Chaque année, environ 570 000 tonnes de plastique sont déversées dans la mer Méditerranée — l’équivalent de 33 800 bouteilles en plastique par minute. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui a enquêté sur la question, les pertes économiques annuelles pour les pays riverains se chiffreraient à 770 millions de dollars, cette pollution perturbant les écosystèmes et les industries marines comme le tourisme et la pêche.
Infographie 1 : Stop the Flood of Plastic. How Mediterranean countries can save their sea. WWF, 2019.
En imposant l’utilisation de masques jetables et d’équipement de protection en plastique, la pandémie n’a fait qu’aggraver les risques de pollution plastique marine. Selon un document de l’American Chemical Society (la « Société américaine de chimie »), nous consommons à l’échelle de la planète environ 129 milliards de masques et 65 milliards de gants tous les mois. Faute d’action urgente, les déchets marins vont continuer de croître.
Infographie 2 : COVID-19 Pandemic Repercussions on the Use and Management of Plastics. Prata, et al., 2020.
La pandémie de COVID-19 n’a toutefois pas mis fin aux efforts des pays pour lutter contre cette pollution marine. Le problème est plutôt lié au fait que les gouvernements de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) agissent sans concertation, en termes de politiques menées et d’investissements. Le Maroc adopte une stratégie nationale, baptisée « Des plages sans plastique », tandis que la Tunisie cherche à identifier les zones à risque de la pollution plastique marine. L’Égypte, la Palestine et le Liban élaborent également des programmes et des activités pour combattre cette forme de pollution, souvent avec le soutien de la Banque mondiale.
La lutte contre la pollution plastique marine bénéficie à l’environnement et à la société. Un changement systémique pour stopper cette marée de plastique permettrait de créer 700 000 emplois dans le monde à l’horizon 2040. Jesko Hentschel, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte, décrit ce combat comme une « politique économique de bon sens ». La transition vers une économie plus circulaire participe à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et améliore les conditions de travail des ramasseurs de déchets — ces individus qui vivent aux marges de l’économie informelle en triant les ordures et jouent un rôle central dans le recyclage du plastique dans le monde.
Infographie 3 : Breaking the Plastic Wave. Pew Charitable Trusts and SystemIQ. 2020.
Les rejets plastiques dans la mer constitue un défi environnemental aux implications transfrontalières exceptionnellement fortes : « Comme le plastique se déplace au gré des courants, aucun pays ne peut lutter seul contre cette forme de pollution », souligne Ayat Soliman, directrice régionale du développement durable pour la région MENA à la Banque mondiale. « Ce qui explique que la Banque soit favorable à une coordination régionale sur ces questions ».
Avec ses côtes qui s’étendent de la Méditerranée à l’océan Atlantique, le Maroc a largement de quoi faire pour lutter contre la pollution plastique dans ses eaux territoriales et sur ses plages. Le partage des meilleures pratiques et la recherche de solutions novatrices pour enrayer cette pollution pourraient accélérer les efforts consentis pour débarrasser son littoral et ses écosystèmes marins de tout résidu plastique. Mohammed Benyahia, secrétaire général du ministère marocain de l’Environnement, considère cette approche comme vitale pour les moyens de subsistance et les économies, à tous les niveaux, régional, national et local. Avec le soutien de l’initiative PROBLUE de la Banque mondiale, ses services s’emploient à développer des relations de coopération avec d’autres pays de la région MENA et du reste du continent africain dans le but d’endiguer ce phénomène.
Une réunion virtuelle, organisée en mars 2021, a permis de rassembler des participants du Maroc, du Sénégal, de Tunisie, de Côte d’Ivoire, d’Égypte, du Liban, du Canada, de la Commission européenne et d’autres instances multilatérales autour de la question de la pollution marine. Tous ont reconnu la nécessité d’une action urgente, à travers trois grandes mesures :
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Intégrer de nouvelles incitations politiques et de nouveaux plans d’investissement dans les stratégies de relance post-COVID, afin de réduire l’utilisation abusive de matière plastique, valoriser les déchets plastiques et favoriser une reprise économique plus verte et plus inclusive. Le Maroc et la Côte d’Ivoire ont opté pour une mobilisation participative et intégrée des différentes parties prenantes pour réduire la pollution plastique. Le Sénégal a introduit des restrictions légales sur certains produits en plastique, créé des régimes de responsabilité étendue des producteurs et recouru à d’autres mesures financières et budgétaires pour décourager l’utilisation du plastique. La Tunisie s’est employée à renforcer l’impact d’une loi de 1996, qui introduisait le dispositif ECOLEF de reprise et de valorisation des emballages usagés, en rendant les producteurs financièrement responsables de la gestion de ces produits.
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Partager les informations et échanger les meilleures pratiques pour élaborer des solutions optimales. La fixation d’objectifs universels que la communauté internationale serait tenue de respecter faciliterait la lutte contre la pollution plastique à tous les niveaux, du local au mondial. Les conventions de Barcelone et d’Abidjan définissent un cadre régional pour l’harmonisation des législations et l’adoption d’approches communes de lutte contre la pollution plastique marine. La coopération régionale favorise les synergies et permet de combler les failles, notamment quand il s’agit d’enjeux encore peu pris en compte, comme les microplastiques. Pour garantir le succès des opérations, le secteur public et le secteur privé doivent s’allier.
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Faire en sorte que tous les maillons de la filière du plastique travaillent ensemble à une transition vers une économie circulaire — le secteur public s’occupant de la politique, de la législation et des capacités, tandis que le secteur privé apporte des solutions innovantes, comme la reconception des produits. Une économie circulaire a besoin d’un cadre juridique clair et d’incitations économiques efficaces à l’échelon national pour fonctionner. L’adoption de normes réglementaires harmonisées et de définitions communes pour tous les marchés, ainsi que la garantie d’un suivi international du respect des normes, sont essentielles. Dans les pays de la région MENA, le secteur privé commence à jouer un rôle de premier plan : au Maroc par exemple, la Fondation Mohammed VI va collaborer avec des opérateurs privés du recyclage du plastique pour créer des emplois et optimiser la filière. Le WWF travaille avec des entreprises privées et la municipalité de Tanger afin d’élaborer un modèle local de tri, de collecte et de recyclage des déchets plastique tout en s’employant à sensibiliser l’opinion publique et à favoriser l’échange d’informations entre les différents acteurs.
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