans le monde et pris en compte dans le rapport. L'augmentation du nombre de programmes qui communiquent des informations sur les coûts permettrait de produire une analyse plus précise et approfondie, en particulier par type de programme, par région et par groupe cible. Pour cela, il est donc essentiel que les responsables politiques et ceux qui mettent en œuvre des programmes d'inclusion économique, gouvernementaux ou non, rendent publiques leurs données sur les coûts. 

Appel à la communication de données

L'équipe du Partenariat pour l'inclusion économique (PEI) (a) espère que davantage de responsables de la mise en œuvre des programmes et de chercheurs répondront à cet appel pour rassembler et diffuser largement les données sur les coûts. Tout en s'efforçant d’ores et déjà d’exploiter ces données dans leur processus de conception de programmes et de décision. Aussi, afin de faciliter la communication de données, le PEI a créé un portail (a) permettant notamment de partager et d'analyser les informations sur les coûts.

VOIR AUSSI

Les programmes d'inclusion économique profitent à présent à 92 millions de personnes à travers le monde

Rapport sur l'inclusion économique 2021 : Le potentiel de l’échelle (a)

Portail de données du PEI (a)


Auteurs

Boban Varghese Paul

Spécialiste principal de la protection sociale

Sarang Chaudhary

Spécialiste en protection sociale, Banque mondiale

Puja Vasudeva Dutta

Économiste en protection sociale, Banque mondiale

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