Comment le Tchad pourrait-il améliorer sa résistance aux inondations ?

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La croissance du PIB du Tchad a été modeste en raison de l'impact des inondations et d'un environnement sécuritaire instable, ce qui a entravé la reprise attendue. Après une contraction de 1,2 % en 2021 (équivalant à une contraction de 4,3 % par habitant), l'économie tchadienne devrait rebondir en 2022 en raison des prix mondiaux élevés du pétrole et de l'augmentation de la production pétrolière. La dépréciation du franc CFA par rapport au dollar américain devait également contribuer à la reprise. Toutefois, la reprise a été atténuée par les inondations et l'instabilité sécuritaire, ce qui s'est traduit par un taux de croissance du PIB estimé à 2,2 % (taux de croissance par habitant de -0,9). Le taux de croissance du PIB non pétrolier est passé de 0,4 % en 2021 à 1,3 % en 2022.

Figure 1.  Le PIB a augmenté en 2022 en raison de l'importance des recettes pétrolières

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Figure 1.  Le PIB a augmenté en 2022 en raison de l'importance des recettes pétrolières
Source : Autorités tchadiennes et estimations des services de la Banque mondiale .

Le principal moteur de la croissance a été le secteur industriel, principalement le pétrole, qui a contribué à hauteur de 4,1 points de pourcentage, suivi par l'agriculture avec une contribution de 0,6 point de pourcentage en raison d'une distribution inadéquate des précipitations et de graves inondations. 

Le Tchad a connu des inondations pluviales et fluviales sans précédent en 2022, touchant 1,3 million de personnes (7,3 % de la population) dans 19 des 23 provinces.  Ces inondations ont causé de graves dommages et ont mis en évidence le niveau élevé de ce risque dans le pays. Entre-temps, la sécurité intérieure et la situation politique sont restées tendues, et l'achèvement du dialogue national en octobre 2022 a marqué le début d'une deuxième phase de transition.

Les recettes élevées du secteur pétrolier ont entraîné un excédent budgétaire de 4,5 % du PIB en 2022, tandis que le déficit budgétaire non pétrolier s'élevait à 7,4 %. Cette tendance positive est due à l'importance des recettes pétrolières en 2021, étant donné qu'il y a un décalage d'un an dans la collecte des impôts, et à la baisse des dépenses d'investissement en 2022 (de 17,7 %). Le secteur pétrolier a enregistré de bons résultats en 2022, représentant 62,2 % des recettes totales, y compris les dons, et 86 % de la valeur des exportations. À la fin de l'année 2022, la dette publique totale aurait été ramenée à 49,6 % du PIB. Bien que le cadre commun du G20 pour la restructuration de la dette du Tchad ait été mené à bien, le ratio service de la dette/recettes devrait s'établir en moyenne à 17 % en 2022-23, avant de redescendre progressivement en dessous de 14 % à partir de 2024.

La forte inflation alimentaire au Tchad a entraîné une augmentation de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales.  Le taux de pauvreté mesuré au seuil international d'extrême pauvreté de 2,15 $/jour (par habitant, PPA 2017) aurait augmenté de 2,4 points de pourcentage entre 2021 et 2022. En 2022, l'incidence de la pauvreté a atteint 38,7 %, ce qui implique que le nombre de personnes extrêmement pauvres a augmenté de plus de 600 000 personnes pour atteindre 6,8 millions. L'extrême pauvreté au Tchad est principalement concentrée dans les zones rurales, où 47,4 % de la population est extrêmement pauvre, ce qui met en évidence d'importantes disparités régionales. Avec un taux de 12,2 % en 2022, contre 5,1 % en 2021, l'inflation alimentaire a joué un rôle important dans l'aggravation de la pauvreté. 

Le Tchad, qui fait partie de la région du Sahel1, se classe parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique tout en ayant l'un des taux de pauvreté les plus élevés.  

Figure 2. Le Tchad pourrait perdre entre 4,2 et 10,5 % de son PIB d'ici 2050

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Figure 2.  Le Tchad pourrait perdre entre 4,2 et 10,5 % de son PIB d'ici 2050
Source : G5 Sahel CCDR.

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les températures au Sahel augmenteront d'au moins 2°C entre 2021 et 2040, tandis que les précipitations deviendront plus irrégulières. En l’absence d’investissements urgents dans l'adaptation au climat, les pays du Sahel pourraient connaître une réduction de 7 à 12 % de leur PIB annuel d'ici 2050, ce qui conduirait 13,5 millions de personnes supplémentaires en situation de pauvreté. Le PIB annuel du Tchad pourrait être réduit de 10,5 % d'ici 2050, ce qui aggraverait la pauvreté, en particulier dans les zones rurales et les communautés frontalières vulnérables. 

Une urbanisation rapide et non planifiée, la dégradation de l'environnement et le changement climatique amplifient les risques d'inondation au Tchad.  Les centres urbains tels que N'Djamena sont particulièrement exposés aux risques d'inondation des zones bâties avec 14 et 74 % d’exposition à des inondations, avec des périodes de retour respectivement de 1 sur 10 et 1 sur 100 ans. L'insuffisance des infrastructures de drainage des eaux pluviales et de gestion des inondations, souvent obstruées par une mauvaise évacuation des déchets, augmente la probabilité et l'impact des crues soudaines. L'expansion incontrôlée des agglomérations et les pratiques de construction non conformes aux normes contribuent à accroître les risques d'inondation dans les zones urbaines. Le changement climatique entraînant des précipitations plus fréquentes et plus intenses, la capacité des centres urbains à tirer parti de l'urbanisation devient limitée. Pour atténuer l'escalade des risques d'inondation liés à la croissance urbaine, il est essentiel de bien planifier l'urbanisation.

Figure 3. Trois dynamiques principales à l'origine des risques d'inondation au Tchad

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Figure 3. Trois dynamiques principales à l'origine des risques d'inondation au Tchad
Source : Banque mondiale, adapté du GIEC (2012).

Les récentes inondations au Tchad ont été meurtrières, déplaçant les populations et infligeant de graves dommages aux biens et aux infrastructures. 

Des réformes politiques ciblées pourraient renforcer la capacité du Tchad à s'adapter et à réduire l’impact des inondations. Cela passe par la mise en œuvre de réformes qui ciblent les trois principaux facteurs d'inondation. Premièrement, des mesures visant à réduire la vulnérabilité et à accroître la résilience des populations et des biens face aux inondations sont nécessaires pour atténuer les conséquences économiques, tout en favorisant les villes les plus productives. Deuxièmement, la lutte contre la dégradation de l'environnement et la réduction de ses effets contribueront à atténuer les effets cumulés des facteurs de risque. Enfin, le renforcement de la préparation aux situations d'urgence et de la capacité de réaction seront essentiels pour réduire les effets néfastes et les perturbations causés par les inondations.

 

1 Les pays du Sahel comprennent le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger.


Auteurs

Aboudrahyme Savadogo

Economist, World Bank. Poverty and Equity Global Practice

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