COVID-19 : l’urgence de la réforme des EFTP devenue encore plus évidente

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Les perturbations que la COVID-19 a causées à l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) ont été d’une ampleur stupéfiante. Dans notre blog de mai 2020, nous prédisions que l’EFTP souffrirait particulièrement de la fermeture des écoles étant donné que la transmission de compétences pratiques et leur évaluation sont si essentielle dans ce secteur de l’enseignement et qu’elles seraient particulièrement difficiles à assurer en mode à distance. A présent, nous disposons de données montrant l’impact des premiers moments de la pandémie sur l’EFTP. Dans une enquête réalisée par l’OIT, l’UNESCO et la Banque mondiale en avril et mai 2020, des données ont été recueillies auprès de 1 300 répondants de 126 pays, représentant les plus grands pourvoyeurs d’EFTP. Selon la grande majorité des répondants (90%) les établissements d’EFTP ont été fermés dans leur pays et selon quasiment tous ces répondants (98%) l’enseignement pratique a subi des perturbations. Les activités d’évaluation ont été également suspendues, avec plus de trois quarts des répondants indiquant un report des examens. Cette situation est très préoccupante parce que ces perturbations de l’apprentissage peuvent conduire au découragement et à l’abandon impliquant à long terme des conséquences sociales et économiques pour les apprenants. Sans mesures de remédiation, cela pourrait engendrer une « génération COVID-19 » de travailleurs avec de faibles salaires exerçant des emplois de faible qualité tout au long de leur vie.

La pandémie de COVID-19 a déclenché d’énormes efforts pour promouvoir la continuité de l’apprentissage et a accéléré l’adoption d’approches innovantes. Après l’arrêt des enseignements en salle de classe, plusieurs établissements d’EFTP se sont dépêchés pour passer aux modalités d’apprentissage à distance, cherchant des solutions et des partenaires pour faciliter ce changement et rendant disponibles des appuis pour les étudiants et les enseignants. Dans la plupart des pays, les établissements d’EFTP enquêtés n’avaient pas à l’avance une stratégie de réponse à une crise éventuelle et peu avaient de l’expérience dans l’enseignement à distance. Néanmoins, près des deux tiers d’entre eux avaient réussi à dispenser intégralement leurs formations à distance au moment de l’enquête. La pandémie a forcé les établissements qui étaient lents à exploiter les opportunités offertes par la technologie à s’adapter rapidement, souvent avec l’appui de partenariats entre les enseignants et la direction des institutions d’EFTP, les opérateurs de télécommunication, les prestataires de technologies, les gouvernements et les parents. 

La formation pratique a été fortement perturbée presque partout, bien qu’il y ait quelques exceptions positives. La plupart des établissements n’ont pas pu offrir ou d’évaluer les formations pratiques qualifiantes, et ont donc axé l’enseignement à distance sur les cours théoriques, espérant reprendre la formation pratique plus tard. Certains se sont arrangés pour se concentrer sur les compétences pratiques même aux plus forts moments des quarantaines. Dans certains cas, les apprentissages ont poursuivi même lorsque les écoles étaient fermées. Des répondants en Equateur ont rapporté que des étudiants effectuaient des tâches pratiques à domicile et envoyaient les résultats de leur travail par vidéos et photos pour évaluation par leurs enseignants. 

Les réponses réussies à la crise ne se répartissent pas de manière égalitaire, et la crise a mis en évidence des écarts préexistants en matière d’accès aux opportunités d’apprentissage. Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et dans ceux à revenu élevé, les trois quarts des établissements d’EFTP enquêtés ont indiqué dispenser un enseignement intégralement à distance alors que ce chiffre était de moins de la moitié dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieur et de moins d’un sur cinq dans les pays à faible revenu. La dominance de solutions high-tech telles que les vidéo-conférences et les environnements d’apprentissage virtuels peuvent avoir exacerbé la fracture digitale au sein des pays. Des preuves venant d’un programme d’apprentissage à distance en Inde montrent que les étudiants issus de ménages à faible revenu ont eu un accès limité et des difficultés à participer aux séances d’enseignements à distance à cause du coût de la connexion internet, de la qualité de leurs appareils et de coupures d’électricité. Cela démontre la valeur des approches multicanaux (ou multimodales) dans l’appui à un accès continu à l’enseignement pour tous, tel qu’a été le cas pour l’EFTP en Afghanistan durant la crise de la COVID-19

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L’année 2020 a été une année de créativité intense. En 2020, en Mongolie, par exemple, comme nous l’avons vu dans un récent webinaire, le gouvernement a mené une expérience sur la formation sur place de stagiaires, a créé une base de données sur les programmes d’enseignement numériques et a développé un système numérique de suivi et d’information. A présent, il s’attèle à améliorer les compétences numériques des apprenants et du personnel enseignant et envisage de passer à des cours de courte durée et souples pour mieux répondre aux besoins des employeurs. Au Brésil, le réseau pour la formation industrielle (SENAI) a fortement élargi son offre et sa capacité en matière de formation virtuelle en 2020. En plus d’élargir les possibilités d’apprentissage virtuel pour ses étudiants, il a créé une plateforme pour appuyer le personnel enseignant du SENAI dans l’élaboration et la prestation de cours à distance et a créé un pôle d’innovation où les entreprises peuvent exprimer les défis du monde réel auxquels les étudiants du SENAI doivent apporter réponse. 

Les systèmes d’EFTP doivent prendre en compte les implications à court terme de la pandémie et les problèmes structurels persistants. Apporter des réponses à la pandémie implique de prévenir et de remédier les abandons et d’inverser les pertes d’apprentissage ainsi que de recycler les travailleurs pour rehausser leur employabilité sur un marché du travail qui peut-être a changé structurellement. En même temps, plusieurs systèmes d’EFTP à travers le monde doivent encore s’attaquer à des carences structurelles importantes qui ont affaibli leur performance de manière persistante avant même la pandémie. 

La pandémie a mis à nu les faiblesses des institutions et systèmes d’EFTP mais l’ampleur de l’innovation et de l’expérimentation a aussi montré que des changements rapides sont possibles. Alors que les économies, les écoles et les centres de formation rouvrent, il est urgent d’avoir des mécanismes de développement des compétences qui sont adaptés à la fois aux besoins de chacun des étudiants et à l’évolution des exigences de compétences du marché du travailplus de valeur que jamais est accordée aux compétences numériques, aux compétences socio-émotionnelles, aux compétences cognitives d’un ordre supérieur et à l’adaptabilité. Cette situation ouvre une fenêtre d’opportunité alors que les parties prenantes se rendent compte des possibilités et de la nécessité de réformes structurelles de l’EFTP en vue d’un meilleur développement des compétences et de meilleurs emplois. 

A travers une initiative conjointe, la Banque mondiale, l’OIT et l’UNESCO appuieront les efforts dans ce sens en partageant des leçons apprises et de bonnes pratiques sur les aspects clés de l’offre d’EFTP. Ce travail vise à appuyer les réformes systémiques visant à améliorer la performance de l’EFTP dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sur des dimensions essentielles de l’accès, l’équité, la qualité et la pertinence. Il générera de nouvelles connaissances sur cinq axes : la technologie, les enseignants, la réactivité à la demande, l’apprentissage par le travail pratique, et l’évaluation et la certification. Ces cinq axes sont ressortis comme étant les sujets d’actualité relatifs à l’EFTP où les carences en connaissances sont les plus grandes, lors de consultations avec les parties prenantes à travers le monde. Les premiers résultats de ce travail devraient être disponibles plus tard au cours de cette année calendaire et nous les rapporterons ici. Restez à l’écoute !


Auteurs

Michael Weber

Économiste principal, Project pour le capital humain (PCH)

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