Publié sur Voix Arabes

En Algérie, une gestion durable des forêts peut réduire les risques d’incendie

A forest fire burns in Bouïra, Algeria. A forest fire burns in Bouïra, Algeria.

L’été dernier, nous avons vu des images d’incendies ravageant l’Algérie et d’autres pays du bassin méditerranéen, détruisant des massifs forestiers, semant la mort, engloutissant des propriétés sous les flammes et causant une perte d’actifs économiques de plusieurs millions de dollars. Les fondements des écosystèmes sont fragilisés. L’année 2021 est-elle la pire que nous connaîtrons en matière d’incendies ?

Grâce aux nouvelles technologies, nous pouvons mieux prévoir les incendies (a), tout en les surveillant. Les données montrent que ces dernières décennies la planète a brûlé avec une intensité accrue. Les changements climatiques exacerbent la menace : face à la hausse des températures et à l’évolution du régime des précipitations, l’équation se complexifie.

À titre de perspective, un livre blanc de l’administration sur l’impact des changements climatiques en Algérie (a) montre que, bien que les forêts et les arbres couvrent moins de 1 % de la masse terrestre du pays, les feux de forêt constituent l’une des trois plus grandes menaces pour la vie, la propriété et l’activité économique. Entre 2010 et 2019, l’Algérie a recensé près de 3 000 incendies qui dévastent chaque année l’équivalent de quelque 30 000 terrains de football. Les pertes annuelles d’actifs atteignent le chiffre vertigineux de 1,5 milliard de dinars algériens (11 millions de dollars) ; en 2020, les indemnités versées aux sinistrés se sont montées à 600 millions de dinars (4,4 millions de dollars).

Gestion durable des forêts : une méthode éprouvée dans la lutte contre les risques d’incendie

Alors, faut-il accepter que les incendies et ces ravages se multiplient à l’avenir, et supporter les pertes subies ? Si les initiatives mondiales demeurent insuffisantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la probabilité d’incendies plus fréquents et plus violents augmentera sous l’effet des changements climatiques.

Il existe toutefois une solution qui transforme la gestion des forêts, réduit les départs de feu potentiels et valorise davantage les forêts. Cette approche, connue sous le nom de gestion durable des forêts, est mise en œuvre dans de nombreuses régions du monde. Elle vise à améliorer la valeur économique, sociale et environnementale des forêts pour les générations d’aujourd’hui et de demain, tout en prenant en compte le risque d’incendie.

Que pourrait-elle apporter à l’Algérie ? La gestion forestière peut intégrer de nombreux aspects, comme le rétablissement de conditions historiquement plus saines, la réduction de la pression sur les surfaces boisées, la modification des comportements par la sensibilisation des populations, une plus grande résilience des communautés dans les zones sensibles. D’autres leviers existent, comme le reboisement, l’octroi de fonds supplémentaires pour la prévention des incendies (avec la création d’allées coupe-feu, par exemple), mais aussi l’amélioration de la détection des feux, de la formation et de la préparation à l’extinction rapide des incendies.

La Turquie, l’Inde (a) et d’autres pays, confrontés à des risques similaires, les inscrivent progressivement dans leur gestion durable des forêts, par le biais d’une approche spatiale ou paysagère. Cette méthode tient compte des différentes composantes d’un paysage (agriculture, sylviculture, bâtiments et axes routiers). La gestion des feux de forêt est considérée comme indissociable de la gestion des forêts.

Lutte contre les feux de forêt en Algérie et élargissement du soutien technique fourni par la Banque mondiale

Au cours de l’année écoulée, la Banque mondiale a travaillé à un diagnostic de la gestion du risque de catastrophe en milieu forestier, avec le concours de la Délégation nationale aux risques majeurs du ministère algérien de l’Intérieur et 12 autres organismes gouvernementaux. Elle a coorganisé un voyage d’étude virtuel, nourri de témoignages du monde entier qui sont venus éclairer la gestion du risque de catastrophe, notamment en matière de feux de forêt, comme en France et au Portugal.

« Grâce à cette série de webinaires, nous avons pu échanger de bonnes pratiques et discuter des outils d’analyse, dans le but d’appuyer les initiatives algériennes destinées à trouver les moyens d’intégrer le risque d’incendie dans la gestion durable des forêts », a déclaré Emmanuel Cuvillier, représentant résident de la Banque mondiale en Algérie.

Le diagnostic a produit de premiers résultats selon lesquels l’Algérie pourra lutter de manière appropriée contre les feux de forêt à condition de moderniser ses équipements et ses techniques de lutte contre les incendies, et de mobiliser des ressources suffisantes afin que tous les acteurs puissent effectuer leur travail. L’Algérie doit également se doter d’un système d’alerte rapide intégré avec système d’alarme des feux de forêt, et sensibiliser les populations afin de les inciter à changer de comportement.

Les systèmes d’alerte rapide, que l’on trouve par exemple dans le sud de l’Europe (a) et au Canada, passent en revue des aléas multiples et jouent un rôle majeur dans la préparation aux incendies et dans la réduction des risques. Ces systèmes se fondent sur des observations et des prévisions météorologiques poussées afin de pouvoir déterminer le moment où un feu de forêt risque de se déclencher (grâce à un système d’évaluation du danger d’incendie), de détecter au plus vite les incendies et de déclencher des plans de lutte avant tout départ de feu ou situation incontrôlable. Fort du soutien de la Banque mondiale, la Turquie a procédé en 2017 à une analyse (a) de son secteur forestier et des menaces qui pesaient sur ses écosystèmes forestiers, notamment les incendies.

L’Algérie ne ménage pas ses efforts pour relever le défi de la gestion des feux de forêt, mais aucun pays ne peut affronter seul les situations d’urgence et les catastrophes naturelles. L’analyse de la politique et des ressources forestières produit des données et des informations qui peuvent étayer les échanges entre les agences gouvernementales et les partenaires internationaux sur la gestion durable des forêts, afin de protéger non seulement les écosystèmes forestiers algériens des incendies et d’autres menaces, mais aussi l'ensemble de la population.

 

 

LIENS UTILES

La Banque mondiale en Algérie


Auteurs

Andrea Kutter

Spécialiste principale en gestion des ressources naturelles

Karima Ben Bih

Spécialiste de la gestion du risque de catastrophe

Sandrine Jauffret

Spécialiste principale en gestion des ressources naturelles

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