Si l’on encourage les femmes qui possèdent une entreprise informelle à la déclarer, seront-elles incitées à recourir davantage aux services financiers ? Oui, mais à condition d’y associer une séance d'information dans un établissement bancaire.
C'est la conclusion à laquelle a abouti une récente étude de la Banque mondiale (a), qui portait sur plus de 3 000 entreprises informelles au Malawi, dont 40 % étaient détenues par des femmes.
Même si les pouvoirs publics souhaitent encourager les entreprises à sortir du secteur informel, nombre d’entre elles choisissent de ne pas déclarer leur activité. D’abord, parce que cette officialisation entraîne une imposition fiscale synonyme de coûts supplémentaires, mais aussi parce qu'elle ne permet pas nécessairement de bénéficier de ses avantages potentiels, comme par exemple la possibilité de participer aux appels d'offres publics.
Cependant, rester dans l’économie informelle a également un coût. Étant donné que seules les entreprises déclarées peuvent ouvrir un compte bancaire, les autres auront plus difficilement accès aux services financiers formels, comme les prêts, ce qui peut avoir une incidence sur leur croissance. Selon le portail de données de la Banque mondiale sur le genre et l’égalité des sexes (a), seulement 27 % des femmes possèdent un compte dans une institution financière. Au Malawi, la majorité des entrepreneurs informels ont un compte bancaire personnel (60 % pour les femmes et 55 % pour les hommes), mais seulement 2 % des entreprises disposent d'un compte de société.
Nous avons mené une expérience pour tester l'efficacité de trois mesures destinées à faire entrer les entreprises dans le secteur formel et pour mieux comprendre leur incidence sur l'inclusion financière et la performance des entreprises :
- un premier groupe d’entreprises a bénéficié d'une aide pour obtenir un certificat de déclaration qui donne accès aux marchés officiels sans imposer d'obligation fiscale ;
- un deuxième groupe a reçu une aide pour déclarer son activité, y compris auprès des services fiscaux ;
- pour le troisième groupe, l'aide à la déclaration s’est accompagnée d’une séance d'information dans un établissement bancaire.
73 % |
83 % |
Nous avons constaté que l'un des principaux obstacles à l'enregistrement des entreprises tenues par des femmes tient au coût des transactions : lorsque l'aide finance l'intégralité de l'enregistrement (premier groupe), 73 % de ces entreprises décident de se déclarer. Toutefois, lorsqu'on leur propose de les aider à s’enregistrer auprès des services fiscaux (deuxième groupe), peu d'entreprises (4 %) décident de le faire.
Comparativement au groupe témoin, l'enregistrement seul ne permet pas d'améliorer l'accès aux services financiers, ni d'accroître le chiffre d’affaires et les bénéfices de ces entreprises.
En revanche, les entreprises du troisième groupe (qui ont reçu à la fois une aide pour s'enregistrer et une séance d'information dans un établissement bancaire) affichent non seulement un plus fort taux d’enregistrement (83 %), mais ont aussi davantage recours aux services financiers formels.
Ces participantes présentent un taux plus élevé de détention d'un compte bancaire (compte personnel ou d'entreprise) et sont plus susceptibles d'avoir un niveau d'épargne supérieur à la médiane. En outre, cette épargne est plus souvent placée sur un compte bancaire que dans un système informel ou conservée à la maison. La santé financière de l’entreprise est également meilleure : la tenue des livres comptables est plus rigoureuse et les participantes sont moins enclines à utiliser les fonds de leur entreprise pour les besoins de leur ménage. Enfin, leur chiffre d'affaires et leurs bénéfices enregistrent une progression de 28 % et 20 % respectivement.
Quelles sont les principales leçons à tirer de cette expérience ?
- Lorsque l'enregistrement ne coûte pratiquement rien, un grand nombre d'entreprises décident de se déclarer.
- L'enregistrement à lui seul ne procure aucun avantage tangible aux entreprises. Un autre problème semble se poser : le manque d’information. Lorsque l’aide à l’enregistrement s’accompagne d'une séance d'information dans un établissement bancaire, les avantages pour l'entreprise sont prépondérants.
- La combinaison d’une aide à l’enregistrement et d’une séance d’information dans une banque a des effets analogues (importants et positifs) pour les femmes et pour les hommes sur la performance des entreprises. Ce n'est pas le cas des subventions aux petites entreprises et des programmes de formation, qui ont souvent du mal à contribuer à l’expansion des entreprises dirigées par des femmes.
- Pour un coût ponctuel de 27 dollars par entreprise enregistrée, il s'agit d'un moyen efficace et reproductible à plus grande échelle pour aider les entreprises non déclarées à intégrer l’économie formelle, et surtout moins coûteux que de nombreux autres programmes publics de soutien aux entreprises.
L'association de l'enregistrement de l'entreprise à une séance d'information dans une banque, notamment en proposant d'ouvrir un compte bancaire d'entreprise, a pour effet d’accroître le recours aux services financiers formels S'il n'est pas associé à une séance d'information bancaire, l'enregistrement d'une entreprise n'améliore pas autant l'accès aux services financiers, le chiffre d'affaires ou les bénéfices |
Conclusion : un État qui a pour objectif d’améliorer la croissance économique et de favoriser l'égalité entre hommes et femmes a tout intérêt à mettre en place des programmes de soutien aux entreprises non déclarées qui combinent réduction des coûts d'enregistrement et interventions privilégiant les contacts directs avec les institutions financières formelles.
Rendez-vous sur notre portail de données sur le genre et l'égalité des sexes (a) pour en savoir plus sur l'accès des hommes et des femmes aux différents types d'institutions financières à travers le monde.
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