A 5 heures du matin, alors que le soleil ne s’est pas encore levé, les rues de Port au Prince sont déjà débordantes d’activités et les embouteillages commencent. Contrairement à ce que nous pourrions imaginer, ce ne sont pas les voitures ou autres véhicules motorisés qui encombrent les rues de Port au Prince. Les niveaux de revenus sont encore trop faibles en Haïti pour permettre au plus grand nombre de s’acheter une voiture ou de se déplacer en tap-taps colorés (en 2015 Haïti était 200ème sur les 216 pays du classement du revenu national brut publié par la Banque Mondiale).
A cette heure-ci de la journée, les rues grouillent de gens qui marchent pour se rendre au travail ou à l’école. Ils commencent leur long périple tôt pour pouvoir arriver à l’heure. En effet, seulement 26% des Haïtiens utilisent régulièrement un véhicule motorisé. Les 74% restant, soit marchent pour se déplacer, soit ne se déplacent pas du tout.
Cela signifie qu’ils sont obligés de marcher des distances considérables pour trouver du travail, slalomant souvent entre les vendeurs et les voitures garées sur le bas-côté. Même après avoir marché une heure, les opportunités professionnelles qui s’offrent à eux restent relativement limitées, surtout quand on les compare à la quantité d’emplois qu’une zone urbaine de 3,5 millions d’habitants comme Port-au-Prince peut offrir. Un habitant de la ville de Port-au-Prince qui se déplace à pied ne peut atteindre en moyenne que 12% des emplois en une durée maximale de marche de 60 minutes. Et plus on s’éloigne du centre-ville pour se rapprocher de la banlieue, plus cette part diminue.
Les travaux de recherches conduits dans le cadre de la Revue d’Urbanisation ont évalué que seulement 42% et 40% de la population, respectivement de Port-au-Prince et de Cap-Haitien, s’éloigne quotidiennement de chez elle dans un rayon supérieur à 1km. Les villes de Port-au-Prince et de Cap-Haitien échouent à mettre en relation les individus avec des opportunités professionnelles en accord avec leurs compétences et leurs aspirations.
Se déplacer en tap-tap augmente le nombre d’opportunités auxquelles les individus peuvent prétendre. A Port-au-Prince en une heure de trajet, ils peuvent, en moyenne, accéder à 27% des emplois. Mais seule une minorité de personnes peut se permettre de prendre un tap-tap de manière régulière. Aujourd’hui, le coût que représente deux trajets par jour, 5 jours par semaine, absorbe entre 25% et 73% du budget des personnes qui vivent dans le quintile le plus bas de la répartition des dépenses par habitant.
Comment les décisionnaires peuvent-ils améliorer l’accès aux opportunités professionnelles de la population et quelles sont les priorités d’intervention ? Une meilleure gestion de l’espace public et de l’occupation des routes peut aider à améliorer la qualité du trajet et la sécurité de ceux qui se déplacent à pied tout en réduisant les embouteillages. Si les piétons, les vendeurs et les tap-taps ne se concurrençaient plus le même espace, cela pourrait doubler les infrastructures disponibles pour les véhicules roulants et ainsi diminuer les embouteillages.
Et au fur et à mesure que les embouteillages diminuent, le nombre d’aller-retour que les tap-taps feront en une journée augmentera, réduisant ainsi les coûts d’exploitation et potentiellement le prix de la course pour les usagers. A plus long terme et au fur et à mesure qu’Haïti s’urbanise et que ses villes s’agrandissent, il sera aussi essentiel de mieux coordonner les transports avec l’organisation du territoire. Ceci pouvant améliorer l’accessibilité et générer un développement urbain plus résilient qui encourage la croissance en dehors des zones à risques tout en s’assurant que les nouveaux développements urbains restent connectés à des zones où se concentrent les opportunités professionnelles.
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