La RDC est en mesure de surmonter sa fragilité et de devenir le champion africain des solutions climatiques

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À la fin du mois, la société civile, les gouvernements, les organisations internationales et les acteurs du secteur privé se réuniront à Dubaï pour la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (la COP28). L’objectif ? Redresser la barre et faire en sorte que l’on puisse encore espérer contenir la hausse des températures à 1,5° C au-dessus de la moyenne préindustrielle, conformément à l'accord de Paris. Cet évènement peut donc être un tournant décisif, pour que le monde s'unisse autour d'une action climatique concrète et apporte des solutions réalistes. La République démocratique du Congo (RDC) est l'un des nombreux pays qui y participera, et l'un des rares à pouvoir changer la donne.

La RDC est le pays des solutions climatiques, avec ses énormes réserves de minéraux verts, ses forêts vierges et sa grande capacité hydroélectrique. Cependant, comme le souligne le nouveau Rapport sur le climat et le développement (CCDR) de la RDC, plusieurs conditions doivent être réunies pour tirer parti de ces atouts : un engagement politique constant, une gouvernance multi-niveaux cohérente, des cadres institutionnels clairs, des lois, des politiques et des stratégies solides, une supervision et un financement bien gérés, ainsi qu'une gestion efficace des données.

L'histoire de la RDC, marquée par les conflits et l'instabilité politique, a longtemps freiné la croissance économique, sapé les capacités de l'État, enraciné la corruption et empêché la fourniture de services de base à la population. Avec ses 2,3 millions de km2, la RDC est le plus grand pays d'Afrique subsaharienne, mais c’est aussi l'un des plus pauvres du monde. Sa population est estimée à 95,3 millions d'habitants et son taux de pauvreté à 62,3 %, ce qui classait le pays au 178e rang sur 182 en 2020 selon l'indice mondial d'adaptation Notre-Dame. C'est, de loin, la caractéristique de la RDC dont on parle le plus. Pourtant, le pays est prêt à sortir son épingle du jeu et à jouer un rôle de premier plan sur la scène climatique mondiale. Cette ambition stratégique est fortement soutenue par son président, qui a déclaré il y a quelques années : « Avec ses forêts, son eau et ses ressources minérales, la République démocratique du Congo est un véritable "pays-solution" à la crise climatique ». Elle est aussi inscrite dans le plan de développement stratégique national 2030 qui fixe la voie à suivre pour que la RDC atteigne le statut de pays à revenu intermédiaire d'ici 2035.

Pour réaliser ses objectifs ambitieux, le pays doit poursuivre sa transformation structurelle et diversifier son économie afin de favoriser le développement durable de manière inclusive, tout en réduisant la pauvreté et en s'attaquant aux disparités régionales. La RDC détient près de la moitié des réserves minérales mondiales, avec plus d'un millier de substances différentes, dont 20 minerais stratégiques. Cinquième producteur de cuivre de la planète, elle assure aussi plus de 70 % de la production mondiale de cobalt. Forte d'une croissance moyenne de 5,6 % sur la période 2002-2021, l'économie de la RDC est l'une des plus dynamiques de l'Afrique subsaharienne. Le potentiel hydroélectrique du pays pourrait couvrir la consommation énergétique actuelle de l'ensemble du continent africain (à l'exclusion de l’Afrique du Sud). Toutefois, les avantages de cette richesse naturelle ne profitent pas au plus grand nombre et ne permettent pas de renforcer le capital humain de la RDC ni de favoriser une économie diversifiée. Tout en apportant des solutions durables aux problèmes climatiques mondiaux, la RDC doit également poursuivre ses objectifs de développement et faire face à des risques climatiques considérables. L'amélioration du fonctionnement des institutions, le renforcement des capacités et une meilleure gouvernance sont des conditions préalables importantes pour l'action climatique, et elles aideront la RDC à devenir le champion africain des solutions climatiques.

Selon le CCDR 2023 de la RDC qui sera présenté à la COP28, les chocs liés au climat, en particulier les inondations et les sécheresses, devraient augmenter à la fois en fréquence et en intensité, et les pauvres en subiront plus fortement les conséquences. Des dommages plus importants aux infrastructures et les problèmes de connectivité liés au changement climatique devraient aggraver la fragilité, les conflits et la violence en intensifiant la concurrence pour la nourriture et les emplois, en augmentant les migrations internes, en réduisant les perspectives économiques et la cohésion sociale, et en mettant à rude épreuve les institutions publiques et la confiance dans l'État. Les effets du changement climatique sur la pauvreté et l'accumulation du capital humain peuvent se renforcer mutuellement et aggraver encore la pauvreté. Les objectifs de développement de la RDC seront plus difficiles à atteindre dans le contexte d'un climat changeant, qui peut réduire à néant les progrès durement acquis en matière de capital humain. Les épidémies d’Ebola, le paludisme, le choléra et d'autres maladies diarrhéiques et à transmission vectorielle devraient augmenter à mesure que les inondations et les sécheresses empirent et affectent la productivité du travail. Les pauvres des zones rurales et urbaines, les femmes et les enfants, les populations autochtones et les personnes handicapées sont tous plus vulnérables que le reste de la population.

 

Le CCDR constate également que, selon différents scénarios de développement, l'absence d'adaptation au changement climatique pourrait entraîner une perte allant jusqu’à 13 % du PIB.  Le développement économique et la croissance de la RDC contribueront à renforcer sa résilience globale, mais cela ne suffira pas. Si le pays conserve sa trajectoire de croissance actuelle, d'ici 2050, le changement climatique pourrait entraîner des pertes de PIB comprises entre 4,7 et 12,9 %. Cependant, des mesures d'adaptation spécifiques pourraient réduire de près de moitié les dommages économiques causés par le climat

 

Dans cette optique, le CCDR cible quatre domaines d'action urgents :

  1. Soutenir la vision de la RDC en tant que « pays-solution » pour le climat grâce à l'exploitation minière climato-intelligente, au développement de l'hydroélectricité, à la préservation des forêts et à la gestion intégrée des paysages.

  2. Accroître la productivité agricole et la sécurité alimentaire grâce à une agriculture climato-intelligente, et soutenir des modes d’irrigation pilotés par les agriculteurs.

  3. Développer des villes et des transports résilients face au changement climatique, renforcer l'accès au numérique et améliorer l'accès aux services de base.

  4. Améliorer la gouvernance et stimuler le capital humain en réduisant la pauvreté, en augmentant l'inclusion sociale et en renforçant la sécurité.

     

La mise en œuvre de cette vision de solutions climatiques et de ses stratégies d'adaptation connexes nécessitera un financement considérable. Les investissements publics initiaux nécessaires pour compenser partiellement les risques liés au changement climatique sont estimés à environ 10,9 milliards de dollars d'ici 2050. Compte tenu des capacités financières limitées de la RDC, il est essentiel d'impliquer le secteur privé et de trouver d'autres sources de financement. La RDC pourrait chercher à obtenir des paiements internationaux pour ses services écosystémiques mondiaux, en tirant parti de divers flux publics et privés de financement de la lutte contre le changement climatique. La crédibilité d'un fonds destiné à collecter des paiements sous forme de dons pour les services écosystémiques dépendra de la gouvernance de la RDC et de la volonté de cette dernière d'accéder à des mécanismes financiers innovants.

Les éléments essentiels du programme d'action pour le climat de la RDC ont été clairement définis, mais le pays doit désormais se concentrer davantage sur la concrétisation opérationnelle de l'action climatique et sur la résolution des problèmes de gouvernance. Pour cela, la RDC a besoin d'un large éventail d'investissements et de politiques pour renforcer sa résilience et, compte tenu de ses contraintes budgétaires et de ses faibles capacités institutionnelles, elle doit également hiérarchiser les réformes. En favorisant des infrastructures de meilleure qualité et une plus grande diversification, le développement économique est en soi une forme puissante d'adaptation. Ainsi, il est tout à fait possible pour le géant africain de surmonter sa fragilité et de suivre une voie de développement durable et englobant toute l'économie, qui profitera à sa population, à la région et au monde entier.


Auteurs

Ana Bucher

Senior Climate Change Specialist

Sandra El Saghir

Senior Economist, World Bank

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