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Saturation du marché pétrolier : les prix à la baisse sur fond de flambée de la production et d’atonie de la demande

Saturation du marché pétrolier : les prix à la baisse sur fond de flambée de la production et d’atonie de la demande Tankers pétroliers et gaziers au mouillage, en attente des procédures d’exportation ou d’importation. Photo : Shutterstock

Ce billet fait partie d’une série de publications consacrées à la dernière édition du Commodity Markets Outlook (octobre 2025), rapport phare de la Banque mondiale sur les perspectives des marchés des matières premières. Dans cette série, nous proposons de brèves synthèses des chapitres du rapport traitant de chaque produit de base. Consulter le rapport complet ici (a)
 

Les cours du pétrole ont enregistré une hausse de 5 % en fin de trimestre, après l’annonce de nouvelles sanctions américaines contre des compagnies pétrolières russes, le Brent clôturant à environ 65 dollars le baril le 29 octobre. Les prix de l’or noir se sont inscrits à la baisse cette année, en raison des tensions commerciales existantes et des craintes d’offre excédentaire, et ce malgré des hausses sporadiques de courte durée liées aux soubresauts géopolitiques. À la suite de la baisse du prix du Brent, celui de l’Oural est tombé au-dessous du plafond de 60 dollars le baril en vigueur depuis février 2025, avant que celui-ci ne soit ramené à 47,6 dollars en septembre.

 

La croissance de la demande de pétrole continue de s’essouffler. Au troisième trimestre 2025, la demande mondiale de pétrole n’a augmenté en glissement annuel que de 0,8 million de barils par jour (Mb/j) (soit une hausse de 0,7 %), signe d’un ralentissement significatif par rapport à la moyenne enregistrée entre 2015 et 2019. Cette tendance devrait se poursuivre, avec une demande annuelle qui devrait ressortir à 103,8 Mb/j en 2025 et 104,5 Mb/j en 2026. La consommation de pétrole dans les économies avancées devrait rester stable, tandis qu’elle devrait se tasser en Chine en raison de l’adoption accélérée des véhicules électriques et hybrides. L’augmentation de la consommation indienne, qui est l’un des principaux moteurs de la croissance de la demande mondiale de pétrole, devrait être tirée par le gaz de pétrole liquéfié (GPL), l’essence, le naphta et le diesel.

 

 

L’offre de pétrole devrait augmenter en 2025 et 2026 avec la mise en service de nouvelles capacités de production. La production devrait augmenter de 3 Mb/j en 2025 (+2,9 % par rapport à l’année dernière) pour atteindre 106,1 Mb/j, puis progresser à 108,5 Mb/j en 2026. Selon les prévisions pour 2025, la croissance de l’offre devrait redémarrer dans la région MENAAP (Moyen-Orient et Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan), s’accélérer en Amérique latine-Caraïbes (LAC) et ralentir dans les économies avancées. Près de la moitié de l’augmentation enregistrée cette année est imputable à l’OPEP+ et à la hausse de ses objectifs de production.

 

La flambée de la production, combinée à une demande en berne, provoque un excédent mondial de pétrole. L’excédent pétrolier (offre moins demande) est estimé à 2,7 Mb/j au troisième trimestre 2025, ce surplus s’expliquant en partie par les multiples relèvements des objectifs de production de l’OPEP+ depuis le mois d’avril. Alors que la hausse observée des stocks en 2025 ne représente qu’environ la moitié de cet excédent estimé (ou « implicite »), les évolutions récentes du marché suggèrent de plus en plus un trop-plein d’offre d’or noir : plusieurs cargaisons de brut au Moyen-Orient sont récemment restées invendues, tandis que la quantité de pétrole brut stockée en mer connaît une augmentation rapide et significative. Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, le surplus pétrolier devrait atteindre 2,3 Mb/j en 2025 et augmenter encore jusqu’à 4 Mb/j en 2026, soit 1,6 Mb/j de plus que l’excédent enregistré en 2020 pendant la pandémie.

 

Les risques pesant sur les prévisions des prix du pétrole sont orientés à la baisse. Selon les projections, le prix du baril de Brent s'établira en moyenne à 68 dollars en 2025 et poursuivra sa baisse à 60 dollars en 2026, avant de remonter à 65 dollars à la faveur de la stabilisation de la conjoncture du marché. L’augmentation des quotas de production de l’OPEP+ constitue le principal facteur de risque à la baisse, auquel s’ajoutent un possible regain des tensions commerciales et une incertitude politique accrue. En ce qui concerne les risques à la hausse, les prix pourraient se révéler supérieurs aux projections de référence si le marché pétrolier s’avère plus tendu que prévu. Cette situation pourrait résulter d’une demande de pétrole plus forte qu’anticipé chez les principaux consommateurs hors OCDE et d’une croissance de l’offre plus limitée qu’attendu à la suite des quotas fixés par l’OPEP+ ou d’une production réduite en provenance des États-Unis. Par ailleurs, une montée des conflits, notamment au Moyen-Orient et en Ukraine, ainsi que l’impact sur le marché de sanctions supplémentaires — y compris les récentes mesures américaines contre des entreprises pétrolières russes — pourraient également faire grimper les prix au-dessus des prévisions actuelles.


Paolo Agnolucci

Économiste senior au sein de la division Croissance équitable, finance et institutions (EFI) et de la cellule Perspectives de la Banque mondiale

Nikita Makarenko

Analyste au sein de la cellule Perspectives de la Banque mondiale

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