Parce que les outils numériques ont pris une place essentielle dans notre vie, l’universalité de l’accès à internet ne cesse de s’imposer comme un facteur clé du développement socio-économique. Il est aujourd’hui établi qu’une plus grande connectivité à l’internet est corrélée à une participation accrue au marché du travail (a), à la mobilité de l’emploi (a), à la création d’emplois et à la croissance globale de l’emploi (a). Elle ouvre également l’accès à des services publics essentiels, comme l’éducation (a) et les soins de santé, ce qui renforce la résilience économique et sociale. Enfin, le numérique contribue à stimuler l’innovation, comme on l’a vu lors de la pandémie de COVID-19 et ses restrictions de déplacement.
Environ trois quarts de la population d’Amérique latine et des Caraïbes sont reliés à l’internet (a). Une note récente de la Banque mondiale (a) s’appuyant sur les enquêtes téléphoniques à haute fréquence (HFPS) auprès des ménages de 24 pays (a) esquisse un profil des populations laissées pour compte et tire trois conclusions essentielles sur l’accès numérique dans la région.
Les ménages bénéficiant d’un niveau d’éducation plus élevé sont plus susceptibles d’utiliser internet pour télétravailler ou apprendre en ligne.
L’utilisation d’internet varie considérablement selon le niveau d’éducation, tendant ainsi à exacerber les inégalités socio-économiques. D’après les données de l’enquête HFPS, environ 84 % des ménages où le chef de famille dispose d’un niveau d’études supérieures possèdent une connexion fixe à l’internet à leur domicile, contre seulement 50 % des ménages où le chef de famille s’est arrêté au primaire. Ces disparités se reflètent également dans le type d’activités numériques pratiquées par les ménages : principalement télétravail et apprentissage en ligne pour les foyers dont la personne de référence a au moins atteint un niveau d’éducation tertiaire, tandis que la messagerie instantanée reste l'usage le plus répandu parmi les autres familles.
Pénétration de l’internet fixe et part des ménages dirigés par une personne possédant un niveau d’études supérieures en Amérique latine-Caraïbes
Source : Données de la Banque mondiale et du PNUD, LAC HFPS II (Wave 1) 2021 ; calculs des auteurs. Note : La moyenne régionale correspond à la moyenne des pays de l’échantillon HFPS.
Dans les foyers d’Amérique latine et des Caraïbes, le principal moyen de se connecter à internet reste le smartphone , cet accès étant plutôt homogène sur le territoire. La proportion de ménages disposant d’un accès à un smartphone atteint en moyenne 95 % en milieu urbain et 93 % dans les zones rurales.
En revanche, deux tiers seulement des foyers de la région possèdent une connexion internet fixe, condition indispensable aux activités à fort débit de données, comme les visioconférences pour le travail ou l’apprentissage en ligne. Même si ces estimations semblent indiquer une amélioration par rapport à la moyenne régionale d’avant la COVID, des disparités persistent entre les pays (voir figure ci-dessous).D’autres sources de données confirmeraient également un élargissement de l’accès à l’internet fixe dans la région, même s’il demeure limité (a), avec un taux moyen de pénétration dans les pays couverts par le programme HFPS qui s'élève en moyenne à 58 %, contre 47 % en 2019.
Pourcentage de ménages disposant d’une connexion internet fixe en Amérique latine-Caraïbes
Source : Données de la Banque mondiale et du PNUD, LAC HFPS II (Wave 1) 2021 ; calculs des auteurs.
Le coût élevé des données dissuade les ménages d’accéder à internet, tandis que les tarifs onéreux et la mauvaise qualité des services affectent les utilisateurs.
Environ 50 % des ménages non connectés d’Amérique latine et des Caraïbes citent le coût des données comme principal obstacle. Cette fracture numérique s’explique probablement par une conjonction de prix élevés et de revenus faibles. Un ménage sur trois déclare avoir accru ses dépenses en forfait de données et en connexion internet lors de la pandémie, vraisemblablement en raison d’un besoin plus important d’outils numériques pour l’éducation, la communication et le travail.
Pourcentage de ménages non connectés signalant divers obstacles à la connectivité dans la région Amérique latine-Caraïbes
Source : Données de la Banque mondiale et du PNUD, LAC HFPS II (Wave 1) 2021 ; calculs des auteurs.
* Ordinateurs, tablettes ou smartphones.
Une fois raccordés, les usagers se retrouvent aux prises avec de multiples difficultés. Pour 55 % des ménages environ, la mauvaise qualité du réseau nuit à leur utilisation d’internet, tandis que plus d’un tiers (37 %) citent les coupures de courant comme un frein important et 30 % pointent le coût élevé des services.
Recommandations à l’intention des décideurs publics
La région a, sans conteste, besoin d’une meilleure connectivité internet afin de favoriser un développement socio-économique inclusif. Comment les dirigeants d’Amérique latine et des Caraïbes peuvent-ils raccorder ces oubliés du numérique ? Voici trois axes d'action prioritaires :
- Favoriser la concurrence et les investissements dans les infrastructures réseau à mi-distance et du dernier kilomètre faciliterait l’adoption de connexions fixes à haut débit dont la qualité est nécessaire pour des activités en ligne comme le télétravail ou l’apprentissage à distance. En parallèle, la modernisation du réseau électrique dans les zones rurales jouera un rôle important pour garantir à terme la stabilité des connexions.
- Les responsables politiques devraient ensuite se préoccuper de la qualité des services et rendre le coût des données abordable. Des tarifs élevés qui s’ajoutent à une qualité de service médiocre sont autant d’obstacles majeurs à la généralisation de l’internet en Amérique latine et dans les Caraïbes, notamment pour les tranches de population à faible revenu. Il est indispensable de promouvoir la concurrence, et ce levier politique devrait être envisagé dans tous les pays de la région. Cependant, à lui seul, il pourrait ne pas suffire. En appui des populations marginalisées, il serait peut-être nécessaire de procéder à un large déploiement de programmes de financement adaptés (subventions aux services et aux appareils, par exemple) afin d’élargir l’accès à l’internet.
- Enfin, la profonde fracture numérique entre les ménages à faible niveau d’éducation et ceux possédant un niveau d’éducation poussé souligne le risque d’aggravation des inégalités dans la région, car seul ce dernier groupe se trouve réellement en mesure de tirer parti des opportunités que présente le numérique. Les États et le secteur privé pourraient par conséquent favoriser une adoption inclusive du numérique en proposant des formations ciblées aux compétences digitales.
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