La semaine dernière, dans les
pages opinions du
Washington Post, le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a replacé les préoccupations de la Banque mondiale en matière de discrimination, et plus précisément de législation anti-homosexualité, dans un contexte plus vaste :
« La discrimination institutionnalisée est néfaste aux individus comme à la société. La discrimination généralisée a aussi des répercussions négatives sur l’économie. Il est clair que l’activité économique souffre lorsqu’un pays applique une législation empêchant les individus productifs de participer pleinement au marché du travail. »
Le président a ensuite abordé la question de la discrimination à l’encontre des femmes consacrée par le droit et a évoqué une étude montrant que le faible taux d’activité féminine de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) entraîne un manque à gagner considérable. Il nous semble donc opportun de mentionner à nouveau le rapport Opening Doors que nous avions publié en 2013 et qui examine dans le détail les questions d’égalité hommes-femmes et de développement dans la Région MENA.
Ce travail s’est fondé sur une analyse empirique exhaustive à partir de données micro et macroéconomiques pour mettre en lumière les divers facteurs à l’origine du taux étonnamment bas de l’activité féminine dans la région. Pris isolément, aucun de ces facteurs n’explique à lui seul la situation particulière de la région. Lorsqu’on les considère ensemble, en revanche, le pétrole, la religion, le droit et les normes sociales forment une puissante combinaison qui entrave la participation des femmes à l’économie et oriente celles qui travaillent vers le secteur public et des postes bien déterminés de ce secteur. Tout n’est pas négatif cependant : la région MENA a accompli des progrès dans le domaine de l’égalisation des résultats entre les hommes et les femmes dans l’éducation et la santé, tandis que l’expansion du secteur public, dans le cadre de politiques nationales visant à assurer l’accès universel aux services, s’est accompagnée d’un taux de participation accru des femmes dans ce secteur.
Sur la question de la discrimination en droit, le rapport met en lumière l’interaction entre cadre juridique et normes sociales : le droit reflète les normes, tout en les renforçant. Cela ne signifie toutefois pas qu’il existe une imbrication permanente entre normes et droit. En effet, la conjoncture économique peut créer des facteurs d’attraction qui font évoluer le droit et la norme dans leur sillage. Dans les pays situés à la périphérie de l’Union européenne qui ont connu un boum économique du fait de leur adhésion à l’Union, les normes sociales qui pesaient sur le taux d’activité des femmes, notamment des femmes mariées, ont changé en l’espace de vingt ans. Sur la mutabilité des normes, il existe d’innombrables exemples dont celui-ci est le plus récent.
Néanmoins, en raison du nombre restreint des filières accessibles aux femmes, la région MENA se trouve dans une phase délicate en ce qui concerne les progrès de l’égalité hommes-femmes. Il n’est plus possible d’accroître la taille du secteur public, mais les systèmes éducatifs sont toujours engagés dans un processus de délivrance de diplômes correspondant à ce type de postes. Parallèlement, le secteur privé, tout particulièrement le secteur privé formel, a été jugulé sous l’effet d’un environnement des affaires déprimé et des liens entre les entreprises en place et les pouvoirs publics. Les aspirations des femmes de la région MENA vont cependant croissant en raison d’un large accès à l’éducation et de l’ouverture aux normes mondiales en matière de participation des femmes à l’activité économique. Dans ce contexte, les freins à l’implication des femmes sont particulièrement anachroniques.
Le rapport conclut que le statu quo n’est guère viable pour les pays de la région. Les facteurs démographiques renforcent à eux seuls les pressions en faveur du changement. Pour que le secteur privé joue son rôle de pourvoyeur d’emplois pour les femmes, comme dirigeantes d’entreprise ou salariées, il faut lever des obstacles juridiques (tels que la propriété des actifs) enracinés de longue date. Il faudra réexaminer aussi les mesures dissuasives émanant du secteur public (par exemple les indemnités qui reviennent au chef de famille et les subventions qui réduisent le besoin de percevoir un revenu sur le marché du travail). Pour certains pays de la région MENA, comme l’Égypte et l’Iraq, le manque de sécurité et de protection perçu par les femmes continuera de peser sur le taux d’activité féminine.
Ce qui nous ramène à la toile de fond brossée par le président de la Banque mondiale et aux effets discriminatoires particuliers de certaines législations. Le droit sous-tend l’inclusion de tous dans l’économie ou est vecteur d’exclusion. À tout le moins, les lois ne doivent pas exacerber la marginalisation sociale. Il importe que les lois en vigueur soient progressistes, que chacun connaisse ses droits et ait accès au système juridique, et que les lois soient appliquées de manière véritablement équitable et prévisible. Si la région décidait d’agir aujourd’hui sur tous ces fronts, cela pourrait très bien conduire le président de la Banque mondiale à signer un nouvel article d’opinion !
« La discrimination institutionnalisée est néfaste aux individus comme à la société. La discrimination généralisée a aussi des répercussions négatives sur l’économie. Il est clair que l’activité économique souffre lorsqu’un pays applique une législation empêchant les individus productifs de participer pleinement au marché du travail. »
Le président a ensuite abordé la question de la discrimination à l’encontre des femmes consacrée par le droit et a évoqué une étude montrant que le faible taux d’activité féminine de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) entraîne un manque à gagner considérable. Il nous semble donc opportun de mentionner à nouveau le rapport Opening Doors que nous avions publié en 2013 et qui examine dans le détail les questions d’égalité hommes-femmes et de développement dans la Région MENA.
Ce travail s’est fondé sur une analyse empirique exhaustive à partir de données micro et macroéconomiques pour mettre en lumière les divers facteurs à l’origine du taux étonnamment bas de l’activité féminine dans la région. Pris isolément, aucun de ces facteurs n’explique à lui seul la situation particulière de la région. Lorsqu’on les considère ensemble, en revanche, le pétrole, la religion, le droit et les normes sociales forment une puissante combinaison qui entrave la participation des femmes à l’économie et oriente celles qui travaillent vers le secteur public et des postes bien déterminés de ce secteur. Tout n’est pas négatif cependant : la région MENA a accompli des progrès dans le domaine de l’égalisation des résultats entre les hommes et les femmes dans l’éducation et la santé, tandis que l’expansion du secteur public, dans le cadre de politiques nationales visant à assurer l’accès universel aux services, s’est accompagnée d’un taux de participation accru des femmes dans ce secteur.
Sur la question de la discrimination en droit, le rapport met en lumière l’interaction entre cadre juridique et normes sociales : le droit reflète les normes, tout en les renforçant. Cela ne signifie toutefois pas qu’il existe une imbrication permanente entre normes et droit. En effet, la conjoncture économique peut créer des facteurs d’attraction qui font évoluer le droit et la norme dans leur sillage. Dans les pays situés à la périphérie de l’Union européenne qui ont connu un boum économique du fait de leur adhésion à l’Union, les normes sociales qui pesaient sur le taux d’activité des femmes, notamment des femmes mariées, ont changé en l’espace de vingt ans. Sur la mutabilité des normes, il existe d’innombrables exemples dont celui-ci est le plus récent.
Néanmoins, en raison du nombre restreint des filières accessibles aux femmes, la région MENA se trouve dans une phase délicate en ce qui concerne les progrès de l’égalité hommes-femmes. Il n’est plus possible d’accroître la taille du secteur public, mais les systèmes éducatifs sont toujours engagés dans un processus de délivrance de diplômes correspondant à ce type de postes. Parallèlement, le secteur privé, tout particulièrement le secteur privé formel, a été jugulé sous l’effet d’un environnement des affaires déprimé et des liens entre les entreprises en place et les pouvoirs publics. Les aspirations des femmes de la région MENA vont cependant croissant en raison d’un large accès à l’éducation et de l’ouverture aux normes mondiales en matière de participation des femmes à l’activité économique. Dans ce contexte, les freins à l’implication des femmes sont particulièrement anachroniques.
Le rapport conclut que le statu quo n’est guère viable pour les pays de la région. Les facteurs démographiques renforcent à eux seuls les pressions en faveur du changement. Pour que le secteur privé joue son rôle de pourvoyeur d’emplois pour les femmes, comme dirigeantes d’entreprise ou salariées, il faut lever des obstacles juridiques (tels que la propriété des actifs) enracinés de longue date. Il faudra réexaminer aussi les mesures dissuasives émanant du secteur public (par exemple les indemnités qui reviennent au chef de famille et les subventions qui réduisent le besoin de percevoir un revenu sur le marché du travail). Pour certains pays de la région MENA, comme l’Égypte et l’Iraq, le manque de sécurité et de protection perçu par les femmes continuera de peser sur le taux d’activité féminine.
Ce qui nous ramène à la toile de fond brossée par le président de la Banque mondiale et aux effets discriminatoires particuliers de certaines législations. Le droit sous-tend l’inclusion de tous dans l’économie ou est vecteur d’exclusion. À tout le moins, les lois ne doivent pas exacerber la marginalisation sociale. Il importe que les lois en vigueur soient progressistes, que chacun connaisse ses droits et ait accès au système juridique, et que les lois soient appliquées de manière véritablement équitable et prévisible. Si la région décidait d’agir aujourd’hui sur tous ces fronts, cela pourrait très bien conduire le président de la Banque mondiale à signer un nouvel article d’opinion !
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