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De zéro à vingt indicateurs de genre en seulement deux ans ? Améliorer la disponibilité des données sur le genre au Congo

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Photo: Curt Carnemark / World Bank
Photo: Curt Carnemark / World Bank

Pour être efficace, l'élaboration des politiques doit s'appuyer sur des données. Sans données précises et actualisées, il manque un ingrédient fondamental pour décider des priorités et des besoins, concevoir des politiques adéquates et suivre les progrès.  Ceci est également - et particulièrement - vrai pour les politiques visant à réduire les disparités entre les sexes. Ces disparités, pour ce que l'on sait, sont criants au Congo : Les disparités touchent différents domaines socio-économiques, notamment l'accumulation de capital humain, les revenus, la possession d'actifs et l'esprit d'entreprise. Pourtant, les données précises sur ces inégalités, en particulier ceux de la sphère économique, sont rares, comme le soulignent les résultats de l'évaluation de la disponibilité des données sur le genre partagés ci-dessous.
 

Quel est l’état de la disponibilité des données économiques sur le genre au Congo ?

L'Institut national de la statistique du Congo travaille en étroite collaboration avec l'équipe du projet de renforcement des statistiques sur le genre (en anglais Strengthening Gender Statistics, SGS) dans le cadre d'un projet lancé en 2022 par trois départements de la  Banque mondiale : le département de pauvreté et équité, l'équipe en charge des études sur la mesure du niveau de vie du groupe de données sur le développement et le groupe en charge des questions de genre et qui fournit une assistance technique à 12 pays partenaires[1] pour améliorer la collecte, l'analyse et la diffusion des données sur le genre, en mettant l'accent sur le domaine économique. La première étape de l'engagement avec les pays partenaires consiste à réaliser évaluation de la disponibilité des données sur le genre (en anglais Gender Data Gap Assessment, GDGA), qui fournit une évaluation détaillée de la disponibilité de 24 indicateurs ventilés par sexe liés à la possession d'actifs, au travail et à l'emploi ainsi qu’à l'entrepreneuriat, tirés des Objectifs de développement durable (ODD) et de la liste minimale des indicateurs de genre de l'UNSD.  Les évaluations de ces 24 indicateurs prioritaires SGS pour chaque pays suivent la méthodologie décrite dans notre document d'orientation Comment évaluer les lacunes des données sur le genre dans le domaine économique : Conseils et résultats de base pour les pays partenaires du Projet de renforcement des statistiques sur le genre. Pour le Congo, le GDGA montre que le pays fait face à deux défis majeurs concernant la production de données sur le genre : (i) le manque de données pertinentes pour plusieurs indicateurs de genre et (ii) l'absence d'indicateurs de genre pertinents calculés de manière adéquate, même lorsque les données sont collectées de manière appropriée. Concrètement, le GDGA constate qu'actuellement :

  • 1 indicateur est partiellement calculé et publié. En effet, cet indicateur (la proportion et le nombre d'enfants âgés de 5 à 17 ans engagés dans le travail des enfants, par sexe et par âge (ODD 8.7.1)), n’est pas désagrégé par âge.   
  • 11 indicateurs (dont 10 des 17 indicateurs d'emploi) ne sont pas disponibles bien que des données pertinentes soient déjà collectées ;
  • 12 indicateurs (dont les 5 indicateurs d'actifs) ne sont pas disponibles car les données pertinentes ne sont pas collectées.

En résumé : Aucun des 24 indicateurs prioritaires du SGS n'est actuellement correctement calculé et publié, ce qui signifie que les décideurs politiques ne disposent pas des données nécessaires pour suivre correctement la participation économique des femmes ou la possession de biens. Sans savoir combien de femmes exercent un travail rémunéré ou non rémunéré ou possèdent un compte bancaire, un téléphone portable ou un terrain, les décideurs politiques congolais ne peuvent pas mettre en œuvre des politiques ou des services fondés sur des données probantes qui visent à améliorer les opportunités économiques des femmes.

Si les résultats du GDGA mettent en lumière les défis spécifiques auxquels le pays est confronté en ce qui concerne les données sur le genre, l'évaluation montre en même temps des opportunités concrètes et énormes pour améliorer les données sur le genre par la collecte, l'analyse et la diffusion des données.

Concernant la collecte de données : les principales raisons du manque de données du Congo pour plusieurs indicateurs liés à l'emploi et pour les cinq indicateurs de possession d'actifs sont : des questionnaires incomplets, dans lesquels il manque des questions ou des modules pertinents, et une collecte de données inappropriée. Le questionnaire de la deuxième Enquête Congolaise auprès des Ménages (ECOM 2) menée en 2011 ne recueillait pas les données sur l'emploi relatives à l'emploi du temps et aux accidents du travail. En ce qui concerne la possession d'actifs, le questionnaire ne recueillait pas de données sur la possession de comptes bancaires. Bien que le questionnaire comprenait des questions sur la possession de téléphones portables et de terres, cela n'a été fait qu'au niveau des ménages, ce qui ne permet pas de produire des indicateurs de genre pertinents. Dans le cas de la terre, la collecte de données au niveau du ménage signifie que le propriétaire foncier ne peut être clairement identifié et que la propriété exclusive ou conjointe ainsi que les droits individuels sur la terre (droit de vendre, de léguer, etc.) ne peuvent être évalués.

Sur l'analyse des données : Au Congo, les données sont correctement collectées pour 12 indicateurs mais un seul de ces indicateurs est calculé et publié - ce qui signifie que les données des 11 autres indicateurs ne sont pas utilisées pour produire des indicateurs de genre standardisés au niveau international.
 

Comment le projet SGS contribuera-t-il à combler les lacunes en matière de données sur le genre au Congo ?

En collaboration avec l'Institut national de la statistique du Congo, l'équipe SGS s'attaquera à ces problèmes par le biais d'une assistance technique, de la collecte des données à leur diffusion.

Collecter ! L'équipe SGS s'appuiera sur l'Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages au Congo (EHCVM-C), soutenue par la Banque mondiale, qui recueille désormais des données précises pour plusieurs indicateurs prioritaires SGS, notamment l'emploi du temps, la propriété de terres agricoles, les téléphones portables et les comptes bancaires. Cependant, quatre indicateurs prioritaires des SGS ne peuvent toujours pas être calculés à partir du questionnaire de l'EHCVM-C : deux sur les accidents de travail et deux sur les terres non agricoles. SGS a travaillé avec l'institut national des Statistiques du Congo pour s'assurer que les questions ou modules pertinents pour collecter les données de ces indicateurs puissent être incorporés de manière adéquate dans les enquêtes futures.

Calculez !  L'assistance technique sur le calcul des indicateurs de genre par le projet SGS permettra d'augmenter le nombre d'indicateurs disponibles de 0 à 20, comme le montre le visuel ci-dessus. Ces 20 indicateurs auront le statut "Disponible - Répond à tous les aspects de la définition de l'indicateur et les données ne soient pas collectées régulièrement" car il n'y a aucune information qui indique si l'EHCVM-C sera une enquête régulière.

Diffuser ! Pour améliorer la diffusion des données sur le genre au Congo, le projet SGS travaillera avec l'Institut National de la Statistique pour produire un livret genre en utilisant les indicateurs produits à partir de l'EHCVM-C. Il soutiendra également l'intégration d'indicateurs de genre pertinents dans d'autres publications statistiques, notamment les rapports d'enquête, les annuaires statistiques, les tableaux de bord sociaux et économiques, etc.

En résumé : Le soutien à travers le projet SGS permettra d'augmenter le nombre d'indicateurs économiques de genre disponibles suivant les recommandations internationales de 0 à 20 d'ici fin 2023. Une telle augmentation des données disponibles permettra aux décideurs politiques au Congo d'avoir une meilleure compréhension des écarts entre les sexes en ce qui concerne le temps consacré au travail domestique non rémunéré et au travail rémunéré, les salaires perçus, l'esprit d'entreprise, la propriété et la sécurité des droits fonciers. Ces données peuvent aider à adapter les politiques visant à accroître l'accès des femmes au marché du travail, en particulier dans certains domaines, à développer les services de garde d'enfants et de soins aux personnes âgées, à combler l'écart salarial entre les sexes, à accroître l'accès des femmes aux postes de direction et à supprimer les obstacles à la propriété d'entreprises et de terres. La publication régulière de ces indicateurs de genre est non seulement essentielle pour suivre les progrès du Congo dans la lutte contre les écarts entre les sexes, mais aussi pour identifier les politiques qui ont fonctionné.  


Ce blog est un produit du projet "Renforcement des statistiques sur le genre". Les membres de l'équipe principale sont Anna BonfertSarah BunkerHeather MoylanMiriam Muller et Kolobadia Nayihouba.

[1] Les 11 autres pays partenaires sont le Bangladesh, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, Djibouti, le Ghana, le Laos, Madagascar, le Mali, la Somalie et la Tanzanie.


Auteurs

Sarah Bunker

Spécialiste des données

Miriam Muller

Spécialiste des sciences sociales, pôle Pauvreté et équité, Banque mondiale

Kolobadia Nayihouba

Statistician economist, Strengthening Gender Statistics (SGS) project, World Bank

POUMBOU Frédéric

directeur des statistiques démographiques et sociales, l’Institut National de la Statistique du Congo

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