Publié sur Opinions

Bâtir des sociétés plus résilientes et pacifiques

Des agriculteurs afghans vérifiant leurs récoltes ©Rumi Consultancy/Banque mondiale Des agriculteurs afghans vérifiant leurs récoltes ©Rumi Consultancy/Banque mondiale

La pandémie de COVID-19 (coronavirus) a mis en lumière des fractures profondes dans nos sociétés. Alors que de nombreux pays sont aux prises à une recrudescence des cas, la violence aggrave la situation dans certains des environnements les plus fragiles du monde (a). Boko Haram et Al-Qaida ont ainsi profité de la crise sanitaire pour lancer de violentes attaques dans le bassin du lac Tchad, au Mozambique et ailleurs (a). Les répercussions plus marquées de la pandémie sur les femmes suscitent également une inquiétude grandissante, tandis que des études montrent que le confinement a entraîné une nette augmentation des cas de violence domestique dans le monde (a).

Outre ces évolutions alarmantes, le coronavirus exerce une pression supplémentaire sur des économies nationales et locales dont les services publics sont déficients et la capacité de réaction limitée. Or cette situation risque fortement d'exacerber les répercussions de la pandémie en provoquant davantage de troubles sociaux, de violence et d'instabilité, avec des effets amplifiés et des sociétés mises encore plus à rude épreuve dans les pays déjà en proie à la fragilité, au conflit et à la violence. Étant donné que ce sont les individus qui sont en fin de compte les plus grandes victimes des conflits, il est essentiel de trouver des solutions socialement durables pour lever les obstacles persistants au développement, comme l'exclusion, le manque de représentation citoyenne et les inégalités .  

Voici trois raisons qui plaident pour la mise en œuvre de telles solutions : 

Premièrement, la résilience sociale est ce qui permet aux personnes vivant dans des environnements fragiles de construire des foyers et des communautés solides, capables de résister aux divisions provoquées par les conflits et la violence. C'est pourquoi il est capital à nos yeux de renforcer la cohésion sociale et de soutenir une reprise durable après la pandémie de COVID-19 en investissant dans des populations qui sont en première ligne pour lutter le plus efficacement contre la crise. Grâce à des programmes pilotés par les communautés, nous avons pu étendre rapidement nos interventions aux zones reculées ou affectées par des conflits. En Afghanistan, dans le cadre du projet de charte du citoyen (a), les habitants se sont mobilisés pour mener des campagnes de sensibilisation sur le coronavirus. Les chefs de village diffusent des informations d'importance vitale lors de petits rassemblements pendant lesquels les participants observent une stricte distanciation sociale et d'autres mesures de prévention . Compte tenu de la pandémie, le gouvernement étend actuellement le périmètre de ce programme, de même que celui d'un autre projet de développement communautaire baptisé REACH (a), pour couvrir 90 % du pays, soit 34 millions de personnes.

Deuxièmement, l'inclusion sociale est essentielle : c'est ce qui permet à tous les membres de la société de bénéficier de services essentiels, quels que soient leurs revenus, leur localisation géographique, leur sexe, leur origine ethnique, leur handicap, leur religion ou leur orientation sexuelle. Quand une partie de la population n'a pas accès à la santé, à l'éducation, à l'emploi, à des salaires équitables ou aux services financiers, le coût est considérable pour tous et aussi pour l'économie.  Par exemple, les écarts de rémunération entre hommes et femmes représenteraient un montant supérieur au PIB mondial. C'est pourquoi, dans la Corne de l’Afrique, nous soutenons un programme de développement communautaire (a) qui a bénéficié à plus de 218 000 personnes en Éthiopie, dont la moitié sont des femmes. Quelque 12 100 enfants sont désormais scolarisés en primaire, près de 20 200 personnes peuvent accéder à des centres de santé et 76 000 personnes ont un meilleur accès à l'eau potable. Cette approche inclusive est également appliquée dans nos projets de lutte contre la violence à l'égard des femmes, en particulier en RDC où nous nous efforçons de prévenir les conflits et les violences interpersonnelles.

Troisièmement, l'autonomisation est ce qui permet à chacun de façonner son propre avenir et d'avoir voix au chapitre dans la société, ce qui est à la base d'une gouvernance à l'écoute et transparente, mais aussi d'une croissance inclusive. Pour favoriser l'autonomisation sociale, il faut veiller à ce que les programmes de décentralisation en faveur des communautés soient appliqués de bout en bout et encourager la responsabilité citoyenne. À cet égard, le rôle de la responsabilisation sociale est essentiel. Par exemple, un nouveau programme de contrôle participatif au Mozambique invite les citoyens à signaler les problèmes de gestion des déchets au moyen d'une plateforme numérique, en localisant les cas sur une carte en libre accès, ce qui permet aux autorités municipales de confier la collecte des déchets à des microentreprises.

Pour promouvoir des sociétés plus résilientes, plus autonomes et plus inclusives et protéger les plus vulnérables, les organisations de développement comme la Banque mondiale doivent favoriser les partenariats avec les acteurs humanitaires , de la paix et de la sécurité et d'autres intervenants. Ces partenariats sont un élément clé de la première stratégie du Groupe de la Banque mondiale pour les situations de fragilité, conflit et violence (FCV). Récemment publiée, cette stratégie expose une approche du développement à long terme sachant que les environnements fragiles risquent de concentrer jusqu'à deux tiers des personnes les plus pauvres dans le monde d'ici à 2030.  

Notre approche met l'accent sur la prévention des conflits afin de s'attaquer à leurs causes profondes, dont notamment l'exclusion sociale et économique, avant qu'éclatent de véritables crises. Garantir l'accès aux services de base et préserver la résilience des institutions est une priorité dans la poursuite de nos activités en cas de conflit en cours, de même que l'atténuation des répercussions des FCV sur les plus vulnérables, y compris les populations contraintes de fuir leur pays. Cette stratégie est soutenue par une enveloppe de financements d'un montant estimé à 25 milliards de dollars au cours des trois prochaines années et alloué par l'Association internationale de développement (IDA), le fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres, ce qui témoigne d'un engagement renouvelé de contribuer à bâtir des sociétés plus résilientes et plus inclusives à mesure qu'elles se redresseront après la pandémie.


Auteurs

Louise Cord

Directrice mondiale, pôle Développement social, Banque mondiale

Franck Bousquet

Directeur principal, fragilité, conflits et violence (FCV)

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