Avec un revenu national brut par habitant de 1 420 dollars, Haïti reste le pays le plus pauvre de la région Amérique latine et Caraïbes. En 2021, plus de 50 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (3,20 dollars par jour). À cela s'ajoute une vulnérabilité extrême aux risques naturels comme les ouragans, les inondations et les séismes : ces chocs touchent 96 % de la population du pays. En raison de la déforestation et d’une utilisation non durable des sols, un tiers des terres du pays ont subi une érosion irréversible.
L’épidémie de choléra qui s’est abattue sur Haïti en 2010 a contaminé plus de 820 000 personnes, fait 10 000 morts et mis à mal la stratégie poursuivie par le pays en matière d’eau et d’assainissement. Elle a conduit à l’élaboration du plan national d’élimination du choléra 2013-2022, placé sous l’égide de la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA). Or, en 2017, 45 % de la population haïtienne n’avait toujours pas accès à l’eau potable, tandis que 66 % des habitants du pays pratiquaient encore la défécation à l’air libre (43 % dans les zones rurales). Une amélioration drastique de l’accès à l’assainissement s’imposait pour qu’Haïti puisse éradiquer le choléra et atteindre l’ODD 6. Pour y parvenir, il était indispensable de déployer toute une série d’activités au niveau opérationnel : réparation des systèmes d’adduction d’eau dans les centres de santé, chloration des réseaux d’eau et des puits de pompage privés, livraison d’eau par camion-citerne dans les camps de personnes déplacées, distribution de produits de traitement de l'eau à domicile, installation de stations de potabilisation et de laboratoires de qualité de l’eau, etc.
Les ouragans et tremblements de terre dévastateurs ont encore fragilisé les systèmes d’eau et de l’assainissement en Haïti, une situation aggravée par les problèmes de gouvernance et d’insécurité massive que connaît le pays. Toutes ces difficultés ont une incidence négative directe sur le secteur de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement et concourent à une mauvaise coordination institutionnelle et à la fragmentation de la réglementation. Comme l’a révélé une évaluation menée récemment avec l’appui du Partenariat mondial pour la sécurité hydrique et l’assainissement (GWSP), les législations et politiques nationales dans ce secteur sont incohérentes et mal appliquées, tandis que le cadre global de gestion de l’eau se heurte à des redondances ministérielles et à un manque de stratégie. En outre, les capacités réglementaires sont faibles et le système judiciaire engorgé.
L’évaluation a également mis en évidence l’absence de gestion durable des infrastructures d’eau et d’assainissement. Le pays manque notamment d’infrastructures de production et de distribution d’eau adéquates, et souffre d’un immense déficit d’équipements à la base de la chaîne des services d’assainissement, pour le traitement et l’évacuation des boues de vidange et des eaux usées. Par ailleurs, les difficultés du secteur de l’eau en Haïti sont amplifiées par le changement climatique. Les sécheresses, inondations et autres phénomènes météorologiques extrêmes vont s’intensifier et devenir plus fréquents. Ils entraîneront des risques accrus pour la santé publique en raison des dommages causés aux infrastructures et de la perturbation des services, une diminution probable de la qualité de l’eau et une désorganisation des pratiques agricoles, ce qui accentuera la menace des maladies d’origine hydrique et de l’insécurité alimentaire.
Les activités du GWSP en Haïti
Les principaux objectifs de la Banque mondiale en Haïti visent à renforcer la DINEPA et améliorer la viabilité financière du secteur de l’eau et de l’assainissement. La Banque s'attache également à soutenir la fourniture de services dans les zones rurales, à renforcer l’efficacité des structures déconcentrées et à produire des connaissances et des données qui aident les pouvoirs publics à résoudre les défis de l’assainissement de manière plus systématique. Son Programme pour l’eau et l’assainissement (WSP) a ainsi contribué à accroître l’accès à l’eau potable pour plus de 565 000 habitants dans les zones rurales et les petites villes grâce à la construction, à la réhabilitation et à l’extension des systèmes d’approvisionnement en eau potable. Il a également permis à plus de 31 000 personnes d’avoir accès à des installations sanitaires améliorées. En 2017, en soutien à ces efforts, les fonds du GWSP ont été mobilisés pour renforcer les institutions, la viabilité et le financement des activités du secteur de l’eau, perpétuant ainsi le rôle central de la Banque mondiale en tant que principal partenaire technique et financier du gouvernement haïtien dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en milieu rural. Auparavant, les activités du WSP dans le pays avaient porté sur le développement des capacités, le renforcement des institutions et le soutien à la réforme du secteur de l’eau et de l’assainissement axée sur les zones rurales et les petites villes. Le GWSP a élargi ce soutien dans le cadre du financement pour la consolidation de la réforme du secteur de l’eau et de l’assainissement en Haïti. Ce don visait à renforcer les capacités de planification de la DINEPA et de ses agences aux niveaux régional et local à travers une approche de gestion intégrée des ressources hydriques en milieu urbain ; assurer des services d’eau et d’assainissement efficaces dans les zones urbaines et rurales ; intégrer les enjeux d’une croissance verte et inclusive dans les solutions d'approvisionnement en eau et d'assainissement ; et diffuser les connaissances disponibles aux niveaux régional et mondial.
Le GWSP a également fourni un appui supplémentaire avec un financement axé sur les opérations de suivi et visant à renforcer la capacité des compagnies d'eau haïtiennes à suivre les progrès du secteur, promouvoir des solutions d’assainissement innovantes, développer les connaissances et favoriser la participation du secteur privé pour la fourniture des services dans les petites villes.
La Banque mondiale, avec l’appui financier et consultatif apporté par le GWSP à la DINEPA et à ses filiales, a permis aux responsables du secteur de limiter les dégâts et de maintenir globalement le statu quo au cours des cinq années d'activité du Partenariat dans le pays. En outre, les services d’assistance technique et de conseil en cours financés par le GWSP aideront à renforcer les institutions, à produire des connaissances et à développer des outils de suivi. Alors que le spectre du retour du choléra plane sur Haïti, les contributions urgentes de la Banque mondiale, du GWSP et d’autres partenaires de développement seront indispensables pour faire en sorte que les pays gardent le cap vers l’ODD 6.
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