Dans toute l'Afrique de l'Ouest, il est très difficile de trouver un lieu de travail aussi innovant et diversifié que les incubateurs d'entreprises. Reconnues pour leur personnel jeune, énergique et souvent paritaire, ces organisations sont une indication encourageante de ce que réservent les décennies à venir, alors que la région présente au monde une main-d'œuvre plus jeune, plus ouverte et de plus en plus féminine.
En Afrique de l'Ouest francophone – où il n'y avait encore aucun incubateur début 2011, six jeunes femmes dirigent actuellement d'importants incubateurs, dont certains bénéficient du soutien du Groupe de la Banque mondiale.
Ayant des formations en informatique, en ingénierie, en finance, en logistique, en gestion de projets et en entrepreneuriat social, ces femmes ont des profils tout aussi variés et impressionnants que les start-ups qu'elles accompagnent. Compte tenu de l'engagement du Groupe de la Banque mondiale à promouvoir l'égalité des sexes, tel qu'énoncé dans la Stratégie Genre, notre équipe leur a parlé pour en apprendre davantage sur leur travail et leur expérience de leadership.
Avec l'appui du programme infoDev du Groupe de la Banque mondiale, CTIC Dakar a été le premier incubateur en Afrique francophone et est actuellement dirigé par Regina Mbodj. Comme toutes les PDG que nous avons interrogées, elle possède une vaste expérience à l'étranger. Après des études d'informatique en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, elle est rentrée au Sénégal pour travailler dans un centre d'affaires. Après avoir travaillé directement avec des start-ups pendant trois ans en tant que responsable du développement commercial, Regina a été sélectionnée comme PDG du CTIC Dakar.
De même, Mariem Kane et Aissata Lam, fondatrices et présidentes des incubateurs mauritaniens iLab et Hadina RIMTIC, ont voulu appliquer ce qu'elles avaient observé à l'étranger et l'amener dans leur pays. Mariem a remporté un concours de plan d’affaires alors qu'elle faisait des études d’ingénieur en France et a été sélectionnée pour participer à l'Initiative des jeunes leaders africains (YALI) lancée par le président Obama en 2014. Elle y a présenté son idée d'un incubateur TIC mauritanien : « Ce que je voulais faire ici, c'était de l’intérêt général », note-t-elle. « En Europe et en Amérique, les incubateurs ont tendance à fonctionner comme de pures entreprises et sont très orientées sur les résultats financiers. Je voulais créer une organisation qui s'attaquerait vraiment aux problèmes sociétaux. »
Fatoumata Guirassy, PDG du premier incubateur d'entreprises de technologies vertes de Guinée Saboutech, est elle-même entrepreneur. Avant d'être sélectionnée pour diriger Saboutech, elle a travaillé dans l'industrie de la mode et l’import-export en Côte d'Ivoire. À bien des égards, aider les jeunes entrepreneurs à créer leur entreprise n'était pas nouveau pour elle. Néanmoins, elle est enthousiaste à l'idée de travailler davantage du côté du soutien à l'entrepreneuriat : « Je reconnais tant de défis que j'ai dû relever moi-même. »
Lisa Barutel est la fondatrice et PDG de La Fabrique au Burkina Faso. Seule personne de nationalité non africaine à diriger ces six incubateurs, Lisa est d'abord venue de France au Burkina Faso en 2011 pour coordonner un concours international d'entrepreneuriat social pour les jeunes diplômés : « C'est ainsi que j'ai découvert le Burkina Faso. J'ai été très impressionnée par le profil et les projets de certains candidats ». Après deux ans de bénévolat au sein de l’incubateur d'entreprises de l'Université 2iE à Ouagadougou, elle a lancé sa propre start-up. « De cette façon, je me vois vraiment comme une entrepreneure. Je suis ici parce que j'ai vu beaucoup d'idées et de développements sur la scène start-up, auxquels je pensais pouvoir contribuer avec mon expérience de l'entreprenariat social. »
L'entreprenariat social a également été le moteur d'un autre incubateur à Dakar, MakeSense Afrique. « Je pense que l'entrepreneuriat est naturellement social pour les Africains », dit Binta Ndiaye qui, à 24 ans, est la plus jeune PDG que nous ayons interviewée. « Dans ma culture africaine et religieuse, il est si important de donner en retour. Il n'est donc pas question que votre entreprise ne soit pas une entreprise sociale ». Citoyenne franco-sénégalaise, Binta a auparavant travaillé avec des jeunes de banlieues françaises à faible revenu et d’origine immigrée pour améliorer leurs capacités d'accès à l'emploi.
À l'instar de ses homologues, elle mentionne ses préoccupations au sujet de la migration et du chômage des jeunes comme moteur de son travail avec les jeunes : « Ils pensent que le fait d'aller en France ou en Amérique résoudra tous leurs problèmes, et ce que nous essayons de leur montrer avec l'incubation et l'engagement communautaire, c'est qu'ils peuvent essayer quelque chose ici et maintenant, où ils ont le droit de travailler et de mettre en œuvre leurs idées. Contribuez d'abord au développement de notre pays, puis faites ce que vous voulez après. »
Comme le fait remarquer Mariem, « il y a toujours eu un esprit entrepreneurial en Afrique, ce qui est nouveau, c'est que c'est maintenant formalisé ; nous voyons pour la première fois des jeunes saisir les opportunités du marché et prendre des risques. »
Elles avaient bien sûr beaucoup plus à dire sur leurs entreprises et leur secteur, comme nous le verrons dans le prochain billet de blog.
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