Publié sur Voix Arabes

Maroc : renforcer la résilience climatique pour préserver et développer l’emploi dans le tourisme côtier

Maroc : renforcer la résilience climatique pour préserver et développer l’emploi dans le tourisme côtier Chaises pour touristes sur la plage de Casablanca, Maroc. (Shutterstock.com/Morocko)

L’économie bleue (a) offre un vaste potentiel de création d’emplois. En Afrique, elle génère déjà près de 50 millions d’emplois. Ce chiffre augmentera au cours des prochaines décennies pour atteindre 78 millions d’emplois (a) à l’échelle du continent d’ici à 2063. Ces emplois sont non seulement créés dans les secteurs de l’économie bleue traditionnels (pêche, transport maritime ou tourisme côtier, par exemple), mais aussi dans de nouveaux secteurs comme la biotechnologie et les énergies renouvelables marines. Si elle est gérée de manière durable, l’économie bleue pourrait devenir un moteur économique qui entraîne de multiples effets positifs, non seulement pour la création d’emplois, mais aussi pour la sécurité alimentaire, l’amélioration des moyens de subsistance, la conservation de la biodiversité et le renforcement de la résilience au changement climatique.

Le Maroc investit activement dans son économie bleue. Avec le soutien de la Banque mondiale et de son prêt-programme pour les résultats en faveur de l'économie bleue, le gouvernement marocain a mis en place un programme centré sur le développement économique et l’emploi, la sécurité alimentaire et la gestion des ressources naturelles.

Cependant, pour maximiser les retombées de l’économie bleue, il faut s’attaquer d’urgence aux conséquences du changement climatique. Le Maroc est un pays à haute vulnérabilité climatique : les températures y augmentent de 0,2 °C par décennie en moyenne depuis les années 1960, soit le double de la moyenne mondiale (+0,1 °C). Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (a), dans la région méditerranéenne, la température annuelle moyenne à la surface est déjà supérieure de 1,5 °C aux niveaux préindustriels. La fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur et les sécheresses, ne cessent de progresser, ce qui accroît le risque d’incendies de forêt.

Le littoral marocain, où se concentrent environ 80 % des industries du pays et qui contribue à près de 60 % au produit intérieur brut (PIB) national, est particulièrement menacé par les effets du changement climatique. Entre 1984 et 2016, l’érosion côtière a atteint en moyenne 14 centimètres (cm) par an sur la côte méditerranéenne du pays et 12 cm par an sur la côte atlantique (a), soit environ le double de la moyenne mondiale. 

Pour assurer une croissance durable, le Maroc doit renforcer la résilience climatique de tous les secteurs de l’économie bleue, en particulier le tourisme côtier. Outre l’érosion côtière qui endommage les infrastructures touristiques essentielles, l’évolution des conditions météorologiques peut aussi modifier le comportement des touristes. Des études ont montré que d’ici 2030, du fait du changement climatique, la région méditerranéenne pourrait être trop chaude pour le tourisme (a) : les touristes sont près de 70 % (a) à déclarer qu’ils choisiront une autre destination si les températures deviennent inconfortables, et plus de 80 % (a) à affirmer qu’ils iront ailleurs si les plages venaient à disparaître massivement. 

La Banque mondiale a récemment consacré une étude (a) aux conséquences d’un recul du nombre de touristes dû au changement climatique sur l’emploi dans le tourisme côtier marocain, en évaluant la baisse des revenus provenant de l’hébergement, de la restauration, du transport et de l’achat de souvenirs et de biens de consommation courante. L’étude est partie du principe que les dépenses et les comportements des touristes au Maroc sont similaires à ceux d’autres pays de la même zone climatique. 

Selon ces estimations, si les arrivées de touristes reculaient de 8 à 18 % en raison du changement climatique, les hôtels et les restaurants pourraient enregistrer des pertes d’emplois de l’ordre de 14 à 32 % d’ici à 2035 (figure 1). D’autres sous-secteurs, tels que les arts et les services de divertissement, les transports et autres services, seraient également gravement touchés par la réduction des dépenses touristiques imputable au changement climatique.

Figure 1: Pertes d’emplois dans la filière du tourisme côtier d’ici à 2035 (en pourcentage, comparativement au scénario de référence)

 

Figure 1 : Pertes d’emplois dans la filière du tourisme côtier d’ici à 2035

Les barres bleu canard représentent la limite supérieure pour les pertes d’emplois, en fonction d’une baisse de 18 % des arrivées de touristes dans le pays en raison de la chaleur. Les barres orange représentent la limite inférieure, en fonction d’une réduction de 8 % des arrivées de touristes. Ces chiffres sont comparés à un scénario de référence dans lequel les arrivées de touristes ne diminuent pas. Ces scénarios ont été choisis pour montrer le caractère incertain du comportement humain, du changement climatique et de l’élaboration de politiques de prix du carbone. Ces deux limites supposent que la température moyenne à la surface dépassera 40°C d’ici à 2032 sur la base d’un scénario SSP2-4.5.

 

Il ressort de l’étude que le secteur marocain du tourisme côtier doit améliorer sa résilience, en particulier pour les micro, petites et moyennes entreprises (MPME). En effet, les entreprises de petite taille sont plus susceptibles de se voir contraintes de cesser leurs activités en raison d’un manque de capacités financières pour faire face aux chocs. 

Renforcer cette résilience suppose de rendre les lieux d’hébergement touristique mieux adaptés à la chaleur et de faire évoluer l’offre actuelle du tourisme côtier vers des modèles plus durables et plus résilients. Dans son étude (a), la Banque mondiale propose un ensemble de recommandations susceptibles d’aider le gouvernement marocain à mettre en œuvre son ambitieuse feuille de route stratégique du secteur du tourisme 2023-2026. Ces recommandations portent sur les investissements, les cadres politiques et institutionnels, le développement de l’écotourisme et l’utilisation de matériaux de construction et de techniques de rafraîchissement traditionnels. 

Les autorités marocaines ont déjà commencé à prendre des mesures pour renforcer la résilience climatique, notamment en soutenant la transformation des MPME du tourisme côtier dans le cadre du prêt-programme pour les résultats en faveur de l'économie bleue financé par la Banque mondiale. À Agadir, par exemple, l'État a aidé une école de surf à installer des panneaux solaires pour réduire ses émissions de carbone tout en diversifiant son offre de produits. Le prêt-programme appuie également les efforts des pouvoirs publics pour restaurer les forêts côtières et stabiliser les dunes côtières afin de protéger le littoral. Ces actions locales jettent les bases d’un tourisme côtier plus résilient tout en préservant les emplois face à l’intensification du changement climatique. 

Le financement de cette étude a été assuré par PROBLUE (a), un fonds fiduciaire multidonateurs administré par la Banque mondiale qui soutient le développement durable et intégré des ressources marines et côtières dans des océans en bonne santé.

Téléchargez la note technique (en anglais avec des résumés en anglais, français et arabe).


Kanako Hasegawa

Spécialiste de l’environnement

Ulrike Lehr

Économiste principale, Emploi et développement

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