L’économie tchadienne a bien résisté à la guerre au Soudan voisin, bien qu’il y ait eu des retombées sur le commerce, les dépenses publiques et l’inflation.
Figure 1 : La croissance du PIB en 2023 a été soutenue par les secteurs pétrolier et non pétrolier
La croissance du PIB en 2023 est estimée à 4,1 % (1 % par habitant). Elle est soutenue par la production pétrolière, dont la croissance est estimée à 4,4 %. Celle du PIB non pétrolier est évaluée à 4,1 % (contre 2 % en 2022), tiré par l’investissement public. Après s’être remis des inondations de 2022, le secteur agricole devrait contribuer à la croissance à hauteur de 1,6 point de pourcentage, suivi par les secteurs des services et de l’industrie. Du côté de la demande, l’investissement, essentiellement public, constitue le principal moteur de la croissance avec une contribution de 7 points de pourcentage. En revanche, on estime que l’investissement privé a chuté en raison de la hausse des taux d’intérêt et des effets d’éviction. Le boom de l’investissement public a entraîné une forte augmentation des importations, entraînant un déficit de la balance courante de 2,4 % du PIB en 2023. L’inflation a reculé à 4,1 % en 2023, en raison de l’effet de base de la forte inflation enregistrée en 2022 (5,8%) et du ralentissement de l’inflation alimentaire résultant de l’amélioration de la production agricole.
Le Tchad a enregistré un excédent budgétaire de 1,3 % du PIB en 2023 (le déficit budgétaire hors pétrole s'est élevé à 15,8 %), en baisse par rapport à l’excédent de 5 % du PIB de 2022, en raison de la hausse de l’investissement public. L’excédent budgétaire a diminué, malgré une forte croissance des recettes fiscales estimée à 14,4 % soutenue par des mesures de numérisation de l’administration fiscale, reflétant une forte augmentation de l’investissement public. La dette publique totale est estimée avoir baissé à 44,8 % du PIB en 2023, contre 47,4 % en 2022.
Le taux d’extrême pauvreté (mesuré au seuil international de 2,15 dollars par personne et par jour, en PPA de 2017) aurait diminué de 1,1 point de pourcentage pour s’établir à 29,7 % en 2023. Cependant, 5,4 millions de personnes continuent de vivre dans l’extrême pauvreté. En outre, l’insécurité alimentaire reste un problème important malgré la baisse de l’inflation alimentaire, avec environ 2,1 millions de personnes, soit 11,5 % de la population, confrontées à une insécurité alimentaire grave en décembre 2023 (dont 40 % dans les provinces de l’Est et du Sud, touchées par la crise au Soudan). La hausse des prix des carburants, les chocs climatiques et les déplacements forcés entraînés par la guerre au Soudan devraient aggraver l’insécurité alimentaire et la pauvreté.
L’afflux de réfugiés au Tchad a considérablement aggravé les vulnérabilités existantes. Au cours des 20 dernières années, le Tchad a connu un afflux continu de réfugiés en raison des conflits en cours, avec une escalade récente en 2023 à la suite de la crise soudanaise. Le Tchad accueille actuellement 1,1 million de réfugiés, principalement des Soudanais. Cette situation met à rude épreuve les ressources limitées du pays, en particulier dans les provinces de l’Est et du Sud, entraînant une augmentation de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire et une pression accrue sur les services de base. Les réfugiés comme les communautés d’accueil sont touchés, et environ 80 % d’entre eux ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins essentiels (Figure 2).
Figure 2 : Population de réfugiés, pauvreté au Tchad
L’inclusion économique des réfugiés au Tchad implique de les reconnaître en tant qu’acteurs économiques, de leur redonner leurs capacités productives et de leur permettre de contribuer à l’économie locale. La récente loi d’asile soutient l’intégration des réfugiés en leur accordant des droits à la propriété foncière, à l’emploi formel et à la libre circulation. Cependant, l’éloignement des grands camps et les limites inhérentes à ces zones entravent leur intégration économique. L’investissement dans le capital humain, les infrastructures et le développement du secteur primaire peut améliorer l’intégration, mais l’aide doit être transférable pour encourager la mobilité et l’adéquation efficace des compétences des réfugiés avec les besoins locaux.
Il est essentiel de comprendre les dynamiques entre les réfugiés et les communautés d’accueil pour favoriser l’inclusion socioéconomique en tirant parti des identités culturelles communes et des avantages mutuels. Les réfugiés et les communautés d’accueil partagent des langues et des traditions communes, ce qui facilite l’intégration sociale. Cependant, les deux groupes sont confrontés à des défis, notamment la rareté des terres et l’insuffisance des ressources productives. Les femmes, à la tête d’une grande partie des ménages, tant dans les communautés de réfugiés que dans les communautés d’accueil, sont confrontées à des normes de genre restrictives qui limitent leur contrôle sur les ressources productives, leur pouvoir de décision et leurs droits de succession, ce qui contribue à perpétuer les inégalités économiques et sociales.
Les fonds des bailleurs consacrés à l'aide aux réfugiés restent insuffisants et se concentrent sur les besoins humanitaires immédiats plutôt que sur le développement intégré des moyens de subsistance. Sur les 455 millions de dollars nécessaires pour répondre à l'afflux de réfugiés en 2023, seuls 151 millions de dollars ont été mobilisés. La plupart des initiatives de soutien s’adressent soit aux réfugiés, soit aux communautés d’accueil. Seuls quelques programmes ciblent conjointement ces deux groupes, favorisant des activités communes et des opportunités économiques. Ces programmes restent insuffisants pour répondre à l’ensemble des besoins et promouvoir des moyens de subsistance durables.
Pour renforcer l’inclusion économique et la cohésion sociale, les politiques mises en œuvre doivent intégrer les réfugiés et les communautés d’accueil, en facilitant la mobilité et l’accès à des services de qualité. À court terme, les politiques devraient se concentrer sur l’accroissement des opportunités économiques, la délivrance de cartes d’identité officielles aux réfugiés et le renforcement du registre social afin de permettre la coordination de l'aide. Un financement continu de la part des bailleurs de fonds est également essentiel pour soutenir l’inclusion des réfugiés dans les systèmes nationaux. À moyen terme, les filets nationaux de protection sociale devraient être élargis pour inclure les deux groupes, en mettant l’accent sur les besoins des femmes. Ces mesures devraient permettre de réduire la pauvreté et de renforcer l’autonomie des réfugiés et des communautés d’accueil, tout en allégeant la pression financière sur le gouvernement et les bailleurs de fonds.
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