Aux Seychelles, les côtes fourmillent de vie. C’est particulièrement frappant lorsqu’on circule sur les principales routes de l’île de Mahé, bordée d’une eau turquoise. Tôt le matin, les pêcheurs amènent leurs prises sur le sable, une nuée d’enfants rejoignent leur école sur le rivage, et des gens attendent patiemment le bus qui les emmènera dans la capitale bourdonnante d’activité, Victoria, située à seulement un mètre au-dessus du niveau de la mer.
Ce pourrait être la description de n’importe quel État insulaire dont les habitants dépendent de la mer pour leurs moyens de subsistance, pour commercer et pour se déplacer. Mais ce qui rend les Seychelles uniques, c’est la splendeur de leur littoral. Chaque année, les touristes affluent sur ces 492 kilomètres de côtes, multipliant par plus de trois la population de l’archipel. « On accueille entre 6 000 et 8 000 touristes par semaine », explique Philomena Hollanda, chargée de la gestion des risques au ministère du Tourisme. « Tous les Seychellois ont un lien avec le tourisme. »
Pour gérer efficacement ces risques, il faut d’abord identifier les infrastructures et les écosystèmes concernés, et mesurer les effets de l’érosion. La collecte de ces informations est un processus long, complexe et particulièrement coûteux pour un petit pays. La dernière cartographie aérienne des 115 îles de l’archipel des Seychelles (dont huit sont habitées tout au long de l’année), une zone économique exclusive s’étendant sur 1 374 000 km2, remonte à 2011. Même si ces données sont de qualité suffisante, elles sont déjà obsolètes en raison de la rapidité de l’érosion côtière. Des images satellitaires sont parfois utilisées pour actualiser ces données, mais, dans le cas d’îles souvent très ennuagées, elles permettent rarement d’évaluer précisément la situation.
« Il ne faut pas nécessairement faire comme on a toujours fait. Il faut innover. »
Paul Labaleine, directeur général du Département de gestion des risques et des catastrophes (DRDM), souligne que le gouvernement est décidé à innover pour faire face aux problèmes. « Aux Seychelles, nous devons faire avec ce que nous avons. Nous pensons que les drones peuvent nous aider à nous développer, à gérer les risques, à les réduire et à nous préparer. »
« Penser autrement »
Avec le soutien de la Facilité mondiale pour la réduction des risques de catastrophe et le relèvement (GFDRR) (a), et en s’inspirant de l’expérience de Zanzibar, un État insulaire voisin confronté à des problèmes similaires, les Seychelles recourent aujourd’hui à des drones pour prendre des images aériennes de haute précision, avec un faible coût.
À Zanzibar, des drones sont utilisés depuis 2016 dans le cadre d’un projet de cartographie (a) qui réunit la Banque mondiale et le Gouvernement révolutionnaire de Zanzibar. Les données recueillies ont déjà servi à élaborer une nouvelle carte de référence, ce qui renforce le suivi environnemental et les mesures de réduction des risques de catastrophe. En outre, en partenariat avec l’Université d’État de Zanzibar, le projet a formé des centaines d’étudiants et a contribué à améliorer les capacités de géolocalisation locales, encourageant des investissements substantiels qui visent à développer une industrie des drones dans la région.
Aux Seychelles, où les objectifs sont les mêmes qu’à Zanzibar, le DRDM a récemment invité les principaux membres et partenaires du projet à un échange de savoir Sud-Sud sur l’utilisation de drones au service du développement. Pendant une semaine, une équipe de formateurs venant de la Banque mondiale, de Tanzania Flying Labs (membre d’un réseau mondial constitué par WeRobotics, une entreprise à but non lucratif, basée aux États-Unis) et de Drone Adventures (une association suisse qui travaille avec senseFly) a montré aux représentants de 34 organismes publics et ONG locales comment manier un drone et traiter les données obtenues. Grâce à des études de cas axées sur les Seychelles, les participants ont pu se familiariser avec les nombreux usages associés à ces images aériennes.
Ils ont étudié différents domaines dans lesquels des drones pourraient se révéler utiles : détection de changements dans l’environnement, surveillance de maladies, réalisation de relevés topographiques, etc. Jastin Bibi, chargé de la veille sanitaire pour le ministère seychellois de la Santé, a bien résumé l’enthousiasme des participants : « Nous devons nous intéresser de plus près à cette technologie et déterminer comment on peut la mettre à profit dans tous les secteurs. Nous devons penser autrement. Il ne faut pas nécessairement faire comme on a toujours fait. Il faut innover. »
Avant d’organiser cet atelier, plusieurs des formateurs avaient déjà employé des drones dans le cadre d’un projet pilote destiné à cartographier les Seychelles. Durant cinq jours, ces drones ont survolé les zones côtières vulnérables de deux îles de l’archipel, Mahé et La Digue. Les pouvoirs publics pourront se servir des images obtenues pour adopter des stratégies qui atténueront les risques de catastrophe. En tout, 11 sites critiques à Mahé et 70 % de La Digue ont été photographiés, soit 30 km2 du littoral seychellois.
Une intervention complète
Cette formation et cet exercice de cartographie ne sont pas deux interventions isolées, mais font partie de l’Initiative pour le libre accès aux données et la
résilience (OpenDRI) (a), lancée en 2014. Brenden Jongman, chef de projet pour la Banque mondiale, explique qu’il s’agit d’une « collaboration destinée à permettre à l’ensemble de la communauté seychelloise de découvrir la technologie des drones, à améliorer les capacités techniques de l’État et des ONG partenaires, et à encourager la production de données géolocalisées et leur diffusion ». Ces activités sont dirigées par le DRDM, sous l’égide du bureau ministériel désigné, de la Banque mondiale et de la GFDRR. Elles bénéficient de l’aide de techniciens de la géolocalisation qui jouent un rôle de plus en plus actif dans le pays.
Aujourd’hui, un groupe de travail rassemble toutes les institutions qui s’intéressent aux données de géolocalisation, afin de promouvoir la définition de normes et un libre accès à toutes ces informations. En exploitant les données recueillies par des drones, ces institutions pourront travailler sur un vaste projet de cartographie collaborative, dans le cadre de l’initiative Open Cities Africa (a) de la GFDRR. Les images permettront de repérer les infrastructures et les ressources intéressantes pour les touristes et pour la population seychelloise, dans l’optique de rendre l’archipel plus résilient face au risque climatique.
« Je pense que nous sommes sur la bonne voie. La coordination est assurée, et la volonté est au rendez-vous. Mais des améliorations seront nécessaires à mesure que nous progresserons », estime Paul Labaleine. Et de conclure : « Il est essentiel de prendre des mesures immédiates et innovantes, à commencer par l’introduction de drones, si nous voulons préserver nos côtes, pour les touristes comme pour les Seychellois » .
Ce projet a bénéficié du soutien de l’Initiative de financement des risques de catastrophe en Afrique, une initiative du Groupe des États ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) financée par l’Union européenne et gérée par la Facilité mondiale pour la réduction des risques de catastrophe et le relèvement (GFDRR).
Ce billet est disponible en anglais sur la plateforme Medium.com.
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