Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), les entreprises publiques sont un pilier de l‘économie des pays et de la prestation de services essentiels aux citoyens. Or, il ressort d‘une étude documentaire approfondie que certaines entreprises d‘État sont en situation de monopole dans des secteurs clés, tandis que d‘autres opèrent dans un environnement concurrentiel. Dans les deux cas, ces entreprises sont les principaux acheteurs de biens, de travaux et de services, tout en exécutant les contrats qui leur sont attribués par les acheteurs publics.
Cependant, il est fréquent que les procédures d’approvisionnement des entreprises publiques ne suivent pas des règles aussi clairement définies et transparentes que celles observées dans le secteur public en général. En outre, le non-respect des lignes directrices de l‘OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques est la norme dans la région MENA, et le contrôle interne comme externe est souvent limité.
Enfin, dans la plupart des pays, les entreprises d‘État jouissent d‘avantages qui peuvent leur permettre d‘obtenir des marchés publics. Ces avantages peuvent être directs, comme un traitement de faveur pour l‘attribution des contrats (par exemple en Iraq), grâce à des modalités telles que la politique d‘attribution préférentielle des contrats, la préférence de prix ou la dérogation aux exigences de garantie de soumission et de performance. Les avantages indirects sont, par exemple, le subventionnement des entreprises publiques par l‘État ou les garanties de prêt accordées par le gouvernement. Dans la plupart des pays de la région MENA, les cadres juridiques relatifs aux marchés publics ne prévoient pas d‘exigences ou de dispositions particulières sur la participation des entreprises d‘État aux appels d‘offres pour l‘attribution des marchés publics.
À Djibouti, par exemple, ces entreprises sont généralement censées se conformer aux procédures de passation des marchés publics, sauf circonstances exceptionnelles. En Tunisie, au Koweït et en Jordanie, les achats des entreprises d‘État sont soumis à la législation applicable aux marchés publics, avec toutefois quelques exceptions ou dérogations aux procédures habituelles de passation des marchés, lorsque ces entreprises sont aussi en position d‘acheteur ou de candidat à l‘attribution d‘un marché.
En Égypte, le cadre juridique actuel des marchés publics ne s‘applique pas aux entreprises d‘État, tandis qu‘au Liban, la législation sur les marchés publics est muette quant aux procédures d‘achat à appliquer par les entreprises d‘État soumises à la loi.
Le Maroc est un exemple hybride : seules certaines entités sont soumises au décret sur les marchés publics (celles qui figurent sur une liste établie par le ministère des Finances conformément à la loi n° 69-00 sur le contrôle financier par l‘État des entreprises publiques et d‘autres entités).
Les pays de la région MENA n‘ayant pas une approche uniforme de la gouvernance des entreprises publiques, une chose est claire : des progrès sont à faire pour garantir l‘efficacité de leurs achats et l‘égalité des chances lorsqu‘elles sont en concurrence avec le secteur privé pour l‘obtention de marchés publics. Étant donné que les entreprises d‘État sont des organisations économiques très importantes dans la région et que leurs activités concernent de très larges pans de la population, il est essentiel que la passation des marchés soit saine et transparente.
Pour cela, il est essentiel d‘appliquer les dispositions suivantes :
- Mettre en place des cadres politiques, juridiques et réglementaires cohérents pour permettre une mise en œuvre et un suivi efficaces et harmonisés des achats des entreprises publiques, tout en encourageant une concurrence loyale dans l‘attribution des marchés publics à ces entreprises.
- Institutionnaliser la transparence et l‘intégrité des achats des entreprises d‘État grâce à des procédures claires, notamment en matière de communication, de collecte et de diffusion de données sur les activités de passation de marchés des entreprises publiques.
- Pour renforcer la reddition de comptes dans les procédures d‘achat des entreprises publiques, confier des fonctions de surveillance et de contrôle des entreprises d‘État aux entités chargées de la politique et de la supervision des achats, et faire réaliser des audits par les institutions de contrôle de l‘État et d‘autres cabinets externes indépendants afin de mesurer les performances des activités d‘achat des entreprises d‘État, les rapports d‘audit étant mis à la disposition du public.
La mise en œuvre de ces mesures permettra aux entreprises publiques de remplir leurs missions et responsabilités de manière responsable et d‘en rendre compte à leurs interlocuteurs publics, tout en maximisant l‘efficacité de l‘utilisation des fonds publics.
L‘un des principaux défis à relever est celui de la transparence. Il est en effet compliqué d‘accéder aux informations sur les pratiques et procédures d‘achat des entreprises publiques.
Alors que dans certains pays, une liste publique de ces entreprises est disponible (comme c’est le cas dans une certaine mesure en Égypte, au Maroc et au Koweït), dans d’autres endroits, ces données ne sont pas aisément accessibles. Par exemple, au Liban, une liste censée être établie par le ministère des Finances n’est pas accessible au grand public.
Les informations sur les procédures et pratiques d‘achat appliquées par les entreprises publiques sont en général difficiles à obtenir, à l‘image des activités et opportunités de marchés à venir, ainsi que des données sur les activités d‘achat. Les parties prenantes ne savent pas très bien si les entreprises publiques ont systématisé et codifié leurs procédures d‘achat et quelles sont ces procédures, car ces entreprises ne sont pas soumises à la législation et à la réglementation en matière de marchés publics.
Par conséquent, pour améliorer la transparence des achats des entreprises publiques, les pays devraient : rendre publiques les procédures d‘achat des entreprises d‘État ; utiliser une documentation normalisée pour les documents d‘appel d‘offres ; diffuser plus largement et avant le processus d'appel d'offres les projets de marchés publics ; utiliser de préférence le même système dématérialisé qui s‘applique aux autres marchés publics et aux autres entreprises ; publier les avis d‘attribution des contrats ainsi que toute autre donnée qu‘ils recueillent sur les activités d‘achat des entreprises publiques.
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