L'insécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest se trouve à un tournant critique, avec plus de 34,4 millions de personnes confrontées à une grave crise alimentaire. L'agriculture et l'élevage, qui contribuent à 40 % du PIB de la région, sont menacés par trois chocs majeurs. Tout d’abord, la montée des conflits et de l'insécurité a entraîné le déplacement de plus de 12 millions de personnes, mettant à rude épreuve les systèmes alimentaires d'urgence. De surcroît, les moyens de subsistance sont paralysés par des perturbations économiques telles qu'une inflation élevée (pouvant atteindre 50 %), les barrières commerciales et la hausse du coût des intrants agricoles. Enfin, les phénomènes météorologiques extrêmes ont des effets dévastateurs, avec des précipitations irrégulières et des sécheresses touchant 80 % de la population vivant dans des zones arides ou semi-arides.
En réponse, le Programme de résilience du système alimentaire en Afrique de l’Ouest (PRSA) se distingue comme une initiative transformatrice. Soutenu conjointement par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) et le Conseil de l'Ouest et du Centre pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), aux côtés des pays participants, le PRSA vise à renforcer la résilience du système alimentaire à travers trois actions principales : 1) utiliser les outils numériques pour prévenir les crises alimentaires ; 2) promouvoir des modes de gestion de l'agriculture et des ressources qui soient durables et respectueuses de l'environnement ; et 3) améliorer l'intégration commerciale régionale pour élargir le marché des produits agricoles.
Aligné sur la Politique agricole commune de la CEDEAO (ECOWAP), l'Initiative de la Grande muraille verte de la Banque mondiale et le Programme Next Generation Africa Climate Business (ACBP), le PRSA cible plus de 5 millions de bénéficiaires, dont 40 % de femmes.
Souplesse dans les ripostes aux crises
Le PRSA offre également la souplesse nécessaire pour faire face aux crises immédiates. Grâce à sa composante d'intervention d'urgence conditionnelle (CERC), les pays peuvent rapidement réaffecter des fonds pour des situations d'urgence telles que la sécheresse ou les inondations. Le Togo, le Ghana et la Sierra Leone ont déjà activé ce guichet. En outre, les pays bénéficient également de la distribution d'intrants tels que les semences améliorées ou les engrais. Cependant, trouver un équilibre entre la riposte à court terme et la planification de la résilience à long terme reste un défi majeur.
La vision du PRSA
Le PRSA pour l'Afrique de l'Ouest s'attaque aux risques systémiques tels que la perte de productivité liée aux phénomènes météorologiques défavorables, la faiblesse des systèmes commerciaux et la dégradation de l'environnement grâce à des réformes structurelles alignées sur les plans nationaux pour la sécurité alimentaire et l'agriculture.
Utilisant une approche programmatique à phases multiples (MPA) qui permet aux pays de structurer des engagements complexes et de grande envergure sous la forme d'un ensemble d'opérations de plus petite envergure liées les unes aux autres, le PRSA garantira une mise en œuvre progressive et un alignement régional. La première phase du programme concerne le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Togo. La deuxième phase, le Ghana, la Sierra Leone et le Tchad. Le troisième aspect concerne le Sénégal, qui pourrait se développer à l'avenir.
Aperçu des succès obtenus : principaux résultats
Dans les zones arides ou semi-arides, les agriculteurs étaient confrontés au quotidien à l'incertitude d'une météo imprévisible, entraînant souvent un désastre pour leurs cultures. Avec l'installation de 16 stations hydrométéorologiques dans le cadre du CILSS, qui fournissent des mises à jour météorologiques en temps réel et des alertes précoces, les agriculteurs peuvent prendre des décisions éclairées sur les plantations, les récoltes et la gestion de l'eau.
Lors de la récente exposition sur les marchés des technologies et innovations agricoles (MITA) organisée par le CORAF, plus de 272 outils et technologies ont été présentés. Ces outils ont été conçus pour relever les défis réels auxquels sont confrontés les petits exploitants agricoles. Ainsi, 58 technologies ont déjà été adoptées par les pays participant au PRSA, offrant des solutions concrètes pour une agriculture durable et intelligente face au climat.
L'intégration commerciale régionale a également ouvert de nouvelles possibilités. Une feuille de route régionale sur le riz, élaborée sous la direction de la CEDEAO, aide les pays ouest-africains à réduire leur dépendance à l'égard des importations de riz. Les barrières commerciales qui ralentissaient autrefois la circulation des denrées alimentaires aux frontières sont remplacées par des mesures sanitaires et phytosanitaires harmonisées. Pour un agriculteur togolais, cela signifie que ses excédents de riz peuvent désormais atteindre plus facilement les marchés du Niger ou du Mali, ce qui garantit des prix équitables et réduit le gaspillage alimentaire.
Au niveau national, le programme a permis des progrès significatifs dans la restauration des paysages dégradés et la promotion de pratiques agricoles durables. Plus de 100 000 hectares de terres font l'objet d'une gestion durable des paysages (GDT) au Togo, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et en Sierra Leone. Plus de 880 000 producteurs ont adopté des technologies agricoles climato-intelligentes, qui favorisent une productivité durable dans les pays de la phase 1.
Témoignages d'impact : Donner aux communautés les moyens d'agir
En l'Afrique de l'Ouest, le PRSA ne se contente pas de transformer l'agriculture, il transforme des vies et aide les communautés à prendre en main leur avenir alimentaire et à ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et de résilience.
- Stimuler la production de riz grâce à la technologie Smart Valleys : Pour réduire la dépendance à l'égard des importations de riz, le PRSA s'est associé à l'Association togolaise du commerce du riz pour mettre en œuvre la technologie Smart Valleys à l'échelle nationale. Ce système de gestion des plaines retient l'eau de pluie et empêche les pertes d'engrais dues aux inondations, augmentant considérablement les rendements.
- Restaurer les terres dégradées tout en créant des emplois : le Niger a restauré 2 320 hectares de terres grâce à la conservation des sols et de l'eau (SWC) et à la régénération naturelle assistée (ANR), créant des emplois pour seize communautés locales, dont plus de 40 % de femmes. L'objectif est d'étendre la superficie à 12 200 hectares et de toucher 600 000 bénéficiaires (En savoir plus).
Conclusion : Vers un avenir alimentaire résilient
Le PRSA pour l'Afrique de l'Ouest illustre comment des solutions innovantes et collaboratives peuvent s'attaquer aux causes profondes de l'insécurité alimentaire. En donnant la priorité à la résilience, à la durabilité et à l'intégration, le programme ne se contente pas de répondre aux besoins immédiats, mais jette également les bases d'une sécurité alimentaire future.
À l'avenir, l'intensification de ces interventions et la promotion d'une plus grande coopération régionale seront essentielles pour garantir des impacts durables pour des millions de personnes en Afrique de l'Ouest.
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