Pour soutenir la croissance africaine au cours des prochaines décennies, une nouvelle forme de gestion économique est indispensable. Au-delà du produit intérieur brut (PIB), celle-ci devra prendre en compte les richesses sous-jacentes des pays et leur contribution à une prospérité durable.
Le rapport de la Banque mondiale sur l’Évolution des richesses des nations mesure la composition du patrimoine des pays en fonction de leur capital humain, physique et naturel. Selon l'édition 2021 du rapport, l’Afrique subsaharienne est l'une des régions où la proportion de richesses naturelles par rapport au capital total est la plus élevée au monde, avec près de 20 %.
Par conséquent, les pays africains doivent veiller tout particulièrement à la gestion de leurs ressources naturelles. En effet, celles-ci peuvent tout autant constituer un moteur de transformation économique qu'alimenter une croissance fragile.
Les ressources du sous-sol telles que le pétrole, le gaz ou les minerais posent aux responsables publics un défi singulier. Comme elles sont par nature épuisables, la croissance tirée de leur exploitation n'est par définition pas durable, à moins que l'on utilise les recettes issues des industries extractives non pas pour accroître la consommation mais pour créer de la richesse dans d'autres secteurs de l'économie.
En d'autres termes, la gestion des ressources ne consiste pas seulement à maximiser les investissements visant à procurer des recettes à l'État, mais aussi à réinvestir ces revenus dans le développement d'une main-d'œuvre productive et en bonne santé, dans la construction d'infrastructures et de villes également productives, et dans la valorisation d'autres biens naturels, comme les terres cultivables, les forêts et les ressources halieutiques.
Le rapport sur l’Évolution des richesses des nations 2021 mesure l'évolution de ces richesses. Alors qu’en est-il des pays africains riches en ressources naturelles ?
Le bilan n'est pas positif.
Les cours du pétrole sont passés d'environ 36 dollars en 2003 à 61 dollars en 2005, marquant le début de plus de dix ans de prix élevés et l’entrée dans un « super-cycle » des matières premières. Pour les pays d'Afrique subsaharienne, dont la plupart possèdent en abondance pétrole, gaz, minerais et autres ressources naturelles, cette manne historique en termes d'investissements et de recettes s'est traduite par une augmentation sans précédent du PIB. Cependant en 2014, les cours du pétrole ont entamé une baisse, et la croissance économique s'est affaissée.
De même, après une décennie d’expansion, la progression de la richesse par habitant a fortement baissé.
Les ressources naturelles, moteur d'une transformation économique ?
Si de nombreux pays riches en ressources, comme l'Australie, le Chili ou les États-Unis, sont devenus des économies prospères et diversifiées, d'autres ont dû faire face à d'âpres difficultés. Les économistes désignent ce phénomène sous le nom de « paradoxe de l'abondance », parfois qualifié aussi de « malédiction des ressources ».
La période 2004-2014 a été l'occasion de vérifier l'existence de ce paradoxe. La hausse des cours des matières premières a entraîné une montée en flèche des exportations, des recettes publiques et de la valeur du capital naturel.
De ce boom, il ne reste malheureusement qu'une occasion manquée. Certains des pays qui ont enregistré la plus forte expansion ont également subi la plus forte chute par la suite. En outre, ils n'ont pas su se protéger contre les fluctuations du cours des matières premières en diversifiant leur économie et leur portefeuille d'actifs.
Cette évolution se reflète clairement dans les données de l’Évolution des richesses des nations. Pour 26 pays au total, dont 11 en Afrique subsaharienne, la richesse par habitant a diminué entre 1995 et 2018. Les pertes ne se sont pas limitées aux ressources du sous-sol, comme le pétrole ou les minerais : certains pays ont également vu diminuer la valeur de leur capital naturel renouvelable, notamment à cause de la déforestation et de la surpêche.
Du fait de la baisse de la richesse par habitant, les générations à venir risquent de connaître une situation matérielle dégradée par rapport à celle des générations actuelles. Autrement dit, cette voie de développement n'est pas économiquement viable.
Cette édition du rapport constate en outre une accentuation de la concentration économique dans les pays riches en ressources, pendant la période d'affluence. Celle-ci s'est accompagnée d'une baisse de l'accumulation de capital humain, en particulier chez les femmes, et d'une augmentation relative de l'emploi dans le secteur public.
À l'heure où les cours des matières premières recommencent à augmenter, il convient de tirer les leçons des erreurs commises lors du dernier cycle en dents de scie.
Les richesses naturelles peuvent de nouveau être source de recettes, d'investissements et d'emplois. Cependant, la façon dont les pays réinvestiront les bénéfices produits par leurs richesses naturelles déterminera l'héritage de cette décennie. Investir dans le capital humain, et non seulement dans d'autres actifs, peut améliorer la résilience et la diversité de leurs économies.
Comme de nombreux pays d'Afrique subsaharienne affichent un retard sur le plan de la richesse par habitant, ils leur faut accumuler des actifs bien plus rapidement que pour d'autres parties du monde. Les pays à l'économie florissante, qui se caractérisent par les plus hauts niveaux de richesse par habitant, sont également ceux qui disposent de la plus forte concentration en capital humain.
Le rapport sur l’Évolution des richesses des nations 2021, et la base de données et les outils qui l’accompagnent, sont disponibles ici : www.worldbank.org/cwon
Prenez part au débat