Comme partout ailleurs dans le monde, le Burundi n’a pas été épargné par la pandémie de COVID-19. Après un premier cas déclaré en mars 2020, le pays comptait 431 cas au 26 août dernier, dont un décès officiellement déclaré. Ces chiffres témoignent d’une évolution moins dramatique de la pandémie au Burundi et plus généralement en Afrique, par rapport à ce que l’on a pu observer en Asie, en Europe ou en Amérique. Alors que de nombreuses théories tentent d’expliquer ce phénomène, le milieu médical s’accorde sur trois piliers essentiels permettant de contenir la transmission de la maladie : le lavage régulier des mains, avec de l’eau et du savon (ou une solution hydroalcoolique), le port du masque et la distanciation physique. Les autorités burundaises, conseillées par un comité scientifique dirigée par le Pr. Théodore Niyongabo, ont invité la population à se protéger en adoptant ces gestes barrières contre la propagation de la pandémie.
Cependant, ces mesures, dites “simples”, peuvent présenter un vrai défi de développement dans des pays où, par exemple, l’accès à l’eau et au savon ne vont pas de soi. Une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à l’eau et en Afrique subsaharienne, près de 63 % des populations urbaines ont du mal à accéder aux services élémentaires d’alimentation en eau. Au Burundi, une récente étude sur la santé menée par le programme commun de l’OMS et l’UNICEF, a montré que seulement 46% de la population burundaise avait accès aux services d’hygiène de base tandis que seulement 6% pouvait s’offrir du savon. Comme l’expliquaient les bénéficiaires du projet, l’achat de savon pour l’hygiène personnelle passe en effet après l’alimentation de la famille, l’éducation des enfants ou l’achat de petit bétail, notamment d’une vache.
Près de 72 % de la population Burundaise vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 58 374 francs burundais par personne et par mois, soit moins de 31 dollars ; alors qu’un savon coûte 300 francs burundais.
La Banque mondiale, au travers le Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie (PEF), s’est associé à l’UNICEF, aux autres acteurs de développement au Burundi ainsi qu’au secteur privé pour soutenir l’action du gouvernement dans la lutte contre la propagation de la COVID-19.
La campagne "Blue Soap" s’inscrit dans le plan d’urgence COVID-19, mis en place par le ministère de la Santé et de la lutte contre le SIDA. Cette initiative unique en son genre vise à produire et distribuer un savon, dont les qualités hygiéniques associées à la taille lui permettent de durer plus longtemps que les savons classiques vendus sur le marché. Sa couleur bleue et son prix gravé, le rendent immédiatement reconnaissable par les ménages. C’est grâce à la société Savonor, une société industrielle qui produit du savon dans le pays, que le "Blue soap" a pu être disponible sur tout le territoire du pays, réduit de moitié le prix habituel (150 francs burundais, au lieu de 300 francs)
Avec un investissement de 2,46 millions de dollars, les partenaires ont permis de subventionner une partie du prix du savon, de fournir des dispositifs de lavage des mains dans les établissements de santé, les écoles et les espaces publics et de mener des campagnes de sensibilisation et d’information du public.
En trois mois, de juin à août 2020, 30 millions de savons de 110gr ont été vendus touchant plus de 7,5 millions de bénéficiaires.
Cette campagne vise également à augmenter les revenus générés par la vente de ce savon pour les petits commerçants. À l’heure où le commerce informel souffre déjà des impacts de la crise, cet apport n’est pas négligeable et il faudra analyser quelles autres retombées cette initiative aura pu engendrer. Pour l’heure, des résultats positifs ont déjà pu être constatés, même s’ils restent anecdotiques.
L’initiative, a pris fin au mois de septembre 2020 et 40 millions de savons ont été distribués. Une étude d’impact rapide, commanditée par la Banque mondiale, permettra d’évaluer non seulement l’impact sur la propagation de la COVID-19, mais également, à long terme, sur les autres maladies dites “des mains sales”, telles que le choléra et la dysenterie bacillaire. Une campagne de sensibilisation sur l’importance des mesures d’hygiène pour prévenir d’autres maladies accompagne l’initiative pour inciter la population à modifier ses comportements et adopter des gestes simples qui peuvent sauver des vies.
Avec une densité de population parmi les plus élevées d’Afrique, le Burundi est confronté à un réel défi pour mettre en œuvre les deux autres piliers de la stratégie, à savoir le port du masque et la distanciation physique. La campagne « Blue Soap » entend démontrer l’importance de la synergie entre le gouvernement, la communauté internationale et le secteur privé pour pouvoir faire face aux défis de développement dans un pays tel que le Burundi.
Un exemple à répliquer. La collaboration entre ces différents acteurs économiques et sociaux a permis une intervention rapide face à l’urgence, avec des impacts immédiats en matière de santé, d’économie et de protection des plus vulnérables. On peut s’attendre aussi à des effets à moyen et long terme, qui devraient inciter à suivre cet exemple dans d’autres domaines d’intervention.
Les populations les plus vulnérables subiront inévitablement les effets de la récession économique post-COVID-19 et le Burundi ne fera malheureusement pas exception à la règle. Même s’il est trop tôt pour évaluer de manière précise les impacts de la crise sur la vie économique et sociale du pays, il est impératif de prendre les devants avec des mesures qui permettront de protéger les populations déjà fortement fragilisées face aux maladies “des mains sales”. Ce sont notamment les femmes et les enfants qui sont les plus touchés par ces fléaux. La crise engendrée par la COVID-19 a mis en exergue l’impossibilité pour un seul intervenant de faire face à des défis d’une telle ampleur. Elle a également démontré que nul n’était à l’abri des effets de la pandémie et qu’il ne s’agissait pas seulement d’un problème de santé publique. La société civile, les associations de jeunes et de femmes, les organisations d’agriculteurs et de caféiculteurs, les autorités religieuses ont chacune leur rôle à jouer : tous ensemble, contre la pandémie.
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