Publié sur Voix Arabes

Une vraie rentrée des classes pour les enfants libanais : de la parole aux actes

Des étudiants libanais dans une salle de classe portant des masques. Des étudiants libanais dans une salle de classe portant des masques.

Pour les enfants du monde entier, la rentrée des classes est un moment de joie, impatients qu'ils sont de retrouver leurs camarades après une séparation prolongée. Cette année au Liban, la reprise des cours est un évènement attendu de longue date, car la COVID-19 a entraîné la fermeture des établissements scolaires pendant des mois. Alors qu'environ 600 000 élèves de l'enseignement privé sont retournés physiquement en classe en septembre, ceux du public ne voient leurs écoles rouvrir que peu à peu. Ils sont plus d'un demi-million à attendre encore de reprendre leurs cours en présentiel.

Depuis deux ans, le Liban subit un raz-de-marée de crises : l'une, économique et financière, restera probablement parmi les plus graves survenues dans le monde. Elle s'ajoute à la pandémie et à l'explosion dans le port de Beyrouth. Cette accumulation de crises a des conséquences dévastatrices sur l'existence des habitants et sur leurs moyens de subsistance. Elle met en outre à très rude épreuve un système éducatif déjà bien en difficulté, comme l'indique la Banque mondiale dans l'édition 2021 de sa note de conjoncture économique pour le Liban (a).

En effet, dès avant la COVID-19, le niveau général d'instruction était faible, avec seulement 6,3 années effectives d’apprentissages. Pendant les longues périodes de fermeture des classes dues à la pandémie, les possibilités d'enseignement à distance sont restées limitées. De plus, la pauvreté croissante oblige désormais de nombreux enfants à abandonner leurs études pour travailler. Leur année d'instruction perdue aura des conséquences à long terme. Cette situation aggrave les indicateurs du capital humain, déjà faibles, et place le Liban parmi les derniers rangs de la région.  

En collaboration avec le ministère de l’Éducation et de l'Enseignement supérieur, la Banque mondiale et d'autres partenaires se sont mobilisés pour aider à la réouverture des écoles. En effet, un effort collectif est indispensable, tant pour faire face à des besoins immédiats que pour lancer des réformes sans lesquelles le niveau d'instruction ne saurait s'améliorer. Les enfants méritent qu'on leur offre les moyens de se développer sur les plans intellectuel, social et affectif. Afin d'assurer une rentrée des classes sûre et dans les meilleures conditions et de permettre aux élèves de réaliser leur potentiel, cinq actions sont nécessaires :

  1. Réduire la charge financière supportée par les familles en couvrant les dépenses directement liées à la scolarité, comme les frais d'inscription, de transport ou d'achat de fournitures et d'uniformes. Un programme de filets sociaux d'urgence (a) financé par la Banque mondiale va permettre de verser des allocations monétaires complémentaires en faveur de 87 000 élèves de 13 à 18 ans scolarisés dans l’enseignement public et qui risquent d'abandonner leurs études.
  2. Investir dans les établissements scolaires. Pour réduire la dépendance des établissements vis‑à‑vis du gasoil servant à alimenter leurs groupes électrogènes, il faut investir dans des panneaux solaires. À l'heure actuelle, moins de 10 % des écoles publiques en sont équipées.
  3. Inciter les enseignants à reprendre les cours afin d'alléger les pertes de revenu. Pour cette nouvelle année scolaire, le soutien de la Banque mondiale au programme RACE2 permettra de financer des mesures incitatives pour tous les enseignants du secteur public. Tous les enseignants assurant leurs cours en présentiel percevront une somme forfaitaire destinée à compenser la hausse du coût de la vie et les pertes de salaires dues à l'hyperinflation et aux fluctuations monétaires. Il sera fait appel à un organisme tiers de contrôle pour vérifier que les primes ne sont attribuées qu'aux enseignants éligibles, réellement assidus et accomplissant leur charge de travail mensuelle.  
  4. Remédier aux pertes d’apprentissage grâce à des programmes de soutien et de rattrapage scolaires. Les évaluations internationales montrent que le Liban est l'un des pays où le niveau scolaire est le plus bas. Les programmes de soutien doivent comporter des plans de cours structurés, des évaluations formatives et un soutien pédagogique axés sur l'apprentissage des élèves.
  5. Assurer un retour sans risque dans les établissements. Les établissements doivent disposer de produits d'hygiène et sanitaires adéquats. Ils doivent aussi assurer l’application de procédures opératoires normalisées, avec le respect de mesures de distanciation physique, des dispositifs d'amélioration de la ventilation et le recours à des tests de dépistage rapide. Via le projet en faveur de la résilience du système de santé qu'elle mène au Liban, la Banque mondiale a fourni des doses de vaccin Pfizer afin d'aider au développement du programme national de vaccination, étendu depuis peu aux enfants à partir de 12 ans. Pour limiter le risque de contamination au sein des établissements scolaires, tous les membres du personnel et les enfants ayant l'âge requis doivent être vaccinés.

En outre, des réformes à long terme sont indispensables. Le ministère de l’Éducation a adopté une nouvelle stratégie sur cinq ans qui vise à améliorer l'accès à l'éducation, la rétention scolaire, la qualité des apprentissages ainsi que la gouvernance et le renforcement du système éducatif.

Cette feuille de route, qui entend prioriser le changement dans le secteur de l'éducation, doit s'accompagner des actions suivantes, comme l'indique le récent rapport de la Banque mondiale intitulé Foundations for Building Forward Better :

  • Améliorer l'adéquation et l'efficacité des financements pour viser avant tout le soutien aux élèves défavorisés et aux établissements les moins performants, afin d'offrir une instruction à tous les enfants.
  • Améliorer la gestion et la responsabilisation, assortie d'une coordination renforcée, par la publication des données scolaires, par l'évaluation régulière des élèves afin de déterminer leurs besoins et par l'instauration de normes de qualité dans l'ensemble des institutions.  
  • Soutenir les enseignants et chefs d'établissements moyennant des volumes de travail appropriés, une répartition effective des enseignants dans les zones insuffisamment couvertes et des plans d'avancement en fonction des résultats.
  • Améliorer le niveau des acquis scolaires en investissant dans une éducation de la petite enfance de qualité, qui serve de base à l'apprentissage.

Les enfants du Liban ont droit à une éducation de qualité, qui leur assure un meilleur avenir. Il incombe aux dirigeants du pays de passer de la parole aux actes en menant à bien la réforme de l'éducation au bénéfice des individus comme de la société dans son ensemble. Cela commence par une rentrée des classes immédiate, source de joie pour tous les enfants.

 

 


Auteurs

Nathalie Lahire

Coordinatrice du Secteur Développement Humain

Hana El-Ghali

Spécialiste senior de l'éducation de la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) de la Banque mondiale.

Farah Asfahani

Health Specialist with the World Bank’s Health, Nutrition and Population Global Practice in the Middle, East and North Africa

Sherin Varkey

Public Health Expert and Strategist

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