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Tirer les enseignements du changement d’approche politique du Burundi sur la question de vaccins COVID-19

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L’hésitation à se faire vacciner contre la COVID-19 fait l’objet d’un discours continu parmi les citoyens africains, ce qui contraste fortement avec le silence relatif sur cette hésitation du point de vue politique. Alors que les pays du monde entier s’efforcent de réduire la propagation et la gravité de la pandémie de COVID-19 (coronavirus) par le biais de la vaccination, il reste des cas isolés qui n’ont pas encore lancé de campagne de vaccination nationale. Le Burundi fut l’un de ces rares pays, jusqu’à ce que ses dirigeants politiques décident d’adopter des mesures de santé publique mondiales et d’intégrer un pilier de vaccination dans son plan national de riposte contre la COVID-19 en septembre 2021.

Dans les semaines qui ont suivi leur changement d’approche, des centaines de milliers de doses ont commencé à affluer dans le pays, notamment un don de Sinopharm par le Gouvernement de la République Populaire de Chine et une livraison de doses Johnson and Johnson par le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) par le biais du Fonds Africain pour l’Acquisition des Vaccins (AVAT), grâce à un financement sous forme de don de la Banque mondiale.

Comprendre la dynamique derrière l’hésitation politique du Burundi (et son acceptation par la suite) peut aider à tirer des enseignements d’économie politique susceptibles d’orienter les mesures actuelles ou futures de réponse à la pandémie. Le changement d’approche du Burundi vers l’adoption de vaccins COVID-19 est le résultat d’une facilitation intracontinentale sans précédent associée à un dialogue pragmatique dans le pays, alors que l’adoption tardive des vaccins aurait pu d’abord refléter l’hésitation vaccinale au sein de l’ensemble de la population.

Réflexion sur l’hésitation vaccinale au sein de l’ensemble de la population  

L’hésitation des Burundais à se faire vacciner contre la COVID-19 n’est pas une exception au sein des populations d’Afrique, ni du monde d’ailleurs. Alors que le Burundi ne figure dans aucune enquête d’opinion sur l’hésitation à se faire vacciner contre la COVID-19 jusqu’à présent, une enquête menée en 2020 par le Centre Africain pour le Contrôle et la Prévention des Maladies (CACM Afrique) dans 15 pays de la région a révélé que l’hésitation vaccinale allait de 4 % à 38 %. Dans une enquête d’Afrobarometer menée dans cinq pays, six citoyens sur dix hésitaient à se faire vacciner. Les préoccupations étaient de nature diverse, allant de la sécurité de vaccins produits aussi rapidement aux effets secondaires potentiels et à leur gestion, en passant par l’efficacité générale des vaccins. En outre, une enquête Geopoll menée dans six pays africains a démontré que les croyances religieuses sont un facteur déterminant de l’hésitation vaccinale.

De même, la faible perception de l’ampleur de la menace posée par la COVID-19 pourrait avoir renforcé l’hésitation vaccinale au Burundi. Ces perceptions ont été établies dans quelques autres pays africains, où ceux qui ne croyaient pas à l’existence de la COVID-19 étaient peu enclins à vouloir le vaccin ; et l’acceptation des vaccins parmi les personnes qui connaissaient quelqu’un ayant déjà été infecté par la COVID-19 était 13% plus élevée que celle des personnes qui ne le connaissaient pas. En effet, depuis que le premier cas de COVID-19 a été détecté au Burundi le 31 mars 2020, soit environ un mois après le premier cas sur le continent, le nombre de cas signalés est resté très faible. Pendant environ un an après l’annonce du premier cas, le pays a été considéré comme ayant une "faible incidence de transmission communautaire" par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le nombre de décès signalés n’a pas dépassé 15. Ce n’est qu’à partir de juillet 2021 que le Burundi a été frappé par sa première véritable vague d’infections, avec des centaines de cas par jour et un taux de positivité des tests passant de 1,99 % à 4,21 %, mais sans changement significatif du nombre de décès signalés.

Une facilitation intracontinentale sans précédent

Dans le cadre du Fonds Africain pour l’Acquisition des Vaccins (AVAT) de l’Union Africaine créée fin 2020, les autorités du Gouvernement Burundais ont participé à de fréquentes réunions intergouvernementales africaines de haut niveau où elles ont été soutenues dans leur approche de la surveillance des cas et de la propagation du virus. À partir de là, elles ont pu établir la confiance et recevoir les assurances dont elles avaient besoin pour passer de la surveillance à la vaccination, une étape majeure dans leur réponse à la pandémie de COVID-19. Le fort plaidoyer du Fonds AVAT et son approche orientée vers l’action pour réduire l’écart de vaccination entre l’Afrique et le reste du monde en ont fait un partenaire attrayant pour le Burundi, qui a poursuivi en parallèle les discussions pour rejoindre l’initiative COVAX, qui sont toujours en cours. Grâce à un don de la Banque mondiale, le Burundi a pu disposer des fonds nécessaires à l’achat et au déploiement des vaccins par l’entremise du Fonds AVAT dès qu’il s’est engagé à vacciner sa population, ce qui constitue une victoire majeure pour les habitants du pays lorsqu’il s'agit de les protéger contre le virus et d’assurer leurs moyens de subsistance. 

Un dialogue pragmatique dans le pays

La communauté internationale œuvrant à l’extérieur du Burundi a saisi toutes les occasions d’aborder la question de la vaccination et de présenter les preuves de son efficacité. Il était essentiel que les partenaires au développement du Burundi s’alignent sur cette question, afin que chacun d’entre eux, lors des discussions importantes avec les autorités burundaises, transmette un message fort et unifié : les vaccins sauvent des vies et contribueront à remettre l’économie sur les rails. Il était important de dissiper autant de désinformation que possible, d’assurer une disponibilité de fonds et de soutien qui couvrirait l’achat et le déploiement des vaccins, ainsi que le dédommagement pour tout effet secondaire grave, le cas échéant. La Banque mondiale faisait partie d’une coalition de missions au Burundi engagées dans ce dialogue et a fortement soutenu ce processus.

En plus de faire comprendre l’importance de la vaccination, il était également important d’apporter le soutien aux autres piliers de la réponse gouvernementale à la pandémie. La Banque mondiale et d’autres partenaires ont compris qu’avec la vaccination, les autres piliers de la réponse renforceraient la résilience globale du pays à cette pandémie ou à toute autre pandémie future, en donnant une impulsion considérable aux systèmes de santé et de protection sociale du Burundi, ce qui l’aiderait à surmonter les chocs futurs. Grâce à un don de 60 millions de dollars, la Banque mondiale fournit la part du lion du soutien au plan de riposte contre la COVID-19 du Burundi, qui a alloué environ un tiers à l’achat de vaccins, à peu près la même proportion au déploiement de vaccins, et le dernier tiers à d’autres piliers, notamment le matériel.

Quelles sont les prochaines étapes ?

À la fin du mois de mars 2022, environ 10 000 Burundais avaient été entièrement vaccinés. Bien que les plans de déploiement doivent encore être pleinement mis en œuvre et que l’hésitation à se faire vacciner continue d’être répandue au sein de la population, le pays est mieux équipé que jamais pour relever ce nouveau défi.

L’approche standard pour réduire l’hésitation vaccinale repose sur le déploiement d’une communication de masse et sur la mobilisation communautaire, ce qui sera extrêmement important à mesure que le Burundi avance. La facilitation et l’assistance technique pratique de la part des partenaires bien coordonnés seront également essentiels.

Le chemin vers la vaccination d’une masse critique de la population burundaise reste un défi. Cependant, il est important de reconnaître les progrès réalisés, le dévouement de toutes les personnes impliquées dans le processus, et le fait que tous les processus ne sont pas linéaires. La Banque mondiale continue d’appuyer le peuple burundais et de faire partie de sa trajectoire de développement, dans l’espoir de voir chaque Burundais jouir d’une vie saine et prospère.


Auteurs

Omer Zang

Senior Health Specialist

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