La pandémie de COVID-19 a démontré que pour bénéficier de services essentiels, il était indispensable d’avoir accès aux infrastructures technologiques et aux outils numériques. L’inclusion numérique était justement l’un des principaux sujets de discussion du Sommet de la jeunesse 2021, organisé par le Groupe de la Banque mondiale autour du thème « Une reprise résiliente pour les populations et la planète ». Lors de cet évènement, nous avons proposé des solutions pour réduire la fracture numérique et améliorer le sort des populations pauvres et marginalisées dans la région MENA.
Les principaux obstacles à l’inclusion numérique dans la région MENA sont l’insuffisance d’infrastructures, doublée d’un manque de culture et de compétences dans ce domaine. S’ajoutent à cela d’autres difficultés, comme l’absence d’un marché numérique organisé, le manque de financements et un faible niveau de formation au numérique. Si les pays du Conseil de coopération du Golfe (GCC) se caractérisent par un degré élevé d’accès au numérique, ceux du Proche-Orient et d’Afrique du Nord sont marqués par de fortes disparités.
Au début de la pandémie, les pays de la région MENA ont rapidement réagi en améliorant leurs services à haut débit pour satisfaire à des besoins fondamentaux comme l’apprentissage à distance et les services d’administration en ligne. Cependant, ces solutions d’urgence ne portent que sur le court terme. Il faut des solutions sur la longue durée, lesquelles requièrent davantage d’évaluations et de données.
L’ensemble de la région MENA affiche un fort taux d’abonnement aux communications mobiles à haut débit : 62,7 % en 2020, selon l’Union internationale des télécommunications . Mais cette valeur élevée est due à la situation avancée des pays du Golfe. C’est pourquoi un inventaire des besoins au niveau local est nécessaire.
Les défis de l’inclusion numérique dans la région MENA sont étroitement liés aux multiples difficultés sociales auxquelles elle est confrontée : pauvreté, conflits, inégalités hommes-femmes, migrations forcées, privation d’accès aux services de base... Si l’on ne prend pas ces problématiques en considération, il risque d’être difficile de réduire la fracture numérique. Aussi le recours à une approche intégrée alliant des actions d’aide humanitaire, de développement et de consolidation de la paix pourrait-il être une voie efficace pour produire des résultats à moyen ou long terme. Cette démarche se double de l’approche selon laquelle nul ne doit être laissé pour compte, principe fondamental qui implique d’identifier les plus vulnérables et les plus pauvres. Avec pour but de mettre fin à l’extrême pauvreté, de réduire les inégalités et de combattre les discriminations, cette approche place en priorité les plus marginalisés et démunis. Elle faciliterait la lutte contre les inégalités numériques et la mise en place d’un plan d’action globale, pour produire des effets plus durables et résilients dans la région.
On pourrait remédier au manque d’infrastructures numériques dans la région MENA à l’aide d’un modèle bien conçu de partenariat public-privé, propre à associer des participants importants et à donner aux pouvoirs publics la volonté et la confiance nécessaires pour soutenir des mécanismes de subvention. Le Groupe de la Banque mondiale apporte sa contribution : par exemple, il a récemment approuvé l’attribution d’une nouvelle aide au Maroc pour développer les services financiers et faire progresser l’inclusion numérique afin d’intensifier la connectivité des zones rurales, de soutenir les TPE/PME et d’améliorer l’inclusion des femmes et leur participation au secteur numérique.
Pour accroître la culture et les compétences numériques dans la région MENA, des campagnes menées auprès des populations locales peuvent sensibiliser celles-ci au développement du numérique et favoriser leur adhésion à ces projets.
Un autre moyen de faire accepter les projets d’inclusion numérique réside dans l’utilisation de l’argent mobile, pour offrir aux groupes défavorisés un accès à distance aux services financiers . En Tanzanie, par exemple, les paiements dématérialisés permettent depuis une dizaine d’années de considérables améliorations de la connectivité et de l’accès aux services financiers électroniques. Grâce au taux élevé de pénétration de la téléphonie mobile dans la région MENA, cette solution aidera à surmonter les difficultés infrastructurelles. En outre, la multiplication des services financiers mobiles favorise l’émergence de nouveaux services et modèles d’entreprise dans tous les secteurs.
Comme le démontre le cas de la Tanzanie, le développement des services financiers numériques par les banques et par les fournisseurs de téléphonie mobile permet de mieux desservir les populations vivant dans des zones dépourvues d’agences bancaires. Plus besoin de se déplacer sur de longues distances, ni de disposer d’équipements internet pour accéder à des services bancaires : il suffit de composer un numéro sur son téléphone. Pendant la pandémie, les banques ont réduit leurs frais sur les transactions numériques, afin d’éviter l’affluence dans les agences. Cela a eu pour effet de multiplier le nombre d’utilisateurs, d’accroître la participation à l’économie et, par conséquent, d’accélérer la croissance.
La carte d’identité électronique est un moyen supplémentaire d’inclure les réfugiés présents dans la région. En effet, comme l’indique le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ces derniers ont des difficultés à ouvrir un compte en banque, faute de documents officiels ou d’adresse de résidence. Techfugees Lebanon, qui agit en faveur de l’inclusion des réfugiés syriens et palestiniens, est un exemple de projet visant à améliorer l’accès aux services financiers et à développer les emplois numériques.
En conclusion, pour élever le niveau d’aptitude numérique dans la région MENA, une première étape consisterait à créer des plateformes numériques/sociales et des services financiers mobiles, et à mener dans les zones rurales des programmes complets de développement des capacités.
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