À voir les gros titres de la presse consacrés aux violences et aux soubresauts politiques qui continuent de sévir au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, on en oublierait facilement que, comme chaque année, un nouveau départ est à l’ordre du jour. Du Mashreq au Maghreb, les enfants sont de retour en classe. Les parents achètent des fournitures aux petits et des milliers d’adolescents empruntent un chemin souvent déterminant pour leur carrière future. Cette semaine, notre plateforme Visions et voix du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord propose une série de billets qui traiteront des défis auxquels enseignants et élèves sont confrontés, ainsi que des politiques et des programmes susceptibles de changer l’avenir de toute une génération.
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Les chiffres sont stupéfiants. En Algérie et au Maroc, près d’un tiers de la population a moins de 15 ans, et la Tunisie n’est pas loin derrière. Cette croissance exponentielle de la population jeune exerce des tensions énormes sur les systèmes éducatifs du Maghreb.
De plus en plus de jeunes vont à l’université et presque tous les étudiants s’attendent logiquement à trouver un emploi correct grâce à leurs études et à leur dur labeur. Et pourtant, il semblerait qu’au cours de la décennie passée, les études, qui étaient autrefois la voie royale vers le succès, aient cessé de déboucher sur de bons emplois pour les diplômés. Dans ces trois pays d’Afrique du Nord, le taux de chômage est en fait plus élevé pour les diplômés de l’université que pour ceux qui ont fait moins d’études.
De multiples facteurs contribuent à ce phénomène, dont la rigidité des marchés du travail, les distorsions qui conduisent à préférer les emplois dans la fonction publique, et les décalages entre les compétences et les besoins. Les universités elles-mêmes constituent un facteur déterminant. En général, l’enseignement supérieur est organisé de manière très centralisée dans les pays du Maghreb — ce qui s’explique par leur passé colonial commun —, et se caractérise par une pratique de la reddition des comptes peu développée. Il a par conséquent tendance à être insensible aux forces du marché et au taux de réussite effectif de ses diplômés.
Au Maghreb, l’enseignement supérieur a connu plusieurs transformations au cours des deux dernières décennies. La plus manifeste, peut-être, concerne l’accès. Les inscriptions à l’université ont fait un bond considérable et les établissements universitaires n’ont jamais été aussi nombreux. Mais la qualité n’a pas toujours été au rendez-vous de ces avancées.
En 2007, en Algérie, au Maroc et en Tunisie, les pouvoirs publics ont commencé à restructurer le système d’enseignement supérieur afin de le mettre en conformité avec les normes internationales et de le rendre plus efficient et plus réactif face aux besoins des secteurs public et privé. Le corps enseignant a pris de plus en plus conscience du fait que la gouvernance joue un grand rôle dans l’amélioration des résultats des universités, et qu’une autonomie accrue leur permet de s’adapter à l’évolution des besoins.
Les pays du Maghreb ont compris que, pour être compétitifs à l’échelle mondiale, il ne suffisait pas d’offrir aux diplômés des opportunités d’emploi dans l’administration publique, mais qu’il fallait aussi cultiver les compétences qui permettront de produire des chefs d’entreprise locaux, tout en attirant des investissements étrangers de qualité. Tout comme les diplômés du monde entier, les diplômés de l’université maghrébins qui cherchent un emploi sont aujourd’hui confrontés à une rude concurrence non seulement dans leur pays, mais sur toute la planète.
Avec la mondialisation galopante, comment les universités du Maghreb peuvent-elles se transformer en moteurs de la croissance et des opportunités économiques ?
L’expérience de la Malaisie, en Asie de l’Est, apporte quelques réponses. Forte des réformes audacieuses qu’elle a engagées dans son système d’enseignement supérieur, la Malaisie aspire à devenir une plate-forme internationale pour l’excellence de l’enseignement supérieur à l’horizon 2020. Après avoir mis en place un bon système d’assurance-qualité et accordé une autonomie complète à huit de ses universités publiques, ce pays surpasse ses pairs régionaux pour l’insertion des diplômés sur le marché du travail. Le taux de chômage des titulaires d’un diplôme universitaire n’y dépasse en effet pas les 3 %.
L’exemple malaisien a récemment motivé des fonctionnaires de l’éducation et des dirigeants d’universités du Maghreb à entreprendre un voyage d’étude sponsorisé par le British Council et le Mécanisme d’échange d’expériences Sud-Sud de la Banque mondiale.
Grâce à ce voyage d’étude, les participants nord-africains ont pu s’inspirer de l’expérience de leurs homologues du ministère malaisien de l’Enseignement supérieur, de l’agence malaisienne pour les qualifications (Malaysian Qualifications Agency) et de certaines universités (publiques, privées et succursales d’universités étrangères).
Les participants ont discuté d’un large éventail de sujets, tels que le cadre régissant les relations ministère-universités, la conception de l’autonomie vue par les universités malaisiennes et maghrébines, l’importance de trouver le juste équilibre entre autonomie des universités et reddition des comptes, et les mérites de différents mécanismes d’assurance-qualité. Chacun des trois pays du Maghreb est d’ailleurs en train de se doter d’une agence nationale de l’assurance-qualité.
Les administrateurs des universités du Maghreb ont été particulièrement intéressés par la façon dont les universités de Malaisie veillent à l’employabilité de leurs diplômés, ainsi que par la responsabilité sociale de l’université vis-à-vis de la collectivité, deux questions qui commencent à gagner en importance au Maghreb.
Découvrez ce qu'en pensent les participants dans la vidéo ci-dessous :
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