Mère de trois enfants dans le secteur de Karama dans le district de Huye de la province Sud du Rwanda, Ntirugirimbabazi Claudine a dû, comme tous les autres parents, déclarer la naissance de ses enfants. Elle se rappelle avoir eu à se déplacer, juste après ses accouchements, jusqu’aux bureaux de secteur du gouvernement local pour déclarer ses enfants et obtenir des actes de naissance.
« À la naissance de nos deux premiers enfants, c’est mon mari qui est allé au bureau de secteur. Muni de sa pièce d’identité et de la mienne, il s’est présenté à l’agent de l’état civil qui a enregistré les naissances. Même si l’accouchement avait donné lieu à des complications, nous devions aller jusqu’à ce bureau. Ce n’était pas facile pour nous. Les démarches étaient compliquées, longues, et nous demandaient à la fois du temps et de l’argent », explique Claudine.
Tout comme celle de Claudine, des milliers d’autres familles au Rwanda étaient confrontées à la complexité des processus de déclaration des naissances de leurs enfants. La loi exigeait que l’on se rende dans l’un des 416 bureaux de secteur du gouvernement local du Rwanda, obligeant les parents à quitter leur travail ou déléguer la garde des enfants et à payer les frais de déplacement et les coûts d’enregistrement des naissances. Et, bien que le Rwanda ait déjà recours aux systèmes électroniques d’enregistrement de l’état civil, leur utilisation n’était pas systématique et les bases de données s’en trouvaient tronquées.
Ces difficultés sont vraisemblablement une des causes du faible taux d’enregistrement des naissances des enfants de moins de 5 ans au Rwanda – 44 % en 2014 et dont 5 % seulement avaient reçu un certificat de naissance – , comme l’a révélé l’Enquête démographique et de santé (EDS) 2014–2015. Si leur naissance n’a pas été enregistrée, les enfants ne peuvent participer aux programmes d’aide sociale ni être admis à l’école et ainsi être protégés contre le travail des enfants ou le mariage précoce. En tant qu’adultes, ils ne pourront pas faire de demande de pièce d’identité, nécessaire pour être embauché ou passer le permis de conduire, ni ouvrir un compte en banque ou avoir accès à des crédits afin de développer leur activité économique.
La décentralisation de l’enregistrement des naissances a tout changé
Pour Faire en sorte que chaque vie soit déclarée et compte, le gouvernement du Rwanda s’est engagé, dans son plan stratégique d’enregistrement et de statistiques de l’état civil (CRVS) national, à remédier à cette situation. Avec le soutien de la Banque mondiale, du Mécanisme de financement mondial (GFF) et de l’initiative Identification for Development (ID4D), dans le cadre du Projet de renforcement de la protection sociale de la Banque mondiale, l’agence nationale rwandaise de l’état civil (NIDA) a entrepris de moderniser son système d’enregistrement et de statistiques de l’état civil afin de veiller à ce que chaque personne soit dotée d’une identité juridique, à la bonne gouvernance et à une prise de décision fondée sur des données probantes dans le domaine du développement durable.
En tout premier lieu, le gouvernement s’est attelé à la question de l’accès aux services. L’EDS de 2019–2020 révélait que 93 % des naissances au Rwanda s’étaient déroulées dans des établissements de santé, où les enfants venaient également se faire soigner au cours de leur première année de vie. Il semblait ainsi que de permettre aux familles d’enregistrer leurs enfants dans ces établissements avant leur retour à la maison pourrait fortement contribuer à améliorer les taux de déclaration des naissances, mais la loi de 2016 régissant les personnes et la famille interdisait aux agents des établissements de santé d’enregistrer les événements et de délivrer des actes d’état civil. En 2020, le gouvernement a donc modifié cette loi et attribué des fonctions d’agents de l’état civil à ces personnels de santé, franchissant une étape clé dans la transformation du cadre juridique visant l’instauration d’un nouveau système modernisé de CRVS et la mise en place d’un enregistrement et d’une certification électroniques et rapides d’actes d’état civil.
« C’est l’une des meilleures expériences que de fournir des services d’enregistrement des naissances aux citoyens, sachant qu’ils n’auront pas à se déplacer jusqu’aux bureaux de secteur pour déclarer leurs nouveau-nés. Ce service rapide et accessible a été rendu possible grâce à la dernière étape franchie par le nouveau système d’enregistrement », expliquait Murebwayire Marie Grace, l’officier d’état civil de l’hôpital de district de Nyamata.
L’amélioration des systèmes numériques rapproche les services sociaux des bénéficiaires
En deux années, le gouvernement s’est également attelé à résoudre des dysfonctionnements systémiques à plusieurs niveaux. L’un des principaux changements a été l’attribution d’un identifiant unique à chaque nouveau-né et la transmission directe et en temps réel des naissances et des décès au système national d’enregistrement de la population. Les établissements de santé ont été équipés du matériel informatique et de la connexion Internet nécessaires, et près de 1 000 agents de santé ont été formés aux fonctions de l’état civil. À ce jour, 483 établissements de santé dans les 30 districts sont connectés au système national. En parallèle, le gouvernement a mis en œuvre des programmes de sensibilisation afin d’améliorer la prise de conscience par la population de l’importance des enregistrements en temps opportuns. De ce fait, entre août 2020 (au lancement du système) et janvier 2021, environ 70 800 naissances et 1 350 décès ont été enregistrés dans des établissements de santé.
Le gouvernement dispose désormais de bases de données plus complètes et précises lui permettant d’accorder des prestations d’aide sociale aux bénéficiaires concernés. Par exemple, le programme Nutrition Sensitive Direct Support, qui apporte un soutien nutritionnel aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 2 ans, peut ainsi suivre les services fournis, tels que les soins postnatals et les consultations de suivi de croissance des enfants, et transférer rapidement aux familles éligibles les montants qui leur reviennent. Cela sera une étape supplémentaire sur la voie de l’accès de ces familles aux autres prestations leur permettant d’améliorer leur développement, leur apprentissage et leurs revenus, tous indispensables au développement du capital humain au Rwanda.
« L’enregistrement des enfants, effectué immédiatement après la naissance dans les établissements de santé, permet de leur octroyer un identifiant national unique. C’est l’élément essentiel pour effectuer le suivi des enfants et de leur croissance, dans le cadre des efforts du Rwanda de lutter contre la malnutrition et les retards de croissance », déclare Uwicyeza Esperance, coordonnatrice d’une unité de mise en œuvre de la protection sociale au sein de l’Agence de développement des entités administratives locales.
Le nouveau système de CRVS facilitera l’accès des familles avec de jeunes enfants aux prestations relatives à la COVID-19 et à d’autres situations d’urgence. Il permettra également d’enregistrer rapidement les décès et leurs causes, et viendra soutenir la réponse du gouvernement face à la pandémie et ses efforts de rétablissement.
Aujourd’hui Claudine parle de la fluidité du processus, et se réjouit que ses enfants puissent accéder à ces prestations d’aide :
« Cette fois-ci, c’est ma belle-sœur qui m’a aidée pour l’enregistrement, sur place à l’hôpital. On m’a seulement demandé de présenter ma pièce d’identité. On nous a dit que notre enfant était désormais identifié électroniquement dans toutes les autres bases de données gouvernementales pertinentes, et on nous a donné un numéro à communiquer pour obtenir l’acte de naissance auprès d’Irembo. Maintenant que notre enfant est enregistré, nous allons pouvoir accéder aux prestations financières qui nous aideront à bien prendre soin d’elle. »
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