Réformes Visant à Promouvoir l’Égalité des Sexes en République Démocratique du Congo : du Plaidoyer à la Mise en Ceuvre

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Flore de Preneuf / World Bank Flore de Preneuf / World Bank

À Bukavu, la directrice de l'organisation de la société civile « L'Observatoire de la Parité » a récemment réfuté un homme qui était convaincu de détenir le pouvoir d'accorder à sa femme la permission de travailler. « Cette époque est révolue », lui a-t-elle dit. Avant 2016, il avait raison : une femme congolaise ne pouvait réaliser aucun acte juridiquement contraignant sans l'autorisation de son mari. Depuis la promulgation du premier Code de la famille en 1987 jusqu'à sa révision en 2016, le droit d'une femme de choisir son lieu de résidence, de signer un contrat, de trouver un emploi et d'ouvrir un compte bancaire était restreint et elle était légalement tenue d'obéir à son mari (figure 1).

Figure 1: Restrictions jurisdiques dans le Code de la famille de 1987

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La restriction a été levée grâce à la réforme de 2016 du Code de la famille.

L'étude de cas récente Les Femmes, l’Entreprise et le Droit : « Réformes Visant à Promouvoir l’Égalité des Sexes en République Démocratique du Congo : du Plaidoyer à la Mise en Œuvre » explique comment ces réformes ont vu le jour. En collaboration avec des organisations locales défenseuses des droits des femmes, les auteures ont identifié trois facteurs de réussite qui ont rendu possible l'adoption de cette loi : des défenseurs de l'égalité des sexes au sein des organisations de la société civile ; le gouvernement et les acteurs internationaux qui ont fait valoir les avantages économiques de la suppression des dispositions discriminatoires ; et les obligations internationales qui ont permis l'adoption des réformes.  

Alors que les organisations de défense des droits des femmes faisaient pression pour obtenir une réforme juridique depuis près de 20 ans, les législateurs majoritairement masculins du Sénat et de l'Assemblée nationale se montraient résistants. Ces groupes de défense des droits des femmes avec l’appui d’acteurs internationaux, dont le personnel de la Banque mondiale, ont pu démontrer le retard pris par la République démocratique du Congo par rapport aux autres pays de la région qui avaient déjà réformé leurs lois, comme le Bénin, le Burkina Faso et le Togo. Les preuves de résultats bénéfiques pour la société congolaise qui découleraient de l'augmentation des opportunités économiques des femmes et l’absence de répercussions négatives sur la vie familiale et la cohésion sociale se sont également avérées particulièrement efficace pour convaincre les sceptiques.  

Grâce à la réunion de ces acteurs dans un contexte propice au changement, des réformes majeures du code de la famille ont été adoptées en 2016, rapprochant le cadre juridique du pays de ses obligations au titre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.  

La suppression de l'autorisation maritale pour l'accès des femmes à l'emploi, aux comptes bancaires et aux prêts a instantanément facilité pour les femmes l’exploration de nouvelles opportunités économiques . Malgré ces effets positifs, l'étude souligne également les défis qui restent à relever pour que les femmes du pays puissent jouir pleinement de leurs nouveaux droits (figure 2). En particulier, le manque général de ressources pour la diffusion et la mise en œuvre de la loi, la faible représentation des femmes dans tous les domaines et les normes et rôles de genre qui continuent d'être des obstacles majeurs à l'égalité des sexes. 

Figure 2: Des défis subistent

Figure 2

Pour soutenir une mise en œuvre efficace du code de la famille tel que révisé en 2016, la Banque mondiale a financé le Projet d’Appui au Développement des Micro, Petites et Moyennes Entreprises qui promeut des réglementations commerciales favorables aux femmes et apporte un soutien ciblé aux femmes qui travaillent à leur compte, aux entrepreneures de nécessité et à celles qui gèrent des entreprises à domicile ou familiales. Des leçons importantes se dégagent de ce projet :  

  • Les barrières culturelles et les normes de genre qui empêchent l'adoption et la mise en œuvre d'une législation progressive peuvent être abordées par des campagnes de changement de comportement (par exemple, des campagnes de marketing social) qui incluent les dirigeants communautaires, les gouvernements locaux et les femmes entrepreneures ayant réussi qui peuvent servir de modèles. Les technologies et les médias numériques offrent également une plateforme de diffusion efficace qui peut modifier les comportements au fil du temps, en particulier parmi les jeunes générations. 

  • Les modèles éprouvés d'autonomisation des femmes, tels que la formation à l'initiative personnelle (IP), dont il a été démontré qu'elle entraîne une croissance remarquable des petites entreprises détenues par des femmes, pourraient être adaptés au contexte local. Par exemple, une évaluation d'impact en cours comprend une version de la formation IP proposée simultanément aux maris des femmes entrepreneures. Les premiers résultats montrent une augmentation de la participation des femmes entrepreneures quand les maris étaient également invités. 

  • Malgré la nouvelle législation, les fonctionnaires et le secteur privé continuent d’appliquer les règles obsolètes et discriminatoires. L'étude de cas donne l'exemple de banques commerciales, notamment dans les provinces, qui exigent toujours l'autorisation écrite du mari pour que les femmes entrepreneures mariées puissent ouvrir un compte bancaire. Le développement des capacités (par exemple, la formation des agents de crédit aux questions de genre) a donné quelques résultats dans le cadre du projet en cours, mais des efforts plus importants sont nécessaires, notamment à travers le développement d'instruments financiers qui répondent spécifiquement aux besoins des femmes entrepreneures. 

Le projet existant a démontré des résultats positifs pour les femmes bénéficiaires et a généré une demande considérable, notamment pour la formation IP et l'accès au financement. Un nouveau projet, Autonomisation des Femmes Entrepreneures et Mise à Niveau des MPME pour la Transformation Économique et l'Emploi en RDC, va apporter 300 millions de dollars pour intensifier les efforts concernant l'autonomisation économique des femmes dans quatre lieux supplémentaires. L'exemple de la République démocratique du Congo montre que non seulement des réformes juridiques sont nécessaires dans un premier temps pour accorder aux femmes des droits mais aussi que les efforts de mise en œuvre sont essentiels  pour que ces changements aient un impact fort et durable sur la vie des femmes. 


Auteurs

Julia Braunmiller

Senior Private Sector Development Specialist

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