L’éducation pour tous dans une Afrique en plein essor

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ImageExceptionnelle, la croissance économique du continent africain suscite pourtant des inquiétudes quant au partage de ses fruits. La croissance ne peut pas tout. Avec des inégalités tenaces et sans mobilité sociale, les enfants ne naissent pas égaux.

La région a obtenu de véritables progrès en termes de scolarisation : selon l’UNESCO, le taux net ajusté de scolarisation en primaire est passé de 59 % en 1999 à 79 % en 2012. L’éducation devient donc plus inclusive. Mais tous les enfants africains n’ont pas les mêmes atouts en main.

On peut mesurer les progrès de l’égalité des chances scolaires en examinant l’évolution de la mobilité intergénérationnelle dans l’éducation : les enfants ont-ils une mobilité supérieure à celle de leurs parents sur « l’échelle » des études ? Le rapport Poverty in a Rising Africa se penche sur l’évolution de la transmission intergénérationnelle de l’éducation sur une période de 50 ans. Pour cela, il s’appuie sur deux indicateurs souvent utilisés pour apprécier cette mobilité : le gradient intergénérationnel et le coefficient de corrélation entre les années d’études des parents et des enfants. Le premier est un simple coefficient de régression de l’éducation des parents pour prédire le niveau d’éducation des enfants. Il mesure le phénomène de persistance d’une génération à l’autre. Plus sa valeur est faible, plus la mobilité intergénérationnelle est forte. Le second indicateur permet d’apprécier la part de la variabilité de l’éducation des enfants déterminée par l’éducation des parents : là encore, plus la valeur est faible, plus la mobilité intergénérationnelle est forte.

Aux Comores, au Ghana, en Guinée, à Madagascar, au Malawi, au Nigéria, en Ouganda, en République démocratique du Congo (RDC), au Rwanda et en Tanzanie (pays pour lesquels nous disposons de données collectées au cours de la même enquête sur la scolarité des parents et des enfants, que les parents soient vivants ou morts ou qu’ils résident ou non dans le même foyer), le gradient intergénérationnel diminue fortement sur la période (ligne rouge dans la figure 1) : plus les enfants sont jeunes, moins leur scolarité est donc influencée par celle de leurs parents.

Et c’est une excellente nouvelle, car cela prouve que l’élargissement récent de l’offre d’éducation dans la région est en train de combler l’écart d’instruction entre, disons, un enfant d’avocat et un enfant de paysan. Mais le coefficient de corrélation entre les années d’études des parents et de leurs enfants adultes est en hausse, à l’exception des cohortes les plus récentes, ce qui témoigne d’une persistance intergénérationnelle supérieure : les enfants de parents ayant eu une bonne instruction ont donc davantage accès à l’éducation.

Nous voilà donc avec deux mesures de la mobilité dans l’éducation et deux résultats contradictoires. Comment l’expliquer ? Ces deux mesures sont liées : le gradient intergénérationnel découle du coefficient de corrélation et du rapport des écarts types de l’éducation des parents et des enfants. La figure 1 illustre l’évolution du rapport des écarts types des années d’études des deux générations. Au fil des années, ce rapport augmente, parfois même fortement dans certains pays. L’une des interprétations plausibles est à rechercher dans le développement global de l’accès à l’éducation en Afrique. La suppression des frais de scolarité et l’enseignement universel ouvrent des perspectives éducatives telles que l’achèvement du primaire n’est plus une performance réservée aux seuls enfants de l’élite.

Reste à savoir où la mobilité s’améliore. Là encore, tout dépend de l’indicateur examiné. Au Nigéria, en Guinée, au Ghana et en Ouganda, la mobilité intergénérationnelle entre la première et la dernière cohorte mesurée par le gradient (la ligne rouge sur la figure 1) s’est nettement améliorée. À l’inverse, elle a moins évolué en RDC et au Rwanda, même si l’on observe quelques signes d’une mobilité accrue parmi les cohortes les plus jeunes.

Figure 1 : La mobilité dans l’éducation augmente dans les cohortes les plus jeunes
 

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Note : pour les pays hors échantillon, données tirées de Hertz et al, 200


Peut-on parler de « forte » mobilité ? Tout est relatif. Au vu des données des dix pays de notre échantillon et des estimations concernant les autres pays, tirées de Hertz et al (2007), l’Afrique affiche une mobilité éducative intergénérationnelle supérieure à celle de l’Amérique latine. Mais elle est moindre que la mobilité observée en Europe et aux États-Unis et dans les pays de l’ancien bloc de l’Est (figure 2). L’Afrique doit donc promouvoir davantage les politiques d’égalité des chances à l’école et, ce faisant, favoriser la mobilité sociale. Si elle veut offrir un avenir radieux à ses enfants, elle doit faire en sorte que le mérite l’emporte sur le milieu familial.

Figure 2 : Une persistance éducative intergénérationnelle forte en Afrique mais dans des proportions moindres qu’en Amérique latine
 

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Note : les lignes symbolisent le coefficient de corrélation. Pour les pays hors échantillon, données tirées de Hertz et al, 200


 Ce billet s’inscrit dans le cadre d’une série de posts consacrés aux conclusions du rapport de la Banque mondiale intitulé « Poverty in Rising Africa ». Le prochain billet, à paraître le 22 février, analysera le handicap lié au développement des ressources humaines. Voir les billets précédents :


Auteurs

Eleni Abraham Yitbarek

hD research fellow at UNU-MERIT/Maastricht Graduate School of Governance

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