Entre 2014 et 2019, la pauvreté a reculé au Niger, à la faveur d’une accélération de la croissance économique à partir de 2015. L'agriculture, premier pourvoyeur d'emplois pour les populations pauvres, en a été le principal moteur devant l'industrie, le secteur manufacturier et les services. La pauvreté a diminué de 5,4 points de pourcentage, au bénéfice des zones rurales tout particulièrement. La proportion de personnes en situation de pauvreté « multidimensionnelle » — un indicateur qui rend compte de la situation des ménages sur le plan de la santé, l'éducation, l'électricité, l'eau, l'assainissement, les conditions de logement et la possession d'actifs — est passée de 70 à 60 %.
La hausse de la consommation a également favorisé les plus pauvres, entraînant une réduction des inégalités, l'indice de Gini passant de 0,37 en 2014 à 0,35 en 2019. Néanmoins, malgré ces améliorations dans les dimensions non monétaires du bien-être, les résultats du Niger restent insuffisants, et l'accès aux services sociaux de base limité.
Graphique 1 : Pourcentage de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle au Niger, par région
En dépit des progrès réalisés entre 2014 et 2019, la pauvreté demeure endémique dans le pays. En outre, la pandémie de COVID-19 et le ralentissement économique qu'elle a provoqué ont annulé bon nombre des avancées récentes. En 2019, deux Nigériens sur cinq (40,8 %) vivaient sous le seuil de pauvreté national, la plupart (95 %) dans les régions rurales où l'incidence de la pauvreté est beaucoup plus élevée (46,8 %) que dans la capitale, Niamey (7 %), et dans les autres centres urbains (11,8 %).
En 2020, les baisses de revenus dues aux pertes d'emploi liées à la COVID et au déclin des remises migratoires ont inversé la dynamique de réduction de la pauvreté. Pour la première fois depuis des décennies, le taux d'extrême pauvreté a augmenté en 2020 pour atteindre 42,9 % selon les estimations, soit plus de 10 millions de personnes. Alors qu'il est probable que ce taux se stabilise en 2021 et 2022, le nombre absolu de pauvres au Niger devrait continuer à augmenter en raison de la croissance rapide de la population. En outre, la pandémie a limité l'accès des ménages aux services essentiels, tels que la santé et l'éducation.
Graphique 2 : La prévalence de la pauvreté est plus forte dans les régions de Dosso, de Zinder et de Maradi
Premier employeur du pays, le secteur agricole détermine en grande partie les revenus des ménages ruraux nigériens. L'agriculture contribue à 40 % du PIB et emploie 75 % de la population active. Les cultures vivrières y occupent une place prépondérante. Les céréales dépendant des précipitations représentent 40 % du revenu des ménages ruraux (ce qui est inférieur à la moyenne de 68 % en Afrique subsaharienne). L'élevage génère environ 6 % des revenus dans les campagnes, ce qui reflète le fait que 95 % des ménages ruraux possèdent ou gardent des animaux.
Les familles rurales tirent également environ 20 % de leur revenu total d'activités non agricoles. Le commerce, les services, l'électricité et l'eau sont les principaux secteurs générateurs de revenus communs à toutes les tranches de revenu. Pourtant, seuls 16 % des ménages nigériens ont accès à l'électricité, contre une moyenne de près d'un sur deux dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne.
Graphique 3 : Répartition des différentes sources de revenus, par région
Les risques naturels posent des défis majeurs à l'agriculture nigérienne, mais seuls quelques ménages disposent de mécanismes d'adaptation efficaces pour y faire face. Les stratégies les plus courantes consistent à demander de l'aide à ses amis et sa famille (19 %), vendre du bétail (19 %) et puiser dans son épargne (18 %), signe que les programmes officiels de protection sociale sont insuffisants. Dans les zones rurales, les ménages réduisent souvent leur consommation à la suite d'événements défavorables, au détriment de la nutrition et du capital humain de leurs enfants.
Le Niger est l'un des pays les plus chauds du monde : la saison des pluies est très courte, elle ne dure en général que deux mois, et le pays est sujet à des inondations saisonnières. En 2019, des crues soudaines — notamment à Agadez, Diffa, Maradi et Zinder — ont touché plus de 259 000 personnes, perturbant les moyens de subsistance et causant des pertes de bétail.
En 2011, à la suite d'une forte sécheresse, les pertes de récoltes et de bétail ont fait basculer près de la moitié des Nigériens dans un état de forte insécurité alimentaire. Le phénomène s'est reproduit quelques années plus tard : pour 35 % de la population rurale et 4 % des citadins, la sécheresse a constitué un choc majeur au cours des trois années précédant l'enquête auprès des ménages 2018/2019.
Graphique 4 : Proportion de ménages exposés à des chocs
La réduction des disparités entre les sexes est également essentielle pour lutter contre la pauvreté. Malgré les efforts du gouvernement pour les réduire, les inégalités hommes-femmes perdurent dans la plupart des familles nigériennes. L’éducation des filles après le primaire pâtit des mariages et des grossesses précoces, entre autres facteurs.
Graphique 5 : Taux d'alphabétisation par sexe et par groupe d'âge
Cette discrimination persiste à l'âge adulte, où les femmes nigériennes sont davantage cantonnées dans des emplois informels mal payés, principalement dans l'agriculture de subsistance, et gagnent 29 % de moins que les hommes pour un travail similaire. Les préjugés sociaux limitent en outre leur accès à la terre et leurs chances de posséder des biens. Et les entreprises non agricoles appartenant à des femmes réalisent des bénéfices inférieurs de 61 % à celles des hommes.
En conclusion, malgré les progrès accomplis au cours de la dernière décennie, la pauvreté est toujours répandue au Niger, en particulier dans les zones rurales, et la pandémie de COVID-19 a aggravé la situation. L’agriculture, principale source de revenus des ménages ruraux (40 %), est exposée à des aléas naturels (inondations, sécheresse) qui limitent les possibilités de croissance des revenus et de réduction de la pauvreté. Les inégalités persistantes entre les sexes et la faiblesse du capital humain sont également des freins majeurs pour les ménages nigériens.
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